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EAN : 9782368906286
672 pages
Le Passeur (11/10/2018)
4.64/5   29 notes
Résumé :
On n’imagine pas caractères plus dissemblables, conceptions de la vie plus différentes et rapports à la littérature plus divergents que ceux de George Sand et Gustave Flaubert.

Pourtant, leur correspondance est l’une des plus belles qui soient et apporte un éclairage indispensable sur leurs oeuvres et leurs démarches artistiques. Son intérêt est multiple : tant pour l’histoire littéraire que pour la connaissance des idées philosophiques, esthétiques e... >Voir plus
Que lire après Correspondance : Gustave Flaubert / George Sand - Tu aimes trop la littérature, elle te tuera Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Flaubert et Sand chacun le « vieux troubadour » de l'autre ! C'est souvent leur signature au bas de leurs lettres à côté d'autres très drôles, Flaubert signe aussi R.(évérend) P.(ère) des Barnabites, très souvent Saint Polycarpe ou encore se désigne comme "Cruchard".Correspondance passionnante qui commence en 1866 pour s'achever à la mort de Sand en 1876 et recèle l'histoire d'une amitié improbable mais solide, lente à s'établir, entre deux vieilles connaissances (scolaires pour certains). Si l'attrait documentaire de ces échanges epistolaires est fort Flaubert et Sand étant deux figures de la scène littéraire partie prenante du foisonnement éditorial, journalistique et artistique de leur temps, témoins au milieu d'une décennie furibonde de la chute d'un régime, d'une guerre, d'un soulèvement populaire et des débuts d'une république hésitante, plus fort encore est peut-être le plaisir de se trouver au coeur de leur amitié, de partager l'esprit de leurs conversations et de sentir presque à travers leur style et leur ton la présence de deux écrivains qui s'aimantent malgré des vitalités opposées et des sensibilités divergentes. « Décidément nos deux vieilles troubadoureries sont deux antinomies », écrivait George en 1872 (p. 460). Ce qui les sépare au fond c'est leur conception de l'homme. Sand est une progressiste convaincue qui croit en l'Homme, Flaubert, misanthrope, pour qui la bêtise humaine omniprésente est regressive ne peut suivre George sur ce terrain. Profondément eux-mêmes jusqu'à nous aujourd'hui.

Il y a leurs mots courts et (em)pressés souvent affectueux pour se donner nouvelles rapides et rendez-vous – le plus souvent à Paris chez Magny avec les condisciples de Sainte-Beuve et de Jules de Goncourt, au théâtre ou rue Murillo le pied à terre de Flaubert. Pour s'inviter aussi dans leurs campagnes respectives car avec la capitale leurs géographies normande et berrichonne font totalement paysage dans cette lecture de longue haleine qui les voit réunis deux fois à Nohant à Noël 1869 et Pâques 1873 (Flaubert s'y rend avec Tourgueniev) et trois fois à Croisset entre 1866 et 1868 : " Dis-moi si le tulipier n'a pas gelé cet hiver et si les pivoines sont belles. Je fais souvent en esprit le voyage, je revois ton jardin et ses alentours. Comme cela est loin, que de choses depuis ! On ne sait plus si on n'a pas cent ans" (De Nohant, le 28 avril 1871)... Il y a de longues lettres qui portent leurs crédos artistiques ou leurs confidences étonnantes (Flaubert/Sand p. 530 ; Sand/Flaubert p. 571) où ils croisent grandes réflexions sur tous les sujets (sur l'Art et les artistes, le roman ou le théâtre, jusqu'à l'éducation des enfants) et petites querelles. Il y a des silences imposés par des inquiétudes banales liées aux grippes, bronchites, contrariétés et empêchements divers, ou par la rupture de courrier durant la guerre entre 1870 et 1871. Il y a leurs mots d'encouragements ou de consolation quand pointent les déceptions que tombent les chagrins, deuils nombreux parmi amis ou connaissances (la mort de Bouilhet pour Flaubert, celle Rollinat pour Sand, leur « double en cette vie ») : « Chacun de nous porte en soi sa nécropole » écrit Flaubert à Sand qui vient de perdre Charles Duveyrier. « Comme la petite bande diminue ! comme les rares rescapés du radeau de la Méduse disparaissent : » écrit-il encore à la mort de Sainte-Beuve (p. 291). Ils s'envoient aussi leurs ébauches dès qu'ils peuvent, se lisent et se corrigent.

