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Claudine Gothot-Mersch (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070374922
346 pages
Gallimard (30/11/-1)
3.7/5   212 notes
Résumé :
Paul Valéry avouait un faible pour La Tentation ; nous reconnaissons après lui que ce livre étrange et unique nous éblouit et nous séduit par l'évocation de tout ce qui nous manque, de tout ce qui peut solliciter ou surexciter nos facultés, nous faire enfin mieux comprendre, non pas seulement le rêve de saint Antoine, mais le rêve absurde, tragique et délicieux de la vie.
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Critiques, Analyses et Avis (33) Voir plus Ajouter une critique
3,7

sur 212 notes
A peine La Tentation de Saint Antoine refermée, j'ai envie de lui consacrer une petite chronique tant ce livre m'a touchée. Bien que ma contribution soit, comme d'habitude, modeste, je vais tâcher de vous donner l'envie de découvrir ce "délaissé" de la bibliographie de Flaubert.

En premier lieu, le genre dans lequel classifier cet ouvrage est indéfinissable. L'on pourrait facilement penser à une pièce de théâtre tant la construction du récit en est similaire mais certains passages sortent du cadre du théâtre donc cette oeuvre est un ovni rien que dans sa présentation, c'est un peu un électron libre de la littérature du XIXème.

L'histoire est basée autour du personnage de Saint Antoine, qui pour communier avec le Seigneur, vit en hermite dans le désert égyptien. Tressant des nattes et subissant volontairement les privations de toutes sortes pour se préserver des péchés que peut offrir une vie normale, Antoine reste néanmoins un être humain et va connaître une sorte de crise de foi. Tiraillé entre le bien et le mal, victime d'hallucinations, son périple mental va le conduire dans des situations mettant à l'épreuve ses croyances les plus tenaces...

La Tentation de Saint Antoine c'est avant tout l'image d'un homme en proie aux tourments de ses propres démons, a travers ce personnage d'Antoine l'on pourrait penser que Flaubert à transposé certains de ses sentiments sur son vécu dans le voyage délirant de son personnage principal. le côté "torturé" est omniprésent dans les passages ou Antoine, guidé par Hilarion (qui m'a un peu fait penser au Virgile de la Divine Comédie), voit une facette des religions polythéistes qu'il n'aurait jamais imaginée et ne veux pas voir, conforté par l'apparente perfection de sa doctrine chrétienne. Les diverses divinités et personnalités importantes qui sont mises sur la route d'Antoine ne font qu'émousser le début d'agonie de cette foi déjà si fragile, confronté à sa dualité d'homme qui en a trop vu et en même temps pas assez . C'est aussi le récit d'une solitude, quand le mental prend le pas sur la volonté et met les résistances à l'épreuve comme un volcan endormi depuis trop longtemps et prêt à exploser...

Quand Flaubert affirme que La Tentation de Saint Antoine est l'oeuvre de sa vie, je veux bien le croire. Vingt-cinq ans n'ont pas été de trop pour élaborer cette oeuvre hors du commun, très loin de ce que l'on croyait connaître de cet auteur. le degré d'érudition du récit est flagrant et Monsieur Flaubert met la barre très haut. L'on retrouve quand même certains points qui font le charme de ses ouvrages comme les descriptions parfois longues (sauf qu'ici elles sont dans le style didascalies) et l'aspect psychologique des personnages passé au peigne fin. Dans certains passages, j'ai trouvé quelques légères ressemblances avec Salammbô, dans les descriptions de l'Orient et la violence de quelques faits.
Hormis ceci, ce livre est un comme un boulet de canon, ça passera ou ça cassera, mais il contient ses propres richesses et n'a rien à envier aux autres classiques. C'est comme si il m'avait emmenée dans une exploration du cerveau humain, de plus ne vous fiez pas au format du livre (moi j'ai l'édition Folio) car sur les cinq cent pages, une bonne moitié est consacrée à la préface et aux notes, le récit est donc assez court mais c'est un bijou donc si le coeur vous en dit, n'hésitez pas à découvrir cette petite perle du grand Gustave. A lire!
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Oeuvre baroque, bizarre, dérangeante, La Tentation de Saint-Antoine est une grande fresque de panthéons dont les divinités et les prophètes se succèdent à un rythme très soutenu dans un grand défilé et vont se perdre dans l'oubli de la nuit des temps, comme des animaux se rendant à l'abattoir. Beaucoup de religions sont ici passées en revue et les dieux prennent la parole : les panthéons grec, égyptien, hébreux,… ainsi que des personnages légendaires comme la Reine de Saba ; tous des illusions, dont le diable tire les ficelles, venant tenter et apitoyer Antoine au cours d'une même nuit éprouvante.

