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Véronique Bui (Autre)
EAN : 9782368908303
256 pages
Le Passeur (04/02/2021)
4.25/5   12 notes
Résumé :
Pendant sept ans, deux génies de la littérature, Flaubert et Maupassant, ont partagé une profonde amitié. Dans leur correspondance transparaît la bienveillance de l'aîné envers son cadet pour lequel il fut un véritable guide.
Il existe une relation quasi filiale entre Flaubert et Maupassant. Le premier a 52 ans quand débute cette correspondance, le second 23 ans. Ils ne se quitteront plus jusqu'à la mort de Flaubert, en 1880. Ainsi, cette correspondance perme... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Entre juin 1873 et mai 1880 deux fameux moustachus Flaubert et Maupassant s'écrivent. Flaubert souvent à Croisset et Maupassant entre Paris et la Normandie où vit sa mère Laure à qui d'aucuns prêtèrent une liaison avec Gustave. Des petits mots familiers qui évoquent leurs amis (Zola, Daudet, Tourgueneff (sic), leur santé (Guy boit des potions, perd ses cheveux, plus tard la vue d'un oeil…) ou celle de leurs proches, leurs préoccupations, leurs enthousiasmes, leurs énervements à l'égard des contemporains, des solliciteurs ou s'envoient de longues et belles lettres bien senties. Ce sont les dernières années de l'illustre aîné (Gustave) : empêtré dans des problèmes financiers il n'a pas renoncé à faire jouer une féérie « le Château des coeurs » (écrite en 1863 en collaboration avec Louis Bouilhet et Charles d'Osmoy) et s'attèle maintenant à Bouvard et Pécuchet. Et ce sont les débuts littéraires surprenants du cadet (Guy) qui voudrait faire jouer son « Histoire du Vieux temps » (comédie en un acte et en vers) dans le salon de la princesse Mathilde que Gustave fréquente à l'occasion.

Maupassant, l'amateur de femmes et l'adepte de canotage et de sports de grand air que l'on connaît se morfond et subit des vexations au Ministère de la Marine et des Colonies où il arrondit des fins de mois difficiles ; il sollicite par écrit son « Cher Maître » pour l'extirper de là et lui trouver une autre sinécure. Flaubert se précipite au secours De Maupassant (lettres de juillet à décembre 1878) et use de toutes ses relations ministérielles et de cabinets (le ministre Agénor Bardoux ou l'étonnant Raoul Duval) pour que son protégé intègre le Ministère de l'Instruction, des cultes et des Beaux-Arts et trouve le temps d'écrire sans se ruiner la santé ! Mais c'est aussi Maupassant qui arpente les falaises normandes entre le Cap d'Antifer et Etretat pour aider Flaubert à documenter un chapitre de Bouvard et Pécuchet (lettre du 3 novembre 1877) ou qui, à peine installé dans ses nouvelles fonctions bureaucratiques, tente d'amortir les difficultés de Flaubert en lui faisant accepter peu avant sa mort le principe d'une pension versé à titre honorifique prise sur le budget de son nouveau Ministère.

Coups de mou et coups de sang des deux écrivains qui font état de leurs « emmerdements » respectifs mais se soutiennent contre vents et marées. Ces échanges stimulants fin de siècle qui se font l'écho de la naissance des deux Bonhommes et de celle de Boule-de-SuifLes soirées de Médan ») sont dominés par la passion d'écrire et la liberté de création. En atteste la magnifique lettre de Flaubert datée de février 1880 s'achevant sur l'aphorisme qui donne son titre au recueil (p. 215 à 220), à Maupassant accusé par le tribunal d'Etampes d'outrage aux moeurs et à la morale publique après la parution de son livre « Au Bord de l'eau ». Ces échanges font largement oublier les dérèglements viraux contemporains du commencement du nôtre et renvoient à ce dont il est si souvent dépourvu : un ton, une ironie, deux intelligences et une affection partagée au service de l'indéfectible solidarité de plume à laquelle les deux écrivains ont décidé d'arrimer leur vie. Mots parfois très courts, vifs, grinçants, crus, impatients, dissonants, élogieux. « Mon petit père », « Mon bon », « jeune lubrique », « Mon chéri », « Mon très aimé disciple » pour Flaubert qui n'est pas avare de petits noms charmants en direction du cadet à qui il dispense ses conseils, qu'il morigène au besoin ou n'hésite pas à critiquer signant le plus souvent « Votre vieux » ou « Votre vieux solide » ; « Mon cher Maître », « Mon cher patron » pour Maupassant plus déférent…

