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C'est au château de Combourg (demeure de la famille Chateaubriand) que j'ai découvert ce récit de voyage. La Bretagne, ça vous gagne (et Flaubert aussi finalement), pour parodier un slogan publicitaire, aussi ai-je entrepris cette lecture après mes vacances… en Bretagne.

« Nulle route, nul sentier ne s'ouvrait devant nous; nous allions à l'aventure par les champs et par les grèves, trouvant notre chemin comme nous le pouvions, sautant de prairie en prairie, marchant dans ces terrains où nos pieds enfonçaient, écrasant les joncs qui criaient sous nos pas et rencontrant quelques troupeaux de maigres vaches conduits par des femmes déguenillées qui nous regardaient curieusement passer. »

A nos yeux de 2023, ce voyage paraît extraordinaire : pour nos deux Normands, la Bretagne est un vrai dépaysement et ils vont la parcourir en bateau, en voiture à cheval et surtout à pied. Ils sont jeunes (Flaubert a 26 ans et son ami du Camp 25 – ne pas se fier à la photo de Flaubert sur la couverture) et pleins d'énergie, de curiosité, capables de supporter de mauvais lits et de mauvais repas mais appréciant grandement une hospitalité de qualité. Ils partiront du sud de la région, Vannes et Auray, Carnac, Belle-Ile en Mer, et remonteront vers le Finistère, par Quimper, Concarneau, la Pointe du Raz, Brest, Fouesnant, Douarnenez, les monts d'Arrhée, Saint-Brieuc, Saint-Malo et Cancale, Dol-de-Bretagne, Combourg, Dinan et j'en passe, pour terminer à Fougères. Les deux compères vont nous conter et nous décrire par le menu leurs visites d'églises (très nombreuses – et, malgré tout mon respect pour les églises, un peu ennuyeuses à la longue) mais aussi de vestiges celtiques et de châteaux pour la plupart en ruines, leur tour pédestre de Belle-ïle en quatorze heures (quel courage !), des épisodes de « folklore » local comme les processions et les pardons, un spectacle de cirque ambulant, les quartiers chauds de Brest, une folle et sauvage équipée à la Pointe du Raz, leur recherche émouvante des traces De Chateaubriand à Combourg et sur le Grand Bé à Saint-Malo, et bien d'autres choses.

