L'eau est montée, changeant à tout jamais, maintenant que la crue est définitive, le paysage. Mais aussi les hommes et leur façon d'habiter le monde... Installé sur sa petite barque à moteur, Hans Vogel a, comme tout un chacun, essayé de s'adapter. Unique chose à faire si l'on veut survivre... Aujourd'hui, il vient rendre visite à sa mère, Jeannes, qui, depuis la dernière crue, a changé d'emplacement. Installée sur un petit îlot, où son potager lui permet de survivre, elle vit avec son fils, Gorza, et son chien bleu, doté d'une conscience. Apportant avec lui de l'essence mais aussi du vin, mère et fils sont contents de se retrouver. Ils trinquent ensemble, se racontent les dernières nouvelles. Jeannes remarque combien son fiston peine à cacher sa peine de coeur, sa femme s'étant fait la malle avec un autre homme. Heureusement que sa fille, Vinee, étudiante en droit, est là pour le soutenir. Mais Jeannes s'inquiète aussi des actions qu'il mène contre ce gouvernement autoritaire qui oblige la population à se rassembler dans des centres d'hébergement, voulant éviter les « hors-zones ». Aussi, Hans, en compagnie de son frère, part à la recherche d'un endroit où pourraient vivre tranquillement ce dernier et sa mère...
Une France submergée, à la dérive... Des villes et des campagnes les pieds dans l'eau, pour certaines abandonnées... C'est dans ce monde post-apocalyptique que nous fait naviguer
Benjamin Flao... Si certains se sont résignés, obéissant au gouvernement, d'autres, au contraire, s'y opposent, voulant conserver un tant soit peu de libertés et vivant sur des îlots, en autonomie et autarcie. C'est ainsi que vivent Jeannes, Hans, Gorza et le chien bleu. Hans, débrouillard, réfractaire et cynique, entraine avec lui son frère, un homme simplet, colossal, fin plongeur et pêcheur, bourru et bourré d'empathie et d'humanité et son chien, doté d'une conscience humaine et qui, en tant que narrateur, entrelace ses pensées au récit. Cet album, singulier, inclassable, au charme indéniable, nous envoûte et nous submerge d'émotions dès les premières pages. Les personnages marginaux, les décors parfois grandioses, l'atmosphère si particulière, la voix-off poétique... Graphiquement,
Benjamin Flao, de par son trait très expressif, ses couleurs profondes, ses paysages magnifiques, parfois hypnotiques, nous plonge, avec un brin de désespoir, dans un monde d'anticipation réaliste.
Un premier tome saisissant...