C'est aussi Flaubert qui s'emporte contre l'étiquette du « Naturalisme » ou s'insurge contre la presse florissante de l'époque : « s'écarter des journaux ! La haine de ces boutiques là est le commencement de l'amour du Beau. Elles sont, par essence, hostiles à toute personnalité un peu au-dessus des autres. L'originalité, sous quelque forme qu'elle se montre, les exaspère – Je me suis fâché avec La Revue de Paris et je me fâche avec la R[épublique] des Lettres. Afin de continuer mes relations avec Lapierre je ne lis pas le Nouvelliste – jamais de la vie, aucun journal ne m'a rendu le plus petit service. On n'a pas reçu les romans que j'y recommandais, ni inséré la moindres des réclames sollicitées pour des amis ; et les articles qui m'étaient favorables ont passé malgré la direction desdites feuilles. – Entre ces messieurs et moi, il y a une antipathie de race, profonde. Ils ne le savent pas, mais je le sens bien. – En voilà assez sur ces misérables ! Ah ! la bêtise humaine vous exaspère ! Et elle vous barre jusqu'à l'océan ! Mais que diriez-vous, jeune homme, si vous aviez mon âge ! (p. 39) ». Ou encore Flaubert qui peste contre Charpentier, l'éditeur lui doit de l'argent, le fait poireauter pour publier Saint-Julien ou insère des illustrations contre son goût dans la féérie qu'il s'est finalement résolu à accepter de faire paraître dans La Vie moderne entre janvier et mai 1880 date de sa mort… A lire c'est vivifiant.








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Ces billets sont les sept dernières années de la vie de Flaubert et les sept premières de la vie d'écrivain De Maupassant.

Maupassant est le fils que Flaubert n'a jamais eu et il apaise la solitude du vieil l'écrivain esseulé après la disparition de ceux qui assistaient autrefois aux fameux diners Magny.
Pour Maupassant, fils d'un père cavaleur et élevé seul par sa mère, Flaubert est un père de substitution idéal.
Ce lien quasi filial que je ne connaissais pas est particulièrement émouvant car on ressent tout l'amour et l'admiration qu'ils se portent tout au long de cette correspondance.

Les deux auteurs sont deux joyeux lurons, il se font rire et nous font rire. Leurs mots d'esprits et autres blagues donnent toute sa saveur à cette lecture.

A travers leur quotidien, ils nous ouvrent les portes des coulisses de la littérature où gravitent entre autre leurs amis Zola et Tourgueniev. On discute d'actualité littéraire, de lecture ou encore de scandales comme celui causé par la sortie de « Nana » de Zola.

Ils échangent aussi sur leur travail d'écriture, ce qui éclaire leurs oeuvres respectives.
Flaubert conseille le jeune auteur et le recommande auprès de ses amis pour l'aider à se lancer. Quant à Maupassant, il fait de nombreuses recherches pour aider celui qu'il appelle « Cher Maître » dans l'avancement de Bouvard et Pécuchet.
Quand Flaubert qualifie « Boule de suif » de chef d'oeuvre, il ne nous reste qu'une envie, le lire ou le relire.

Ces quelques heures passées avec ces deux joyeux amis m'ont procuré un plaisir immense. Les correspondances ont vraiment un charme à part entière, elles nous offre l'occasion de partager, même pour un cour instant, l'intimité d'auteurs que l'on chéris. Et cela n'a pas de prix.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Flaubert à Maupassant

Croisset, 15 août 1878

[...]
Maintenant parlons de vous.
Vous vous plaignez du cul des femmes qui est "monotone". Il y a un remède bien simple, c'est de ne pas vous en servir. "Les événements ne sont pas variés." Cela est une plainte réaliste, et d'ailleurs qu'en savez-vous ? Il s'agit de regarder plus près. Avez-vous jamais cru à l'existence des choses ? est-ce que tout n'est pas une illusion ? Il n'y a de vrai que les "rapports", c'est-à-dire la façon dont nous percevons les objets. "Les vices sont mesquins", mais tout est mesquin ! "Il n'y a pas assez de tournures de phrases !" Cherchez et vous trouverez.
Enfin, mon cher ami, vous m'avez l'air bien embêté et votre ennui m'afflige, car vous pourriez employer plus agréablement votre temps. Il faut, entendez-vous jeune homme, il faut travailler plus que ça. J'arrive à vous soupçonner d'être légèrement caleux. Trop de putains ! trop de canotage ! trop d'exercice ! Oui, monsieur ! Le civilisé n'a pas tant besoin de locomotion que prétendent messieurs les médecins. Vous êtes né pour faire des vers. Faites-en ! "Tout le reste est vain", à commencer par vos plaisirs et votre santé ; foutez-vous cela dans la boule. D'ailleurs votre santé se trouvera bien de suivre votre vocation. Cette remarque est d'une philosophie ou plutôt d'une hygiène profonde.
Vous vivez dans un enfer de merde, je le sais, et je vous plains du fond de mon coeur. Mais de cinq heures du soir à dix heures du matin tout votre temps peut être consacré à la muse, laquelle est encore la meilleure garce. Voyons ! mon cher bonhomme, relevez le nez ! A quoi sert de recreuser sa tristesse ? Il faut se poser vis-à-vis de soi-même en homme fort, c'est le moyen de le devenir. Un peu plus d'orgueil, saperlotte ! le "garçon" était plus crâne. Ce qui vous manque ce sont "les principes". On a beau dire, il en faut ; reste à savoir lesquels. Pour un artiste, il n'y en a qu'un : tout sacrifier à l'Art. La vie doit être considérée par lui comme un moyen, rien de plus, et la première personne dont il doit se foutre, c'est de lui-même.
[...]
Je me résume, mon cher Guy : prenez garde à la tristesse. C'est un vice, on prend plaisir à être chagrin et, quand le chagrin est passé, comme on y a usé des forces précieuses, on en reste abruti. Alors on a des regrets, mais il n'est plus temps. Croyez-en l'expérience d'un scheik à qui aucune extravagance n'est étrangère.
Je vous embrasse tendrement.
Votre vieux