Le personnage de Saint-Antoine, ermite retiré dans le désert égyptien et vivant dans le dénuement le plus complet, est malmené, terrassé, écartelé et broyé par ces visions d'une fantasmagorie de figures mythologiques qui défilent à la tribune pour déblatérer sur le monde et l'anéantissement du culte que les hommes avaient placé en eux. C'est un spectacle complètement foutraque et désarticulé. Bien sûr, il s'agit là d'une hallucination.

Le travail de documentation faramineux qu'a dû entreprendre Flaubert n'est pas à la hauteur de l'effet que je trouve franchement raté. Cet immense effort d'érudition ne passionne que lui et lasse, ennuie dans sa vision presque totalitaire de l'art ; j'ai l'impression d'une quête mystico-religieuse qui débouche sur la mise en scène d'une synthèse d'un cours d'histoire des religions plutôt que sur une oeuvre de littérature. La recherche et l'exactitude documentaires semblent pour lui plus importantes que le livre qu'il a voulu en tirer.

L'effet hallucinatoire est réussi au-delà de la mesure. Flaubert a cette fois voulu fixer toute une mosaïque de mirages. L'histoire est cependant dépaysante. le dialogue avec le diable, à forte tonalité métaphysique, est parmi les plus forts de ce livre. On retrouve bien entendu Flaubert dans cet érémitisme : il est Antoine.