Flaubert se dit « Vieux comme une pyramide et fatigué comme un âne » ou déclare : "Il me semble que je deviens un fossile, un être sans rapport avec la création environnante". Il a peu ou prou l'âge de Maurice le fils de Sand. le revers de son esprit de dérision à savoir son détachement des vanités du monde aurait-il touché la dame de Nohant de dix-sept ans plus âgée ? : « de loin je peux vous dire combien je vous aime sans craindre de rabâcher. Vous êtes un des rares restés impressionnables, sincères, amoureux de l'art, pas corrompus par l'ambition, pas grisés par le succès ». Alors que le colosse grognon est habitué des éreintements critiques, elle surfe avec modestie sur sa notoriété sans illusion sur la postérité de son oeuvre, continuant de défendre avec chaleur et conviction madame Bovary et salammbô contre les détracteurs de tout poil, elle fera de même pour L'Education sentimentale dont la détestable réception (1869) fait ironiser Flaubert : « Je n'ai eu cette semaine que trois éreintements (c'est peu !) » (p. 304). Sand distribue articles et feuilletons au « Temps », à « l'Opinion nationale », à « La Revue des Deux Mondes » en plus d'une création romanesque et théâtrale très active qui l'appelle souvent à Paris pour être jouée, nettement moins connue que l'autre dont c'est souvent l'adaptation et dont la correspondance rend très bien compte. Pour Flaubert la bêtise est la grande affaire et quand il vitupère contre la politique, la religion, les journalistes et les critiques ou son éditeur Levy, Sand tempère, se fait médiatrice (auprès de Levy), oppose une sérénité à toute épreuve qui semble (mais semble seulement) un peu le calmer. "[...]Toi indécoléreux, et, à l'âge que tu as maintenant, j'aimerais te voir moins irrité, moins occupé de la bêtise des autres", dit-elle le 25 janvier 1872.

Entre coups de sang et découragements il ne vit que par et pour l'écriture, l'écriture c'est sa vie, "sa muse" la littérature, il est chaste depuis qu'il a cinquante ans ! C'est un assidu des bibliothèques parisiennes boulimique de lectures qui ingurgite traités ou sommes de tout acabit et auteurs les plus barbants tombés dans l'oubli, se plaît aux côtés de Goethe, Spinoza, Kant, Hegel, Plutarque et Cicéron mais aussi de Taine, les contemporains ou les Pères de l'Eglise. « Je t'en prie, ne t'absorbe pas tant dans la littérature et l'érudition. Change de place, agite-toi, aie des maîtresses, comme tu voudras, et pendant ces phases, ne travaille pas, car il ne faut pas brûler la chandelle par les deux bouts, mais il faut changer le bout qu'on allume », écrit George le 28 janvier 1872 (p. 431) qui au contraire s'octroie des parenthèses de répit et de divertissement dans son cocon familial fusionnel après ses « têtes à têtes avec l'encrier ». Quand Gustave confie d'inexorables cafards à Croisset où il vit seul avec sa mère, elle exulte à Nohant sous l'égide créatrice de Maurice grand maître des marionnettes : « L'individu nommé G. Sand se porte bien, savoure le merveilleux hiver qui règne en Berry, cueille des fleurs, signale des anomalies botaniques intéressantes, coud des robes et des manteaux pour sa belle-fille, des costumes de marionnettes, découpe des décors, habille des poupées, lit de la musique, mais surtout passes des heures avec la petite Aurore qui est une fillette étonnante. »

On les surprend à la manoeuvre presque, « à la pioche » dit souvent Flaubert qui trime comme un damné écrit qu'il « se brûle le sang pour un travail qu'il maudit », quand George dès 1866 et tout au long de l'année suivante l'exhorte à être moins perfectionniste, à « se ménager », lui témoignant son inquiétude : – « Nos excès nous tuent », lui dit-elle. En novembre 1867 : – « Laissez-donc le vent courir un peu dans vos cordes. Moi je crois que vous prenez plus de peine qu'il ne faut, et que vous devriez laisser faire l'autre plus souvent. Ca irait tout de même et sans fatigue. L'instrument pourrait résonner faible à de certains moments, mais le souffle, en se prolongeant, trouverait sa force. » En décembre, elle le compare à un « captif enchaîné » qu'elle ne peut délivrer (une note de lassitude ?) concluant magistrale « Ta claustration est ton état de délices » ! Oui Flaubert néglige le repos, diffère les invitations successives de George à Nohant car il ne souffre pas les interruptions quand il se lance à écrire : – « L'idée coule chez vous largement, incessamment comme un fleuve, chez moi c'est un mince filet d'eau, il me faut de grands travaux d'art avant d'obtenir une cascade. Ah ! je les aurai connus, les affres du style ! » (p. 105). Parlant en 1867 de « l'interminable roman qui m'embête de plus en plus » et sur lequel il va s'échiner toute l'année 1868 jusqu'au milieu de 1869 (L'Education sentimentale), pendant qu'elle s'occupe ravie de la reprise de Villemer, des Beaux messieurs de Bois-Doré à l'Odéon ou achève paisiblement Cadio. « Success story » de George au théâtre qui pousse peut-être Gustave à s'y risquer mais c'est un four : sa pièce « le Candidat » est retirée après quatre représentations (1874).

