Dans le miroir du Caravage se présente comme un roman policier, qui nous permet de suivre au plus près le maître du clair-obscur. le meurtre d'Annuncia, courtisane et modèle favori du Caravage, mais aussi la femme qu'il a aimé, est le prétexte pour suivre la vie de Michelangelo Merisi pendant sa période romaine, celle qui lui apporta son succès et déclencha les jalousies, notamment celle du peintre Giovanni Baglione, détracteur virulent et particulièrement tenace qui lui forgea durablement une réputation horrible à travers son livre le vite de pittori, scultori e architetti. Jalousies et rivalités qui provoquèrent finalement sa chute malgré le soutien de ces deux mécènes, le cardinal del Monte et le banquier Giustiniani, et le condamnèrent à l'exil.
Le récit alterne entre deux point de vues, un regard externe, par un narrateur inconnu, et un regard interne, intime, qui nous plonge directement dans la tête du Caravage. Ces moments sont l'occasion de saisir la personnalité ombrageuse et tourmentée du peintre tout autant qu'une invitation à partager le secret de son atelier, découvrir ses méthodes de travail, de préparation des toiles, et ses techniques picturales. Ces « confidences » offrent surtout des guides de lecture de ses oeuvres les plus marquantes. L'attention du lecteur est souvent attirée sur un détail, un élément du tableau, qui apporte un éclairage singulier sur ces célèbres toiles et permet de comprendre les Idées, souvent subversives au regard de la peinture académique, cachées derrière.
Le roman est aussi une magnifique plongée dans la Rome baroque de ce début de XVIIe siècle. Des rues dangereuses, sales et malfamées, peuplées de poivrots, de mercenaires et de prostituées, un monde fait de rixes et de batailles rangées, où personne n'est à l'abri d'un mauvais coup. Un univers interlope dans lequel se fond le Caravage pour y trouver ses saints et ses apôtres.
C'est aussi la Rome des papes, centre du catholicisme, celle des luttes de pouvoir entre factions rivales hispanophiles ou francophiles, celle des grandes familles, Farnèse, Borghèse et tant d'autres, qui maquillent leurs vices en vertus, c'est aussi la Rome capitale d'un État dysfonctionnel, à la fiscalité écrasante, qui finance le train de vie, gouffre sans fond, d'un Vatican dominé par des familles qui pensent d'abord à leur enrichissement personnel. C'est d'ailleurs l'occasion de voir Scipion Borghèse, « cardinal par erreur, neveu par profession », tristement célèbre pour avoir construit sa collection d'art par le chantage ou la spoliation d'artistes ou de collectionneurs.
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