Il faut avouer que Flaubert et du Camp ont sans doute un a priori sur les Bretons, surtout ceux du Sud et du Finistère, qu'ils estiment très pauvres et bas du plafond. Il est vrai que la Bretagne à l'époque était une région pauvre et très indépendante et il faut attendre les Côtes-d'Armor et l'Ille-et-Vilaine pour trouver plus d'aisance financière, n'empêche qu'ils expriment parfois un mépris surprenant. Ceci dit, j'ai apprécié leur sens de l'observation et la finesse de leurs descriptions (j'ai bien aimé leur critique des alignements de Carnac). Ils aiment marcher, voyager mais aussi prendre leur temps et se reposer, ils aiment la nature, « aller à l'aventure, par les champs et par les grèves » et certaines de leurs remarques valent encore pour notre époque.
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A lire comme on déguste un plat du terroir finement cuisiné, parfumé d'iode et accompagné d'une tranche de pain bis au beurre salé.
Nous suivons nos deux compères dans leurs errances sur les landes et les rivages, frottés d'herbes sauvages, enivrés d'air et d'espace, vagabonds crottés avides de sensations, imperméables au pittoresque facile et aux attraits poussiéreux des bourgades endormies. Méprisant le folklore druidique aussi bien que les traditions locales, les deux insolents marcheurs avancent au gré de leur fantaisie, sous un soleil qui donne soif.
Mais qu'importe leur parcours, toute la saveur est dans la façon dont ils racontent. Un récit qui fait de chaque anecdote, de chaque rencontre, de chaque paysage une sorte de tableau impressionniste. Des touches de couleurs qui créent une atmosphère, un sentiment de liberté, de mystère, de fusion avec les éléments, air, mer, lumière, rochers, sable et coquillages.
Et puis des remarques sur les habitudes de la campagne, la façon d'indiquer le chemin: "En face de cette hauteur où nous étions, Plouharnel se montrant sur la côte opposée, le clocher de son église, certes, paraissait facile à atteindre, il n'y avait qu'à suivre "tout droit" ainsi que disent les paysans. Comme si c'était chose fort aisée à faire que de suivre tout droit n'importe quoi, même quand on a devant les yeux un clocher ou une girouette." Dans un autre récit écrit un siècle et demi plus tard, Axel Kahn note exactement la même chose: que veut dire "aller tout droit" quand tout le relief est sinueux, courbe ou vallonné?
Inutile d'essayer de suivre leur parcours sur google map. Ce qui est à retenir, ce n'est pas l'adresse d'une auberge gastronomique à Quiberon, c'est le plaisir d'arpenter un territoire suspendu entre ciel et mer, entre champs d'orge et falaises battues par les vagues, entre le chant des alouettes et les cris de goélands.
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Au printemps 1847, Gustave Flaubert et son ami Maxime du Camp (photographe et écrivain), partent pour deux mois sillonner la France, des bords de Loire à la Normandie en passant par la Bretagne. Ce voyage doit leur permettre d'écrire un ouvrage commun où chacun rédigera son chapitre, Flaubert les impairs et du Camp les paires. le présent ouvrage, extrait de leur livre, ne relate que la découverte de la Bretagne.
Sac au dos, pipe au bec et bâton de marche à la main, sans guide (« c'est là la bonne façon »), les deux compères arpentent le territoire qui s'étend de Vannes à Rennes en passant par la Pointe-du-Raz. A pied le plus souvent, en carriole quand l'aubaine se présente, ils vont de ville en ville, à travers champs et marais ou bien longeant le littoral. le soir ils s'arrêtent à l'auberge ou encore dans des pensions, à leurs risques et périls car le gîte comme le couvert ne sont pas toujours à leur goût et quand la ressource manque, dorment à la belle étoile. Curieux de tout, mais quand on voyage c'est bien le moins, ils visitent les églises, admirent les menhirs et les paysages, s'instruisent au contact des autres comme lorsqu'ils tombent par hasard sur des ouvriers verriers en plein travail.
Insensibles à la météo, qu'il pleuve ou que le soleil les crame sur la route, le temps est avec eux et ils le prennent, « … nous décrétâmes de suite que Carnac nous plaisait et que nous y resterions quelque temps ».
Pour autant, l'un comme l'autre, ne sont pas des « touristes » béats d'admiration devant tout ce qu'ils voient. Même Flaubert finit par en avoir marre des églises ! « Je suis fatigué des légendes et non moins des églises ». Enfin quelqu'un qui avoue franchement ce que tout le monde pense tout bas quand il visite cette belle province.
Ce sont d'ailleurs leurs réflexions diverses et leurs railleries qui font le véritable intérêt de cet ouvrage. A cette époque la Bretagne semble une contrée exotique, langue, traditions (« il n'en est pas ainsi chez nous »), costumes, tout est sujet d'étonnement et vaut à leurs habitants ce qualificatif peu amène, « ces sauvages de la basse Bretagne ». Ou encore cette remarque pleine d'humour à propos d'un évêque peint sur un tableau d'une église de Quimperlé, « son corps se dessinant sous les draps avec une gentillesse charmante qui rappelle le galbe d'une andouille vue à travers un torchon mouillé » ! Une autre fois, amenés par hasard à soigner une blessée avec les moyens du bord, Flaubert avoue très pince sans rire, « Il est très possible que cette compression violente ait causé la gangrène et que la patiente en soit morte ».
A me lire vous allez croire qu'il s'agit d'un récit désopilant, n'exagérons rien. D'ailleurs je n'irai même pas jusqu'à vous le recommander, car il peut être lassant parfois. L'idéal serait de pouvoir le consulter lors d'un voyage en Bretagne, comparer ce qu'ils voient avec ce qui subsiste de nos jours, ou encore vous attarder à lire les passages sur les sites ou villes que vous connaissez parfaitement. Donc un livre qui ne manque pas d'intérêt, mais sous conditions.
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"Ainsi se passe une journée de voyage ; il n'en faut pas plus pour la remplir : une rivière, des buissons, une belle tête d'enfant, des tombeaux." (G. Flaubert)

Gustave et Maxime, une cinquantaine d'années à eux deux, partent en 1847 pedibus cum jambis pour trois mois sur les routes de Bretagne. Leur carnet de voyage rédigé avec fougue et malice en alternance (les chapitres impairs pour Flaubert, les pairs pour du Camp) mêle précis d'histoire et annotations plus personnelles.

La notion même de voyage a beaucoup changé et les centres d'intérêt de nos deux vagabonds narquois s'éloignent des nôtres : plus contemplatifs, ils peuvent méditer de longs moments devant un bosquet ou un éboulis marin et braver pluie et vent sans se plaindre ; leur érudition quant aux sites explorés s'étanche aux sources les plus savantes et ils délaissent la vie qui palpite pour les poussières d'un passé rêvé (ce qu'on pourrait leur reprocher).