Cette tentation folle, fatigante, soûlante n'est (heureusement !) pas trop longue. Ce livre ressemble plus à une purge, la catharsis d'un homme désenchanté et en proie aux pires angoisses en quête du Beau absolu, de la transcendance libératrice ; d'un athée mystique qui conçoit l'art comme la seule chose pouvant lui apporter le salut.
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Je croyais qu'il fallait lire La Tentation de saint Antoine de la même manière que les autres livres de Flaubert, à vrai dire, je m'étais plantée pour la première fois. Il m'a fallu évidemment, pour la deuxième tentative, chercher à le lire sous un autre registre, et j'avoue que ce n'était pas facile... puis, quel voyage! Profondément hermétique, mystico-ésotérique, philosopho-religieux, je ne sais pas comment qualifier ce livre, c'est tout attrait à l'esprit et à la vie spirituelle. C'est vrai que Flaubert s'est montré un fin érudit avec ce livre, je crois qu'il lui a fallu également entreprendre un voyage un peu fou avec son esprit pour pouvoir nous produire une telle œuvre initiatique! Déjà, moi, lectrice, j'ai eu pas mal d'étourdissement pour essayer de décrypter toutes ces images anagogiques qui n'arrêtaient pas de foisonner au fils des pages. Si l'arrivée de Jésus-Christ sur cette terre a bouleversé le monde physique et son histoire, mais Flaubert nous fait comprendre ici que cet homme nommé Christ a aussi bouleversé le monde spirituel... Un livre que je ne dirais pas beau mais grand!
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Je regrette parfois d'avoir lu les grands classiques de la littérature française à un âge où je ne pouvais pas en mesurer ni tout le sens ni toute la portée. Et c'est précisément ce que je ressens pour La tentation de Saint-Antoine. Lue dans le cadre de mes études de lettres modernes, j'ai reçu un éclairage sur l'oeuvre assez général et bref dans la mesure où il ne s'agissait pas d'une oeuvre étudiée mais d'une lecture cursive destinée à enrichir la bibliothèque intérieure et personnelle de l'étudiante que j'étais.
Voilà donc mon premier regret lequel m'incite à reprendre la lecture des oeuvres majeures que je n'ai peut-être pas eu la possibilité d'assimiler véritablement à 20 ans.
Je vais donc m'appuyer sur les résurgences de cette lecture, sur mes impressions et sur mes souvenirs, à l'instar du Saint-Antoine de Flaubert qui se trouve assailli par les eaux troubles de son passé à travers lesquelles il cherche le sens de sa vie et, plus largement, de la vie.
Comme chacun des romans de Flaubert, celui-ci m'a marquée par sa puissance et son foisonnement. L'auteur s'inspire, à l'instar d'un grand nombre d'artistes, de l'histoire du saint Antoine le Grand qui se retrouve en proie à ses démons et aux assauts du Diable alors qu'il se trouve dans le désert en Egypte.
Chez Flaubert, il est assailli par des visions qui le soumettent à la tentation : des images de luxure, de volupté, excitant ses sens dans le but de le voir céder. La vision suivante est celle de son disciple qui va tenter de pointer du doigt toutes les incohérences de la religion à laquelle il est entièrement dévoué. Ses croyances sont mises à mal et toutes ses certitudes subissent les assauts démoniaques destinés à l'éloigner de la foi. Enfin, la dernière vision est celle de Sciences. Cette fois, le Diable tente d'opposer la science à la religion chrétienne afin de convaincre et de persuader Saint-Antoine de la vacuité de son existence.
Ces visions mystiques sont un prétexte au dialogue, à la quête du sens et à la mise à l'épreuve théâtralisée du Saint.
Les lecteurs de salammbô retrouveront l'orientalisme foisonnant cher à Flaubert, dans un décor antique onirique.
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Il y a un plaisir particulier à lire Flaubert. Chaque oeuvre, bien que marquée par la beauté de son style, est source de nouveautés et de surprises. le recueil "Trois Contes" en est un bon exemple. Certes, on pourrait rapprocher chaque récit aux romans de Flaubert, comme l'exprime bien Colinette26 (voir les autres critiques du recueil), mais il s'agit dans le cas présent d'histoires courtes, composées d'une manière toute différente des longs romans antérieurs. Flaubert montre ainsi tout son génie dans la nouvelle. Peut-être s'essaya-t-il à ce genre pour se délasser de ses impasses dans l'écriture de "Bouvard et Pécuchet" ?