Il y a l'histoire et la politique terrain de désaccords entre eux. Flaubert : – « Ne trouvez-vous pas que depuis 89 on bat la breloque ? ». Réponse de Sand : – « Est-ce que depuis 89 on patauge ? Ne fallait-il pas patauger pour arriver à 48 où l'on a pataugé plus encore, mais pour arriver à ce qui doit être ». Flaubert : – « Vous m'affligez, vous, avec votre enthousiasme pour la république » (p. 364). Il doute du suffrage universel et d'un régime dont elle défend farouchement le principe égalitaire. Il lui oppose le concept de justice qu'il préfère et lui reproche un « catholicisme » larvé. Lorsque la guerre de 1870 est déclarée Flaubert broie du noir : « Moi, j'ai le coeur serré d'une façon qui m'étonne. Et je roule dans une mélancolie sans fond, malgré le travail, malgré le bon Saint Antoine qui devrait me distraire. Est-ce la suite de mes chagrins réitérés ? c'est possible. Mais la guerre y est pour beaucoup. Il me semble que nous entrons dans le noir ? » (p. 357). Saint-Antoine n'a que quatorze pages (p. 363) et Croisset est occupé. Patriote Gustave se dit prêt à prendre son fusil et s'engage comme infirmier à l'Hôtel Dieu de Rouen. Pendant l'été 1870, caniculaire à Nohant, Georges pour la première fois avoue être démoralisée. Aucun des deux ne soutiendra la Commune (que Flaubert compare au municipe romain) – ce qui étonne moins de lui méfiant de tous les débordements menaçant son équilibre matériel de « petit rentier » (comme il se dépeint) que de Sand eu égard à ses engagements passés. le brusque accès de fièvre qui saisit Paris leur paraît inopportun en pleine débâcle de la guerre franco-prussienne, les prend au dépourvu, les heurte, cas de la plupart des écrivains contemporains. Flaubert craint que la poussée de fièvre n'ouvre la voie à une nouvelle régression politique qui lui ferait regretter « Badinguet » c'est dire !

