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Citations sur La Magie dans les villes (11)

Aujourd'hui tout va bien, constate-t-il. J'ai suivi au pied de la lettre les conseils avisés de mon médecin de famille, de mon orthophoniste, de mon psychologue, de mon ergothérapeute, de mon nutritionniste, de mon podologue, de mon psychothérapeute, de mon cardiologue, de mon dentiste, de mon sophrologue, de mon kinésithérapeute... Et ma foi, les événements de la journée se sont enchaînés avec beaucoup de bienveillance. A un moment donné, je me suis juste un peu ennuyé.
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Il arrive qu’il s’efforce d’être celui qu’on voudrait qu’il soit. Il se rend à un dîner, à une soirée chez des amis, il accroche son cœur au porte-manteau et il fait des phrases qui tombent rondement dans la conversation. Il sait flatter sans en avoir l’air, grincer ou pétiller quand il le faut. Il émet des signaux de joie ou de désespoir aux moments opportuns : une joie jamais trop joyeuse et un désespoir encore plein de ressources. Il se laisse glisser dans les scories du tiramisu et il n’a pas peur d’affronter la nature naturante. On le trouve en forme et il y met les formes. Il éprouve à cela un contentement un peu étrange, comme détaché de lui-même mais pourtant bien réel. Il se demande parfois si lorsqu’une femme simule le plaisir, elle ne finit pas par éprouver ce genre de contentement. Il y gagne une sorte de légèreté provisoire, pas désagréable du tout. Mais sa vieille peau s’ennuie au vestiaire, elle lui manque et il ne repart pas sans elle.
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Il aime bien les dimanches. Leur petit air de répit grignoté, de répit mal ajusté. Ils ont la mélancolie de tout ce qui n'en finit pas de finir. Ils ont quelque chose d'une vieille terrine un peu indigeste que se partageraient fraternellement morts et vivants. Le dimanche, il ne va pas à la messe, il ne fait pas non plus la grasse matinée. Il se lève et ne sort pas. Il veut profiter pleinement de cette croûte de temps, épaisse et friable. Il écoute les oiseaux qui ne chantent pas, la pluie qui tombe ou ne tombe pas. Il pense à de lointains cousins trépanés, qu'il n'a pas connus. Des cousins de cousin en noir et blanc dans les tranchées de la Marne. Il pense à l'eau noire du canal et à cet endroit où elle rejoint la Seine, presque pour rien, sans changer de couleur. Le dimanche, il lit entre les lignes et porte un âne mort dans son coeur. Autour de lui on s'agite souvent. On le contourne comme un vieux chêne. Le sens de la famille se perd dans les rayures de son pyjama. Il se dit que le dimanche mériterait d'être la veille de tous les autres jours. Bien sûr, techniquement, ce serait compliqué. On ne bouscule pas si facilement les agendas, on ne refait pas des calendriers qui se perdent dans la nuit des temps. Il se dit que c'est dommage, et puis il oublie. Il retourne à son temps d'encre molle. Il aime le dimanche non pas comme un jour de repos mais comme on aime un puits. Un puits sombre et débonnaire.
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Il y a des jours qui passent, blanc comme neige. Des jours où rien ne se pose. L'oeil n'ai rien vu, l'oreille rien entendu. Les mots lus ont glissé sur la page comme un filet d'eau pressé de rejoindre la rivière. Chaque visage a été tous les visages, chaque parole moins qu'une brise dans la brise. Des jours ni tristes ni beaux, en somme. Des courants d'air muets dans nos tuyaux d'orgue. Des jours dont on finit par douter qu'ils ont vraiment existé. Petite vie s'accorde, se racle la gorge.
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Bricoleur, il ne l’est pas pour deux sous. Quand on lui demande de monter un meuble ou de poser des étagères, il soupire. De construire un château, il prend son air désolé. Il ne tient pas de son père, qui était né sur une échelle. Il n’a jamais eu de goût ni de disposition pour le savoir-faire manuel qu’on aurait pu lui transmettre. Il a placé ailleurs sa patience et ignore comment rendre les objets dociles. Sa femme voudrait bien que ça change. Elle est délicate, encourageante, alors elle ne dit rien. Elle dispose un peu partout des notices et des plans de construction. Il découvre des croquis annotés aux quatre coins de son appartement. Sous son oreiller, dans son assiette, dans ses poches de veston. Les bons jours il en fait des pochoirs ou des listes de consignes qui riment dans le vent. Les mauvais jours, il n’en fait rien et les laisse reposer là où ils sont. Parfois, sa femme délicate dépose aussi des pièces détachées à intervalles réguliers sur la moquette. Mais il les prend pour des îles, et ça lui va comme ça.
