De très jolies scènes nimbées de la douceur typique de Fitzgerald, non exempte de clichés, mais que l'auteur se réapproprie grâce à une forte présence, et quelques subtils dialogues qui émaillent le récit et maintiennent l'attention.
On regrette donc que l'auteur n'ait pu le mener à terme, car cela aurait sans doute donné un nouveau grand roman, tout à fait dans la lignée de ses deux précédents, si les ébauches avaient tenu toutes leur promesses.
En attendant, malgré l'absence d'unité et surtout l'inachèvement du récit, nous avons accès au cabinet de travail d'un écrivain qui avait lié son oeuvre très étroitement à sa vie, ce qui en fait un ouvrage fascinant, éclairant de sa lumière crépusculaire le reste de la production de Fitzgerald.
Commenter  J’apprécie         70
Des secours arrivèrent, et la rumeur se répandit bientôt de proche en proche, d'abord que l'une des femmes était fort jolie, et ensuite qu'il s'agissait de personnes importantes. En fait ce n'étaient que des promeneuses égarées, et Robby attendait avec dégoût qu'on soit parvenu à maîtriser l'objet et qu'on l'eût enfin tiré hors de l'eau, pour faire passer un mauvais quart d'heure aux deux rescapées.
"Les gens passent leur temps à tomber amoureux et à en sortir, non ?
- Tous les trois ans à peu près, selon Fanny Brice. Je viens de le lire dans le journal.
- Je me demande comment ils font. Je sais que c'est vrai puisque je les vois. Ils ont l'air très convaincus chaque fois. Puis tout d'un coup ils n'ont plus l'air convaincus. Et les voilà qui retrouvent de nouveau toute leur conviction.
- Vous faites trop de films.
- Je me demande si cette conviction est la même la deuxième fois, la troisième ou la quatrième, insista-t-il.
- Elle est de plus en plus forte. Surtout la dernière fois."
Les yeux de Stahr et ceux de Kathleen se croisèrent, se lièrent. Pendant un instant, ils firent l’amour comme personne n’ose plus jamais le faire ensuite. Leur regard fut plus lent qu’une étreinte, plus pressant qu’un appel.
On pourrait dire qu'il avait atterri par hasard là où l'avait poussé le vent, mais je ne le pense pas. Je tendrais plutôt à croire qu'il avait découvert en «plan général» une nouvelle façon de mesurer nos espoirs cahotants, nos gracieuses arnaques, nos gauches afflictions, et qu'il avait choisi de venir parmi nous pour y rester jusqu'au bout.
[Les scénaristes] sont les fermiers de ce métier [...] Ils font pousser le grain mais ils ne sont pas invités au festin. Ce qu'ils éprouvent à l'égard du producteur ressemble à la rancœur du fermier contre le citadin.
« L'histoire de ma vie est celle du combat entre une envie irrésistible d'écrire et un concours de circonstances vouées à m'en empêcher.
[…] Puis, mon roman a été publié. Puis, je me suis marié. Maintenant, je passe mon temps à me demander comment tout cela est arrivé.
Selon les mots de l'immortel Jules César : « Tout est dit ; il ne reste plus rien. » (Francis Scott Fitzgerald, « Qui est qui, et quoi? », paru dans le Saturday Evening Post du 18 septembre 1920.)
« […] En mai 1934, Fitzgerald [1896-1940] s'ouvre de son projet subtil à son éditeur, Maxwell Perkins [1884-1947] : « Comme vous le savez, je n'ai jamais rien publié de personnel sous forme de livre parce que j'ai toujours eu besoin de tout le matériel possible pour mes oeuvres de fiction. Toutefois, un certain nombre d'articles et de textes divers ont attiré l'attention d'un vaste public et pourraient le faire de nouveau si nous pouvions trouver, entre le titre et les textes, le lien qui puisse nouer l'humour à un soupçon de sagesse. » […] Perkins ne répond pas. Mais l'idée refait surface deux ans plus tard, en mars 1936, quand Fitzgerald lui propose « un livre de réminiscences, non pas une autobiographie, mais des réminiscences ». […] Fitzgerald, plus précis encore : « Il est plus triste de retrouver le passé et de s'apercevoir qu'il n'est pas à la hauteur du présent que de le voir s'échapper pour demeurer à tout jamais une construction harmonieuse de la mémoire. » Il s'agit donc, dans ce livre des réminiscences, au cours de cette délicate chasse aux papillons, de retrouver, en dépit de la tristesse et contre elle, un passé à la hauteur du présent, un passé qui tienne ses promesses à l'avenir. […] « Il se trouve que la plus grande partie de ces articles sont intensément personnels : alors qu'un journaliste doit trouver un sujet sur lequel écrire son article quotidien ou hebdomadaire, j'ai écrit ces articles uniquement lorsque l'impulsion venait de l'intérieur. En fait, j'ai les mains plus propres pour la non-fiction que pour la fiction. » […] le projet « Mains propre » était resté lettre morte. Que vive Un livre à soi. » (Pierre Guglielmina, Qu'est-ce qu'un « livre à soi »?)
« […]
[…] Jamais la foi dans le destin de l'homme n'avait atteint les sommets auxquels elle est parvenue dans les années 1890 - rarement cette même foi a plongé aussi bas qu'aujourd'hui. Lorsque nous observons autour de nous un rapide déclin des idéaux de conduite, il existe nécessairement une cause fondamentale pour l'expliquer. Il est impossible d'être vicieux dans le vide. Quelque chose de sérieux (que seuls les évangélistes professionnels, les romanciers de gare et les politiciens corrompus prétendent comprendre) affecte le monde. Il faudra un coeur solide pour nager à contre-courant dans ces eaux troubles et ne pas être, comme ma génération, un peu cynique, un peu las et un peu triste. […] - doit-on s'étonner que nous redoutions presque d'ouvrir les journaux le matin de peur d'y découvrir une nouvelle dérive de la civilisation, une nouvelle infamie dans cette chambre obscure que nous appelons le coeur humain !
C'est sur ce monde que nos enfants ouvrent aujourd'hui les yeux. […]
[…] si mon enfant est un meilleur homme que moi, il viendra me voir enfin pour dire, non pas : « Père, tu avais raison concernant la vie », mais plutôt : « Père, tu avais complètement tort. »
Et quand ce moment viendra, et il viendra, puis-je être assez juste et sage pour dire : « Bonne chance et adieu, car j'ai possédé autrefois ce monde qui t'appartient, mais je ne le possède plus. Suis ta voie à présent, avec vaillance dans le combat, et laisse-moi en paix, au milieu de tous ces torts passionnés que j'ai aimés, car je suis vieux et ma tâche est accomplie. » (Francis Scott Fitzgerald, « Attendez d'avoir des enfants à vous ! », paru dans Woman's Home Companion, juillet 1924)
« Crack-up (titre original de ce texte [Craquer]) signifie certes « craquer nerveusement », mais aussi, « rire » ou « faire rire ». Fitzgerald a certainement ce double sens en tête […] » (Note de Pierre Guglielmina)
0:04 - Craquer
13:51 - Générique
Référence bibliographique :
Francis Scott Fitzgerald, Un livre à soi, traduit par Pierre Guglielmina, Éditions Les Belles Lettres, 2017
Image d'illustration :
https://www.npr.org/2015/01/10/376118599/west-of-sunset-imagines-f-scott-fitzgeralds-last-years-in-hollywood
Bande sonore originale : Gotama - Inner Silence
Site :
https://gotama-music.bandcamp.com/track/inner-silence
#FrancisScottFitzgerald #Craquer
+ Lire la suite