"Ah ! Si on n'avait pas le petit sanctuaire, la pagodine intérieure, où sans rien dire à personne, on se réfugie pour contempler et rêver le beau et le vrai, il faudrait dire : à quoi bon ?
Je t'embrasse bien fort.
Ton vieux troubadour"
(Sand à Flaubert, 28 janvier 1872)
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Qu'il est doux de lire la correspondance entre ces deux-là : Gustave Flaubert et George Sand ! Tout les oppose, ils ne sont d'accord sur rien, et pourtant ils s'adorent. Leur amitié est sensible à chaque page. Ils s'appellent "Vieux Troubadour", "Cher Maître". Ils se baisent les joues. Flaubert est un misanthrope qui voue ses contemporain aux gémonies. Il est souvent seul, ne se laisse approcher que de rares élus. La littérature est au centre de sa vie. Il travaille comme un moine. Il "pioche", dit-il. George Sand fait vivre autour d'elle toute une tribu. Elle ne se fait pas plus d'illusions que lui sur la nature humaine mais elle en prend son parti aisément. Elle considère que c'est son rôle d'écrivain de tirer ses lecteurs vers le bien. Elle écrit un roman par an, très vite, des pièces de théâtre, des articles. Elle vit de sa plume et toute sa maisonnée avec elle. Flaubert a suffisamment d'argent pour ne pas en gagner. D'ailleurs, il ne supporte aucune discussion commerciale. Il cherche la forme parfaite. Il estime que l'auteur n'a pas à prendre partie pour le bien ou le mal. Il doit rester objectif et laisser le mal triompher comme dans la réalité. Si le lecteur n'a pas compris tout seul le caractère de Monsieur Homais,c'est qu'il est bouché. Flaubert n'a pas à lui dire " il est méchant, il ne faut pas faire comme lui". Les deux écrivains se lisent mutuellement. Ils vont voir leur pièce de théâtre. Ils sont très attentifs à leurs travaux réciproques. On a du mal à croire Flaubert entièrement sincère quand il rend compte de ses lectures. Il prétend être ému aux larmes . C'est sans doute l'effet de son amitié pour Georges. Les deux amis ne parlent pas que boutique. Ils évoquent leur vie privée, leurs amis communs, leur famille, leur santé déclinante. Pendant quelques mois, la guerre et l'invasion prussienne sont au premier plan. Les Allemands occupent Croisset! Très souvent, ils essayent de se donner rendez-vous. A notre époque, quelques sms suffisent. Mais par lettre, c'est beaucoup plus long et difficile. La correspondance s'interrompt avec la mort de George Sand. Et cela m'a laissé le coeur bien gros d'imaginer le vieux troubadour encore un peu plus seul et amer.
J'ai lu ces 10 années de correspondance sur ma liseuse, dans une édition epub. Je regrette que les notes aient été aussi insuffisantes. J'espère que l'édition papier est meilleure.
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Gustave Flaubert et son monument, Madame Bovary… avalé avec difficulté en Terminale, disséqué par un enseignant passionné, face à une classe dubitative. Si l'histoire m'avait autant ennuyé qu'affligé, la plume, elle, a su se faire une place dans mon coeur. C'est ainsi que les correspondances de Flaubert se retrouvent en ma possession, par ma soif de curiosité sur un auteur assez fascinant ; et si je n'ai pas encore pu lire les oeuvres de George Sand, ce moment d'intimité passé avec ces deux écrivains classiques saura bien attiser ma curiosité sur les titres de chacun.

Tu aimes trop la littérature, elle te tuera est une correspondance qui s'étend sur de longues années, à la plume plutôt qu'à l'ordinateur, d'une écriture à l'encre plutôt qu'au clavier. Une amitié dont nous n'avions pas forcément connaissance, franche et pure, le reflet du genre d'amitié que l'on ne retrouve pas à notre époque moderne. Avant d'en venir aux correspondances, une préface d'une trentaine de pages nous introduit aux deux noms et au contexte, aux liens qui unissent ces personnes. Je n'aurais donc qu'un regret pour cette lecture : avoir lu la préface avant de débuter, car elle en dit beaucoup ; considérez-la plus comme un résumé de toute la correspondance que comme une préface d'introduction.

Comme pour tout ouvrage théorique, toute brique de témoignage, de non-fiction, il vaut mieux ne pas chercher à tout lire en une fois, privilégiez peut-être une autre lecture et alternez pour apprécier à sa juste valeur ce gros pavé de 600 pages ! Qu'y a-t-il à en dire, d'ailleurs ? Ne connaissant que la plume de Flaubert, j'en retrouve avec un sourire de nostalgie les nombreux aspects dont avait parlé mon enseignant de Terminale, la douleur que l'écriture de Madame Bovary a suscité chez son auteur, et quelques unes de ses réflexions sociales. C'est aussi l'occasion de découvrir George Sand, une femme de lettres à qui l'on doit des chefs d'oeuvres !

Le plus intéressant à noter dans ces correspondances, outre le fait qu'elles aient duré aussi longtemps, outre le fait qu'on ait accès à autant de lettres et de billets, c'est… le respect qu'ils ont l'un pour l'autre, un respect sans borne malgré les nombreuses différences qui les séparent. Leur amitié n'est jamais entachée par les profondes divergences d'opinions qui les animent. Tous deux savent écouter l'autre, tout en faisant valoir leur point de vue, si l'on en juge par les longs billets passionnés qui s'étendent au fil des années. La mauvaise humeur ne dure jamais entre eux.