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Toucher le fond n’est pas toujours si simple. Il a pu le constater. Le fond, c’est dur et quand tout va mal on finit par atteindre le roc. Le roc est l’autre nom du fond. C’est la surface solide sur laquelle on se pose avec un peu de chance ou sur laquelle on s’écrase quand on en a moins. Pourtant, un jour où plus rien n’avait ni queue ni tête, il s’est posé sur le roc. Un vrai jour pourri de chance. Soudain il a remarqué que son pied s’enfonçait encore. Le fond, c’était de la vase. Il s’est senti happé dans un monde plus bas et a pensé ça ne se peut pas. Mais il est passé en-dessous, il avait de la vase plein la bouche et il y avait là de drôles de poissons au regard grave et millénaire et des tas de petites bêtes de la nuit qu’il n’avait encore jamais vues. Il s’est demandé s’il leur ressemblait. Tout un petit monde lui disait salut, on t’attendait. Lui n’attendait personne, il glissait de plus en plus bas et il a demandé au petit monde : Mais c’est quand le fond ? Alors toutes ces choses lui ont répondu : Le fond, tu l’as déjà touché, il est au-dessus de toi. Détends-toi. Prends la vie sans fond du bon côté. Voyage.
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Chaque matin il sait qu'une phrase, une seule petite phrase pourrait sauver sa journée. Il ne sait pas quelle est cette phrase ni qui la prononcera. Il ne sait même pas s'il l'entendra. Il sait juste qu'une phrase flotte quelque part autour de lui. La boulangère lui dit bonjour, une demi-baguette, comme d'habitude ? Et il tend l'oreille. Dans la rue on le bouscule, on exulte ou on le salue, il est aux aguets. Plus loin, un enfant épelle son nom en passant ou une mère épelle le nom de son enfant, en le frôlant. Est-il sourd ? Il traîne sur les marchés, dans les parkings. Il déambule dans les criées et place des filets invisibles sous les téléphones mobiles. Il roule de phrase en phrase comme un galet. Parfois il tinte et c'est gagné, parfois il rentre juste avec une pierre coincée dans sa chaussure.
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Il regarde au creux de sa main la tristesse qui s’en va. Comme il ne lui en reste plus beaucoup, il la dépense avec parcimonie. La tristesse est un bien précieux avec lequel il ne faut pas se montrer trop prodigue. Il en saupoudre délicatement les arbres, les cheveux de ses enfants, les paupières de sa femme. La mélange un peu à la pruine de ses livres, en fait un duvet invisible sur la joue du temps. Il n’y aura bientôt plus de tristesse dans sa main, et il a peur que le monde prenne froid.
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— Ne trouvez-vous pas que le combat que nous nous apprêtons à livrer est quelque peu inéquitable ?
— Tes mots m’ennuient, rugit le géant. Où sont tes armes ?
— Eh bien, hésite-t-il, elles se limitent à peu près à ces mots qui vous ennuient…
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Parfois, il bondit dans son lit comme un ressort. Il se sent soudain envahi par un sens inouï de l’organisation. Il a besoin d’affronter des problèmes complexes, de gérer des situations inextricables pleines de paramètres variables. Sonœil sait où est le grain, sait où est l’ivraie. On va voir ce qu’on va voir, dit-il. Dans sa main ouverte il soupèse les enjeux de pouvoir, les jeux d’acteurs – des oisillons qui tendent leur bec ouvert vers celui de leur mère. Les solutions à court, moyen et long terme appellent des décisions et il les prend, comme on cueille des fleurs sur le bord du chemin. Son plan d’action est là, transparent, tout en prises de risques, échecs positifs et objectifs explosés. Ses stratégies sont à ce point intériorisées qu’elles ne méritent plus ce nom artificiel qui sépare le moyen du but. Tout est fin prêt, il peut se recoucher.
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