Ou “Ô mon Dieu…
accordez-moi cette valse” car ce n'est pas à un soupirant que s'adresse le titre de
Zelda mais plutôt à Dieu ou à Diable afin qu'il lui permette de pouvoir danser encore et encore, de martyriser son corps dompté un temps par et pour la danse.
Dans une prose excessivement imagée,
Zelda Fitzgerald nous livre ici quelques “fragments” de sa vie avant de retourner à la folie qui l'a détruite… Mais je l'ai trouvé bien édulcoré par rapport à ce que j'ai déjà lu de la vie de ce couple auparavant. D'ailleurs la postface de Matthew J. Bruccoli, de 1968, contributeur à la version actuelle le souligne clairement : ” le premier manuscrit de ce roman n'a pas été conservé, et il semble qu'il ait été un document infiniment plus personnel que la version finalement publiée – c'est-à-dire que le manuscrit original relatait de façon beaucoup plus transparente le point de vue de
Zelda sur leur mariage sensationnel et les causes de son échec”. Certes, il n'a eu aucun succès à sortie en 1932, mais il en a depuis les années 1960 jusqu'à maintenant et les “accros” de Fitzgerald sont prêts à explorer tous les chemins qui mènent à lui (et à son oeuvre). Or,
Zelda en a été l'axe principal…avec l'alcool, tout le monde le sait.
Divisé en quatre chapitres, ce livre nous retrace la vie d'Alabama Kgnith, née Alabama Beggs qui a grandi dans une famille heureuse malgré la rigidité froide et compassée de son père, le Juge… Dernière d'une fratrie de trois filles, un garçon est mort quelques années auparavant, sa mère lui cède volontiers ses caprices et son père ferme les yeux tant qu'il n'est pas demandé… Elle va immédiatement tomber amoureuse de David Knight (Scott Fitzgerald) lors de leur rencontre au Country Club de Montgomery (Alabama). Scott est alors beau lieutenant de réserve au moment de la démobilisation de 1918 et surtout fraîchement émoulu de West Point. Il repart à New-York mais lui demande de le rejoindre pour l'épouser à New-York. Sa mère l'aidera à préparer sa robe de mariée.
En 1920, Scott est célèbre grâce à L'Envers du Paradis, son premier roman. Dans “
Accordez-moi cette valse” il est peintre… Leur folle vie à New-York de party en party, des soirées arrosées dont elle parle ici finalement très peu, Scott n'est pas souvent ivre, elle encore moins. Elle a conscience qu'ils viennent à eux deux de créer la dynastie “des enfants du Jazz”, mais elle nous parle surtout de leurs sorties, des stars de cinéma qui sortent de l'ombre et deviennent à leur tour des célébrités (
Charlie Chaplin, Maryline Miller,..). Elle accouche (très vite) de Bonnie (Scottie, leur fille unique) en 1921. Puis vient le voyage (version épouvantable) pour la France où leur paquebot essuie une terrible tempête pendant la traversée, elle sera malade (pas vraiment glam') tout du long pratiquement et en garde un souvenir “mitigé” : beaucoup de beuveries avant la tempête et le reste du temps dans sa cabine, ah si, elle se souvient qu'il s'agissait du Pont G, cabines 35 et 37. Après avoir passé quelques mois à Paris, dans les bars des grands hôtels ou chez les américains exilés pour cause de Prohibition (après ce sera la récession) ils louent une somptueuse villa à Saint-Raphaël pour que David puisse peindre. le temps d'un été elle va rencontrer un aviateur français beau comme un dieu, mais là encore, si on sent déjà la faille dans le couple, elle nous présente cette aventure comme un flirt, bien que certains passages eux, révèlent à quel point le coup de foudre fut immédiat et leur passion inéluctable : ” Elle avait l'impression qu'elle aurait aimé embrasser Jacques au sommet de l'Arc de Triomphe. Embrasser cet étranger vêtu de blanc, c'eût été sacrifier à un rite religieux oublié, ou presque.”
David est furieux (quand même), et dès l'automne ils regagnent Paris qui lui semble si grise, si triste qu'elle va, après s'être assurée que son mari s'amusait bien, se lancer (à 28 ans dans la vraie vie) dans une carrière de danseuse classique. Elle met trois ans à pouvoir jouer un ballet avec un rôle de première ballerine (en Italie). Entre temps, David a déménagé en Suisse (pas de raisons données dans le livre) avec Bonnie, elle a commencé à prendre des tranquillisants mais ne nous dit absolument pas pourquoi ou si peu : ” Alabama prenait le sédatif jaune le soir pour oublier les lettres de Bonnie” : seulement pour déculpabiliser de s'occuper si peu de sa fille ? le livre se termine sur la mort de son père, sur le temps qui passe et laisse autant de regrets, sinon plus depuis qu'elle se sent une femme “mûre” (à 32 ans, pas de quoi paniquer !).