Les deux correspondants sont des plumes avant tout, aussi nous ne serons pas étonnés de lire des échanges sur des problématiques de style et de création ; Tu aimes trop la littérature, elle te tuera en est remplie, pour notre grand plaisir ! C'est comme s'il s'agissait des coulisses de grands auteurs classiques, des sujets qui intéresseront peut-être les jeunes plumes que nous sommes. Loin de s'arrêter aux affaires de création, les auteurs parlent également de leur vie et de leurs difficultés, de leurs convictions ; une véritable mine d'informations s'ouvre à nous, de quoi en apprendre plus intimement sur la France des années 1870, principalement, et les moeurs, la mentalité, qui s'en ressentent. Bien évidemment, des différences entre nos deux époques, mais tout de même, un intérêt très fort pour cette partie de l'Histoire du pays.

Enrichissant moment d'échanges amicaux et tendres, où chacun appelle l'autre avec des surnoms affectueux, des boutades rigolotes, une telle dynamique qui s'en dégage… alors, certes, ça sera une lecture longue et parfois fastidieuse, nous ne lisons pas de la fiction après tout, alors n'hésitez pas à lire autre chose en même temps, pour varier les plaisirs et ne pas vous lasser, car la brique en vaut la peine !
Lien : https://saveurlitteraire.wor..
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Cette correspondance ravira ceux qui aiment la littérature et s'intéressent à la "petite fabrique d'écriture". Flaubert et Sand échangent leurs points de vue sur le style : il est un graal pour Flaubert qui vit, solitaire et souvent maussade, à Croisset alors que Sand donne à la littérature une place secondaire. C'est un élément de sa vie, certes, important, mais moins que le bonheur que lui procurent sa famille et sa maison de Nohant.
On croise au fil des lettres les frères Goncourt, Théophile Gautier, des éditeurs honnis, des directeurs de spectacle (car les deux font jouer des pièces et cette activité semble indispensable à leurs revenus!)
Je me suis régalée. Un bijou à garder sur sa table de chevet, avec des marque-pages pour y revenir ensuite.
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Tout d'abord, j'ai entendu parler de ce livre dans une émission littéraire, puis, mon oeil a été attiré par la couverture chez mon libraire préféré. Là le dilemme, ça ne va pas être un peu lourd, les échanges entre madame Bovary et la petite Fadette ? Et puis tant pis je me lance !
Et au final, qu'il est attendrissant ce vieux réac un peu ronchon et au coeur de guimauve. Surtout quand il se fait gronder par cette vieille dame, grand mère adorable.
Les échanges sur la période de la Commune de Paris ne manque pas de piment. J'ai lu ces échanges en parallèle avec la bio de Flaubert (celle de Michel Winock) et un livre d'histoire sur cette période tourmentée de notre histoire.
Je conseille sans modération même à ceux qui font encore des cauchemars en pensent aux dissertations sur madame Bovary ou l'éducation sentimentale.
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critiques presse (1)
LeMonde
27 décembre 2018
Les centaines de lettres échangées entre les deux écrivains entre 1866 et 1876, l’une des correspondances les plus stimulantes qui soient, paraissent pour la première fois en poche.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (130) Voir plus Ajouter une citation
Flaubert à Sand

Dieppe, 11 mars 1871

Chère Maître,
Quand se reverra-t-on ? Paris ne m'a pas l'air drôle ? Ah ! dans quel monde allons-nous entrer ! Paganisme. Christianisme, Muflisme, voilà les trois grandes évolutions de l'humanité. Il est triste de se trouver au début de la troisième.
Je ne vous dirai pas ce que j'ai souffert depuis le mois de septembre ! Comment n'en suis-je pas crevé ? Voilà ce qui m'étonne ! Personne n'a été plus désespéré que moi. Pourquoi cela ? J'ai eu de mauvais moments dans ma vie, j'ai subi de grandes pertes, j'ai beaucoup pleuré, j'ai ravalé beaucoup d'angoisses. Eh bien, toutes ces douleurs accumulées ne sont rien, je dis rien [du] tout, en comparaison de celle-là. Et je n'en reviens pas ! je ne m'en console pas ! Je n'ai aucune espérance.
Je ne me croyais pas progressiste, et humaniste, cependant. N'importe, j'avais des illusions ! Quelle barbarie ! quelle reculade ! J'en veux à mes contemporains de m'avoir donné les sentiments d'une brute du XIIe siècle ! Le fiel m'étouffe ! Ces officiers qui cassent des glaces en gants blancs, qui savent le sanscrit et se ruent sur le champagne, qui vous volent votre montre et vous envoient ensuite leur carte de visite, cette guerre pour de l'argent, ces civilisés sauvages me font plus horreur que les Cannibales. Et tout le monde va les imiter, va être soldat ! La Russie en a maintenant 4 millions, toute l'Europe portera l'uniforme. Si nous prenons notre revanche, elle sera ultra-féroce. Et notez qu'on ne va penser qu'à cela, à se venger de l'Allemagne ! le gouvernement, quel qu'il soit, ne pourra se maintenir qu'en spéculant sur cette passion. Le meurtre en grand va être le but de tous nos efforts, l'idéal de la France !
Je caresse le rêve suivant : aller vivre au soleil, dans un pays tranquille !
Attendons-nous à des hypocrisies nouvelles : déclamations sur la vertu, diatribes sur la corruption, austérité d'habits, etc., cuistrerie complète !
J'ai actuellement à Croisset quarante Prussiens. Dès que mon pauvre logis (que j'ai en horreur maintenant) sera vidé et nettoyé j'y retournerai, puis j'irai sans doute à Paris, malgré son insalubrité. Mais de cela je me fiche profondément !
Amitiés aux vôtres, et tout à vous.
Votre vieux troubadour