Le plaisir vient du rapprochement de trois récits d'apparences bien distinctes, entre une nouvelle réaliste ancrée dans la contemporanéité de l'auteur, une légende médiévale merveilleuse et un récit biblique. Rien ne semble les réunir. On pourrait penser que ce recueil ne répond qu'aux envies et aux idées successives de l'auteur. Pourtant il y a bien une sorte de fil conducteur. C'est le drame de l'excès, l'inévitable danger d'un engagement total. Que ce soit vers la voie de la bonté ou, à son opposé, vers la cruauté, chaque personnage exprime ce travers : Félicité (quelle ironie !) victime de sa bêtise et de sa simplicité, saint Julien de son obsession pour la chasse et la mort, enfin, Hérode et saint Jean-Baptiste, le premier victime de ses promesses emportées, le second de son fanatisme. Ces excès, tels des chemins vers la folie, ne devaient pas être étrangers à Flaubert, connaissant ses insurmontables exigences en matière de création artistique.
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Citations et extraits (53) Voir plus Ajouter une citation
Antoine : Encore une fois c'était le Diable, et sous son double aspect : l'esprit de fornication et l'esprit de destruction.
Aucun des deux ne m'épouvante. Je repousse le bonheur, et je me sens éternel.
Ainsi la mort n'est qu'une illusion, un voile, masquant par endroits la continuité de la vie.
Mais la Substance étant unique, pourquoi les Formes sont-elles variées?
Il doit y avoir, quelque part, des figures primordiales, dont les corps ne sont que les images. Si on pouvait les voir on connaîtrait le lien de la matière et de la pensée, en quoi l'être consiste !
Ce sont ces figures-là qui étaient peintes à Babylone sur la muraille du temple de Bélus, et elle couvraient une mosaique dans le port de Carthage. Moi-même, j'ai quelquefois aperçu dans le ciel comme des formes d'esprits. Ceux qui traversent le désert rencontrent des animaux dépassant toute conception...
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Encore un jour ! un jour de passé !
Autrefois pourtant, je n'étais pas si misérable !
Avant la fin de la nuit, je commençais mes oraisons; puis, je descendais vers le fleuve chercher de l'eau, et je remontais par le sentier rude avec l'outre sur mon épaule, en chantant des hymnes. Ensuite, je m'amusais à ranger tout dans ma cabane. Je prenais mes outils; je tâchais que les nattes fussent bien égales et les corbeilles légères; car mes moindres actions me semblaient alors des devoirs qui n'avaient rien de pénible.
A des heures réglées je quittais mon ouvrage; et priant les deux bras étendus je sentais comme une fontaine de miséricorde qui s'épanchait du haut du ciel dans mon coeur. Elle est tarie, maintenant. Pourquoi?...
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Je peux faire se mouvoir des serpents de bronze, rire des statues de marbre, parler des chiens. Je te montrerai une immense quantité d'or ; j'établirai des rois ; tu verras des peuples m'adorant ! Je peux marcher sur les nuages et sur les flots, passer à travers les montagnes, apparaître en jeune homme, en vieillard, en tigre et en fourmi, prendre ton visage, te donner le mien, conduire la foudre. L'entends-tu?
C'est la voix du Très-Haut ! "car l'Eternel ton Dieu est un feu", et toutes les créations s'opèrent par des jaillissements de ce foyer.
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Nous l'avons connu, nous autres, nous l'avons connu le fils du charpentier! Nous étions de son âge, nous habitions dans sa rue. Il s'amusait avec de la boue à modeler des petits oiseaux, sans avoir peur du coupant des tailloirs, aidait son père dans son travail, ou assemblait pour sa mère des pelotons de laine teinte. Puis, il fit un voyage en Egypte, d'ou il rapporta de grands secrets. Nous étions à Jéricho, quand il vint trouver le mangeur de sauterelles. Ils causèrent à voix basse, sans que personne pût les entendre. Mais c'est à partir de ce moment qu'il fit du bruit en Galilée et qu'on a débité sur son compte beaucoup de fables.
Nous l'avons connu, nous autres! nous l'avons connu!
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C'est que je garde mon secret ! Je songe et je calcule. La mer se retourne dans son lit, les blés se balancent sous le vent, les caravanes passent, la poussière s'envole, les cités s'écroulent ; - et mon regard, que rien ne peut dévier, demeure tendu à travers les choses sur un horizon inaccessible.
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Et si l'une des meilleures façons de plonger dans l'oeuvre d'un classique était de contourner momentanément ses romans pour découvrir sa correspondance, c'est-à-dire l'homme derrière la statue, l'homme mis à nu ?
La « Correspondance » de Flaubert, c'est à lire en poche chez Folio.
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Fumichon, concernant la propriété, évoque les arguments d'un homme politique dont Flaubert parle en ces terme dans une lettre à George Sand: "Peut-on voir un plus triomphant imbécile, un croûtard plus abject, un plus étroniforme bourgeois! Non! Rien ne peut donner l'idée du vomissement que m'inspire ce vieux melon diplomatique, arrondissant sa bêtise sur le fumier de la Bourgeoisie!". De qui s'agit-il?

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