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Citations sur Mélatonine (22)

.....rédigeant péniblement un vague synopsis pour La Diagonale du vide : un cadre sup macroniste arrogant et malade tombe en panne dans la France des invisibles où il est contraint de regarder en face l’idée visionnaire que l’Occident, la paysannerie et lui-même sont foutus ; j’ajoutai çà et là quelques scènes de baise avec des transsexuels, domaine qui me semblait éditorialement encore assez peu investi, et une arche narrative sous-jacente à propos du cancer du type mal soigné à cause des déserts médicaux cyniquement planifiés par la macronie. Je reçus par retour de mail un avis moyennement enthousiaste mais néanmoins favorable de mon éditrice qui me suggérait toutefois de remplacer le cancer, usé jusqu’à la corde, par une aphasie de Broca comme métaphore vivante de l’inanité du discours des élites mondialisées.
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Je crois qu’à ce moment-là j’envisageais, plutôt tranquillement du reste, la possibilité d’en finir, par exemple en fonçant dans un pylône de ligne haute tension ; mais le pare-chocs avant de ma Jeep Cherokee était spécialement conçu pour absorber les chocs frontaux et puis mourir posait le problème de la postérité : après le prévisible emballement commercial qui suivrait mes obsèques nationales (l’idée de demander à Arielle Dombasle de chanter le Requiem de Mozart a cappella pour emmerder mes survivants me traversa l’esprit) combien de temps durerait mon séjour au purgatoire des lettres ? Et à qui confier mon oraison funèbre pour être absolument certain qu’elle soit chiante (Modiano ou Le Clézio) ? Je pouvais aussi tout arrêter, fuir la pression médiatique, les polémiques, les surenchères… mais là le risque était de finir comme Salinger qui n’avait jamais vraiment réussi son come-back.
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Je craignis d’avoir à me justifier mais elle enchaîna en se lançant dans une longue péroraison sur les risques que je courais si je me laissais griser par mon statut de monument vivant des lettres françaises et européennes–de most bankable French writer, comme l’avait récemment titré The Times–et elle m’exhorta à me mettre personnellement en danger sinon je finirais, elle en était sûre, par m’inscrire au Gymnase Club, postuler à l’Académie française et bruncher bio sur les quais de Seine.......Je confessai que j’en étais arrivé moi aussi la nuit précédente à la conclusion que j’allais trop bien et que depuis que j’avais fait ce constat je cherchais à partir écrire n’importe où pourvu que ce fût désolant......“ Il existe une bande de territoire, m’expliqua-t-elle, qui traverse le pays de la Meuse jusqu’aux Landes dans laquelle la densité de peuplement et l’espérance de vie sont très largement inférieures à la moyenne nationale. La population y souffre d’un sentiment d’abandon et d’un désespoir chronique qui s’accompagnent d’une consommation record d’anxiolytiques et d’antidépresseurs couplée à un fort taux d’alcoolisme et de diabète de type 2. Si tu veux un décor vraiment sinistre pour faire mouiller la France qui lit, c’est exactement ce qu’il te faut, Marcel.”
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[...] et quand ce fut mon tour de passer au shampoing, nous n'étions plus qu'elle et moi dans le salon, "Cendrillon" de Téléphone passait sur Evasion Pays de Breuil FM et elle me demanda si la "températchure" de l'eau me convenait et je dissimulai tant bien que mal ma bite en béton dans les plis de la blouse qu'elle m'avait nouée autour du cou ; comme je l'avais plus ou moins deviné, elle avait bien une odeur de rousse, capiteuse, épicée, vanillée, enivrante. " Vous les coiffez comment d'habitchude ? " me demanda-t-elle en m'examinant dans le miroir. J'ai hésité un instant et puis je ne sais pas ce qui m'a pris, je me suis lancé sans lui demander la permission en essayant de planquer mon érection de de ne pas trébucher avec ma blouse et je suis allé chercher le vieux "Closer" que j'avais abandonné sur le petit canapé noir, je l'ai ouvert à la page "Les nuits de Closer" et je lui ai montré une photo de moi au bras d'Evelyne Dhéliat à l'anniversaire de Massimo Gargia. " Je voudrais me coiffer comme lui... ", j'ai dit. Elle me jeta un regard un peu perplexe, mélange d'amusement et d'une sorte d'indulgence.
" Qui c'est ce type ?
‒ Euh... un écrivain...
‒ Ah, c'est pour ça que le connaissais pas, soupira-t-elle, soulagée. Moi et la littératchure...