Gve peu gai !

(p. 375 - 376)
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[...] C'est si discret, un livre ! C'est muet, cela dort dans un coin ; cela ne court pas après vous. C'est autrement modeste que la musique qu'il faut entendre, bonne ou mauvaise, et même que le tableau, qui flambe ou qui grimace sur la muraille. - Vous voulez absolument le lire ? Donc, vous voulez aller à Carthage... Eh bien ! vous y voilà. Vous ne vous y plaisez guère ? Je le comprends. Vous avez peur, dégoût, vertige, indignation ? Donc, le voyage a été fait. Le narrateur n'a pas menti, et si les cheveux vous dressent à la tête, c'est qu'il est à la hauteur de son sujet, c'est qu'il est de force à vous dépeindre vigoureusement ce qu'il a vu.
Mais vous avez le coeur sucré, comme disent nos paysans d'ici. Il vous fallait du bonbon et on vous a donné du piment. Vous pouviez rester à votre ordinaire : que diable alliez-vous faire à Carthage ?
J'ai voulu y aller, moi, je ne me plains de rien. Je me suis embarquée depuis ma petite serre chaude dans le cerveau de l'auteur. C'est aussi facile que d'aller dans la lune avec le ballon de la fantaisie ; mais, en raison de cette grande facilité et de cette certitude d'arriver en un clin d'oeil, je ne me suis pas mise en route sans faire mes réflexions et sans me préparer à de grands étonnements, à de grandes émotions peut-être. J'en ai eu pour mon argent, comme on dit, et maintenant, je pense comme tous ceux qui descendent les hautes cimes : je me dis que je ne voudrais pas retourner y finir mes jours, mais je suis fort aise d'y avoir été [...]. (Annexes, p. 641)

George Sand, La Presse, 27 janvier 1863
(Article paru en défense de Salammbô)
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(George Sand à Flaubert)
Je veux voir l'homme tel qu'il est. Il n'est pas bon ou mauvais, il est bon et mauvais. Mais il est quelque chose encore... - La nuance ! La nuance qui est pour moi le but de l'art, - étant bon et mauvais, il a une force intérieure qui le conduit à être très mauvais et un peu bon - ou très bon et un peu mauvais.
Il me semble que ton école ne se préoccupe pas du fond des choses et qu'elle s'arrête trop à la surface. A force de chercher la forme, elle fait trop bon marché du fond, elle s'adresse aux lettrés.
Mais il n'y a pas de lettrés proprement dits. On est homme avant tout.
On veut trouver l'homme au fond de toute histoire et de tout fait. ça a été le défaut de l'éducation sentimentale, à laquelle j'ai tant réfléchi depuis, me demandant pourquoi tant d'humeur contre un ouvrage si bien fait et solide.
Ce défaut, c'était l'absence d'action des personnages sur eux-mêmes. Ils subissaient le fait et ne s'en emparaient jamais. Eh bien, je crois que le principal intérêt d'une histoire, c'est ce que tu n'as pas voulu faire.
A ta place, j'essayerais le contraire, tu te renouais pour le moment de Shakespeare, et bien tu fais ! C'est celui qui met les hommes aux prises avec les faits ; remarque que, par eux, soit en bien, soit en mal, le fait est toujours vaincu. ils l'écrasent ou ils s'écrasent avec lui.
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Flaubert à Sand,
mercredi 3 (décembre 1872)