Cette autobiographie déguisée et romancée fait la part belle à Scott qui nous est présenté en père modèle, en homme sobre qui ne s'énivre qu'aux party (elles étaient nombreuses il faut dire), au train de vie fastueux qu'ils ont entretenu à cette époque, aux affres de la vie de couple mais du point de vue de l'enfant gâtée qui doit se “dédoubler” pour apprendre à vivre dans l'ombre d'un homme vénéré de part le monde et à la danse… qui a occupé ses jours et ses nuits pendant trois ans environ, la coupant de sa vie de famille : “Elle travaillait jusqu'au moment où elle se sentait comme un cheval éventré par les cornes du taureau dans l'arène et piétinant ses entrailles”. Mais David venait la voir à l'atelier où elle répétait (ce n'était pas l'Opéra !), pendant que Bonnie, adorable enfant éveillée, accompagnée de sa nurse anglaise ou française grandissait sagement à l'ombre de ces deux monstres…sacrés !
D'ailleurs, s'il est évident que Scott a fait des modifications dans le manuscrit, ils avaient tous deux compris l'importance de l'impact qu'ils laisseraient à la postérité et surtout ils avaient à coeur de laisser à leur fille un héritage brillant, comme en témoigne ce passage :
“- Alors, la règle du jeu est de faire cadrer les choses ensemble de façon que lorsque Bonnie aura notre âge (32 et 36 ans) et étudiera notre vie, elle puisse y trouver la belle mosaïque harmonieuse de deux dieux de marbre. En contemplant cette vision, elle se sentira personnellement moins frustrée, d'autant qu'à une certaine période de sa vie elle aura été forcée de sacrifier son désir de pillage, pour protéger ce qu'elle croit être le trésor que nous lui avons légué. Cela lui permettra de croire que son insatisfaction ne durera pas.”
Alors certes, comme chez son époux, il y est beaucoup question de crépuscules, du bonheur qui s'enfuit à peine trouvé, d'ailleurs l'a-t-elle jamais connu ? En dehors de son enfance, de sa première année de mariage et de Jozan, le bel aviateur français… ” La génération adulte est toujours celle qui est privée du réconfort d'avoir des gens qui se penchent sur elle“. Mais ce livre mérite d'être lu malgré un style très imagé, à la limite de l'incompréhension parfois. On y sent battre le coeur d'une femme blessée qui portait sur ce qui l'entourait un regard exacerbé, comme sa sensibilité, avait un humour parfois cinglant et qui aurait voulu que la passion et l'insouciance de l'extrême jeunesse soient les premiers rôles de son existence théâtrale. J'ai aimé ce livre malgré ses défauts, il a aussi des qualités et on ne peut qu'éprouver de la tendresse au final pour
Zelda qui a passé la moitié de sa vie à en comprendre l'autre moitié. Elle n'aurait pas dû avoir d'ombre qui la suive et vivre à midi ou à minuit… Mais les témoins de cette époque ont tous disparu aujourd'hui , nous ne saurons jamais vraiment où a commencé la folie et où l'amour a cessé de battre.
SUR
ZELDA (et qui n'est pas dit dans ce livre), ci-dessus, ce que la presse américaine de l'époque en pensait… Elle a publié des nouvelles avec son illustre époux.
Zelda Fitzgerald née Sayre est née en 1900 à Montgomery (Alabama). Son père était juge, son grand-père sénateur. Elle a défrayé la chronique plusieurs fois : en étant élue Miss Alabama à 16 ans, puis en épousant Scott en 1920, il en avait 23 ! Son alcoolisme à lui et sa folie à elle, (qualifiée de schizophrénie) ont eu raison de leur couple, mais ils se sont écrits juqu'à la fin des lettres d'une tendresse incroyable, lire
Zelda de
Jacques Tournier. Elle a écrit ce livre en 1932 en trois semaines lors de son second séjour en clinique psychiatrique (et à Montgomery dans la maison de ses parents). Après, elle n'a plus jamais connu de vie normale, elle est morte Dans l'incendie de son pavillon hospitalier d'Ashville (Caroline du Nord), elle avait 48 ans. Elle écrivait paraît-il un second roman malgré son état de santé. Fitz était décédé huit ans plus tôt en 1940 d'un cancer.
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