[Sans signature]

Aucune nouvelle de nos amis

(p. 84 à 87)
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Maupassant à Flaubert

Ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts Secrétariat - 1er bureau

Paris, le 17 octobre 1879

[...]
Je compte aller passer avec vous le dimanche qui suivra la Toussaint.
Et Nana ? Je vous envoie un article Phénoménal de Zola sur le roman expérimental !...
Un certain M. Champsaur, rédacteur au Figaro m'à demandé des détails biographiques sur moi - il veut faire l'entourage de Zola. Je lui ai écrit qu'à six ans je faisais le désespoir de ma bonne par mon obscénité, qu'à dix-sept j'étais renvoyé d'une maison ecclésiastique pour irréligion et scandales divers ; et qu'aujourd'hui mon amie Suzanne Lagier, dont l'opinion fait foi en matière de moeurs, trouve que j'en manque absolument. Goinfre et lubrique, je pense que tout le bonheur de la vie consiste dans la satisfaction de ses vices ; et je cherche à multiplier les miens, etc., etc. - Il a dû faire une bonne tête en recevant cette lettre fort polie du reste et pleine de remerciements. Son article doit paraître demain. On voit sur les boulevards des files d'hommes en blouse portant des bannières sur lesquelles on lit NANA par Émile Zola, dans Le Voltaire ! Quelqu'un me demanderait si je suis homme de Lettres, je répondrais " Non Monsieur je vends des cannes à pêche" tant je trouve cette folle réclame humiliante pour tous. [...]

Guy de Maupassant
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Flaubert à Maupassant,

[Croisset],10 août [1876]

Mon cher ami,

M. Laujol m'embarrasse. Porter un jugement sur l'avenir d'un homme me paraît chose tellement grave que je m'en abstiens. D'autre part demander si l'on doit écrire ne me semble pas la marque d'une vocation violente.
Est-ce qu'on prend l'avis des autres pour savoir si l'on aime !
Franchement je ne puis répondre que des banalités. Excusez-moi ! Dites-lui que je suis très occupé (ce qui est vrai) et que nous nous verrons l'hiver prochain. En attendant, qu'il travaille. Mon "jugement" sera mieux assis sur un bagage un peu plus lourd.
[...]
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À la différence de bien des épistoliers, présumant de la valeur littéraire de leurs lettres, Maupassant et Flaubert ne s'écrivent pas pour faire oeuvre. Ils s'écrivent pour faire avancer l'oeuvre. Ils ne se regardent pas écrire, ils s'écoutent, se répondent et se font parfois rire. Quand Flaubert traite Maupassant de "lubrique auteur, obscène jeune homme", c'est en référence à la pièce À la Feuille de rose et quand Maupassant écrit cet aphorisme :"Le cul des femmes est monotone comme l'esprit des hommes", ce n'est pas pour épater, mais pour exprimer sans ambages, quoiqu'avec style, sa misanthropie et ses besoins érotiques effrénés, causes de sa mort prématurée à 43 ans. Attentif et réceptif, Flaubert répond : "Vous vous plaignez du cul des femmes qui est "monotone". Il y a un remède bien simple, c'est de ne pas vous en servir."

Véronique Bui, Préface, p. 19 - 20
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Maupassant à Flaubert

Ministère de la Marine et des Colonies

Paris, ce 21 août 1878

Je ne vous écrivais point, mon cher Maître, parce que je suis complètement démoli moralement. Depuis trois semaines je m'essaye à travailler tous les soirs sans avoir pu écrire une page propre. Rien, rien. Alors je descends peu à peu dans des noirs de tristesse et de découragement dont j'aurai bien du mal à sortir. Mon ministère me détruit peu à peu. Après mes sept heures de travaux administratifs, je ne puis plus me tendre assez pour rejeter toutes les lourdeurs qui m'accablent l'esprit. J'ai même essayé d'écrire quelques chroniques pour Le Gaulois afin de me procurer quelques sous. Je n'ai pas pu. Je ne trouve pas une ligne ; et j'ai envie de pleurer sur mon papier. [...] (p. 88)
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