Pourquoi publier (par l'abominable temps qui court) ? Est-ce pour gagner de l'argent ? quelle dérision ! Comme si l'argent était la récompense du travail ! et pouvait l'être ! Cela sera, quand on aura détruit la spéculation. D'ici là, non ! Et puis, comment mesurer le Travail ? Comment estimer l'Effort ? Reste donc la valeur commerciale de l'oeuvre. Il faudrait pour cela supprimer tout intermédiaire entre le Producteur et l'acheteur. Et quand même cette question est insoluble. Car j'écris (je parle d'un auteur qui se respecte) non pour le lecteur d'aujourd'hui mais pour tous les lecteurs qui pourront se présenter, tant que la langue vivra. Ma marchandise ne peut donc être consommée maintenant, car elle n'est pas faite exclusivement pour mes contemporains. Mon service reste donc indéfini, et par conséquent impayable. Pourquoi donc publier ? Est-ce pour être compris, applaudi ? Mais vous-même, vous, grand George Sand, vous avouez votre solitude. Y a-t-il maintenant, je ne dis pas de l'admiration ou de la sympathie, mais l'apparence d'un peu d'attention pour les oeuvres d'art ? Quel est le critique qui lise le livre dont il ait à rendre compte ? (p. 482)
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L'homme qui a conçu et achevé la chose a toutes les aspirations et les ferveurs d'un grand artiste. [...] Je sens donc là une oeuvre complètement originale, et là où elle me surprend et me choque, je ne me reconnais pas le droit de blâmer. [...] En effet, est-on bien autorisé à étourdir d'avertissements et de conseils un homme qui gravit une montagne inexplorée ? Toute oeuvre originale est cette montagne là. Elle n'a pas de chemin connu. L'audacieux qui s'y aventure cause un peu de stupeur aux timides, un peu de dépit aux habiles, un peu de colères aux ignorants. Ce sont ces derniers qui blâment le plus toutes les hardiesses. Qu'allait-il faire sur cette montagne ? Qui l'y obligeait ? Qu'en rapportera-t-il ? A quoi bon gravir les cimes quand il y a plus bas de la place pour tout le monde, et des chemins de plaine si carrossables ? Mais quelques-uns pourtant, parmi ces ignorants, aiment ces sommets, et, quand ils n'y peuvent aller, ils aiment ceux qui en reviennent. je suis de ceux-là, moi.

Georges Sand à propos de Salambô
Dans La Presse du 27 janvier 1863

(Préface, p. 9 et Annexes p. 639-640)
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Vidéo de George Sand
Des lettres inédites de la célèbre écrivaine, révélant des échanges inconnus avec de grandes personnalités du XIXe siècle. Un livre exceptionnel ! Lettres réunies et présentées par Thierry Bodin.
Ces 406 nouvelles lettres retrouvées couvrent presque toute la vie de George Sand, depuis ses quinze ans jusqu'à ses derniers jours. La plupart, du court billet à la longue missive, sont entièrement inédites et viennent s'ajouter au corpus de sa volumineuse correspondance. D'autres, dont on ne connaissait que des extraits, sont ici publiées intégralement pour la première fois. Plus de 260 correspondants — dont une cinquantaine de nouveaux — sont représentés, des moins connus aux plus illustres, comme Barbey d'Aurevilly, Hector Berlioz, Henri Heine, Nadar, Armand Barbès, Eugène Sue, Victor Hugo, Louis Blanc, Eugène Fromentin, Jules Favre, Pauline Viardot, la Taglioni, ainsi que les plus divers : parents, familiers, éditeurs, journalistes et patrons de presse, acteurs et directeurs de théâtre, écrivains, artistes, hommes politiques, domestiques, fonctionnaires, commerçants, hommes d'affaires... On retrouve dans ces pages toute l'humanité et l'insatiable curiosité de l'écrivain, que l'on suit jusqu'à ses toutes dernières lettres, en mai 1876, quelques jours avant sa mort. Les auteurs : George Sand (1804-1876) est une romancière, dramaturge et critique littéraire française. Auteure de plus de 70 romans, on lui doit également quelque 25 000 lettres échangées avec toutes les célébrités artistiques de son temps. Thierry Bodin est libraire-expert en lettres et manuscrits autographes. Ses travaux sont consacrés au romantisme français, en particulier Honoré de Balzac, Alfred de Vigny et George Sand.
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