[Pascal FIORETTO, "Mélatonine, éd. Robert Laffont, page 95 - extrait de scénette se déroulant au salon "Imp'hair à tifs" de Morneuil-le-Vieil]
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Il existe une bande de territoire, m'expliqua-t-elle, qui traverse la pays de la Meuse jusqu'aux Landes dans laquelle la densité de peuplement et l'espérance de vie sont très largement inférieures à la moyenne nationale. La population y souffre d'un sentiment d'abandon et d'un désespoir chronique qui s'accompagnent d'une consommation record d'anxiolytiques et d'antidépresseurs couplée à un fort taux d'alcoolisme et de diabète de type 2. Si tu veux un décor vraiment sinistre pour faire mouiller la France qui lit, c'est exactement ce qu'il te faut, Marcel.

[Pascal FIORETTO, "Mélatonine", Robert Laffont, 2019 - page 42]
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La serveuse, qui portait un tee-shirt “Paris est une fête”, nous demanda si nous avions fait notre choix et je m’abstins de lui dire que le mien eût été de m’enfuir pour tenter d’oublier que je ne savais plus quoi écrire mais je me contentai de réclamer la carte des vins, car je pressentais que j’allais en avoir sacrément besoin.
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En feuilletant "Le Parisien", je découvris que la maison de Xavier Dupont de Ligonnès était de nouveau en vente, cent trente mètres carrés, cinq chambres, un jardin de trois cent mètres carrés dans un quartier prisé de Nantes pour quatre cent soixante-dix-neuf mille euros honoraires inclus. J'appelai l'agence Guy Hoquet qui m'informa qu'Emmanuel Carrère avait déjà fait une offre mais que je pouvais renchérir si je le souhaitais car son éditeur n'avait toujours pas signé la promesse de vente. L'idée d'habiter les lieux du quintuple meurtre familial suivi par la disparition du principal suspect me tenta fugacement mais je renonçai. Je crois que les familles nucléaires traditionnelles, même enterrées sous la terrasse, ce n'était pas trop mon truc.

[Pascal FIORETTO, "Mélatonine", Robert Laffont, 2019 - pages 27-28]
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''Le titre est bon, rien à dire, commença-t'il, c'est flatteur pour le lecteur, ça fait intelligent, prophétique, on va pouvoir faire réagir des sociologues, des politiques, organiser des débats, Agathe Vonak-Lacavaliere peut en tirer sans problème quatre cents notes didactiques pour l'édition scolaire chez Granier-Glammarion ..." Je commençais à respirer un peu plus tranquillement ; il ajouta que les premières pages étaient pas mal, l'arrivée dans le pavillon, le coup des classes moyennes déclassées, l'ambiance France des invisibles, c'était habile, ça changeait des paysans à bout et des conflits libidino-sociaux ...Il avala une rasade, fit claquer sa langue et s'essuya la bouche dans le creux de son coude. "Mais tout le reste est à chier, Marcel..., lâcha-t'il sans me regarder. Les courses, la bagnole, les bourdieuseries de comptoir, tu l'as déjà fait mille fois. Pas un people, pas une transgression un peu inattendue, rien à refiler pour les reprises presse... On dirait un mauvais pastiche de tes trois derniers bouquins. Tu as changé, mon vieux, et le bonheur ne convient pas à tout le monde."
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« J'ai commandé une portion de frites et caressai quelques minutes l'idée de m'installer en banlieue. J'avais lu dans un essai de Bourdieu ou peut-être appris dans un docu RMC Découverte que pour peu qu'on la choisisse « à problèmes », la vie pouvait y être très pénible, puis je me souvins qu'Olivier Adam, Éric Reinhardt et d'autres y avaient déjà ambiancé des bouquins sinistres, Delphine de Vigan ayant même consacrer un ouvrage entier aux passagers du RER D. »
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« Elle réprima une grimace dubitative, écarquilla les yeux et planta son regard dans le mien : « Je suis inquiète pour vous, Marcel vous avez quasiment bonne mine, on dirait presque que vous allez bien. », et honnêtement il n'était pas faux de dire que sans être à proprement parler de bonne humeur je sentais que ces derniers temps j'avais du mal à rester au fond du trou comme dans les années les plus sombres et les plus créatives de ma vie ; elle ajouta que si je continuais comme ça mon écriture allait s'en ressentir , que je risquerais de perdre ma vista klouellebecquienne et de sombrer dans l'insignifiance bonasse d’un Éric Emmanuel Schmitt voire d’un David Foenkinos, que je devais penser aux millions de lecteurs occidentaux et aux libraires courageux qui m'attendaient pour échapper respectivement au littérairement correct et à la faillite. Je frémis en imaginant ce qu'elle dirait si elle découvrait qu'en plus je bandais - sans Viagra , sans YouPorn, sans le martinet de Clarence - juste comme ça, pour rien, parce que j'étais au fond un mâle comme les autres et que mon pénis, ignorant l’aporie dont il était l'origine, satisfait d'être au monde, n'en faisait qu'à sa tête de nœud. »
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