Si Maxime, appliqué, opte pour un style efficace, émaillé de clins d'yeux lubriques où se devinent le satyre et de portraits-charges acerbes, Gustave chantourne ses phrases, les violente et tente de dire au plus juste ce qu'il a ressenti. Ses curiosités sensuelles sont moins affirmées qui chancèlent entre les chevelures érogènes des jeunes filles et le ventre plat des garçons.

Leur jeunesse, pleine de révoltes et de passions, de dégoûts affirmés et de désirs trémulants irrigue ce texte duel souvent bavard : à la palette romantique avec laquelle ils peignent marines et paysages j'ai de beaucoup préféré le crayon affûté des caricaturistes qui soulignent chaque ridicule et exécutent avec alacrité villes et gens. Ils déchirent à belles dents la Bretagne et ses Bretons avec une morgue citadine qu'ils sont d'ailleurs prompts à reprocher aux autres : comme ils le font avec talent, on le leur pardonne bien volontiers.

Une randonnée un peu longuette avec de superbes points de vue.
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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VANNES-FOUGERES : MAI-JUILLET 1847

Gustave et Maxime prennent leurs cliques et leurs claques direction Vannes puis traversent à pied une Bretagne désormais disparue...

Le texte, écrits à 4 mains (un chapitre Flaubert, un chapitre du Camp), décrit un pays sauvage, entremêlant mer, ciel, terre en des éclats azuréens, vert canard, sombres noirs et jaunes pétants d'éclat.
Les Bretons, taciturnes, croyants jusqu'aux tréfonds de leur âme, durs comme leurs coques de bateaux calfatées au goudron pêchent, bêchent, cultivent, moissonnent, naissent, vivent et meurent dans un Monde coupé des agitations urbaines, sociales et politiques...

Monde donc, clos, très poétiquement décrit (Qui connaît la Bretagne retrouvera ses petits notamment en terme de beauté des pays) littéralement semé d'églises (cela épuise l'appétit flaubertien pour les antiquités et les anciennetés ce qui nous vaut de lire qu'un gisant d'évêque lui rappelait "le galbe d'une andouille à travers un torchon mouillé"), parfois traversé de citadins et bourgeois honnis immédiatement et méchamment dézingués.
On y retrouve un spectacle féroce de combats d'animaux, un abattoir saignant, sanglant, atroce (façon quartier de viande peint par Soutine) qui suggère au père de salammbô une vision de festin anthropophage et une virée lubrique dans le quartier chaud de Brest. On finît abyssalement mélancolique à St Malo et à Combourg patrie De Chateaubriand.

Et puis sous les pavés...la Plage...
Par éclairs, comme ça, on lit " L'église, où brillait une étoile au fond, ouvrait sa grande ombre noire que refoulait du dehors le jour vert des crépuscules pluvieux" ou "Elles* écumaient dans les roches, à fleur d'eau, dans les creux, sautaient comme des écharpes qui s'envolent, retombaient en cascades et en perles, et dans un long balancement ramenaient à elles leur grande nappe verte".
Formidable pouvoir évocateur (je revois cela comme je le voyais de mes yeux dans un repli de falaise lors d'un voyage à Perros-Guirrec), construction des phrases, choix des mots...Flaubert perce sous Gustave** comme Napoléon perçait sous Bonaparte***.

"Qui va lentement va sûrement"...Prenez votre temps et voyagez en Bretagne ...Assurément un beau périple.

* Les vagues
** Quand au pauvre Maxime, à l'écriture plate, fade, pesamment érudite, je l'ai laissé de côté. Ses photographies valent beaucoup mieux que ses écrits.
*** "Ce siècle avait deux ans" (V. Hugo)
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Faubert fait du tourisme, mais il le fait en connaissant son histoire et ne manque pas de souligner les particularités du caractère Bretons en parsemant son récit d'anecdotes faites en chemin. Ah ! et oui tout le monde sait que la Bretagne commence à Nantes !
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Prise d'un brin de nostalgie, j'ai commencé ce livre en espérant trouver de belles descriptions de Bretagne, entendre la langue chanter et évoquer devant mes yeux les paysages de terre et de mer qui me manquent parfois.
Hélas, ce n'est pas ce que Flaubert cherche à faire dans ce livre. En touriste bourgeois et intellectuel sûr de sa supériorité en tout, il prend un ton dédaigneux et hautain pour asséner des jugements sans intérêts. La préface de Pierre-Louis Rey (dans l'édition Pocket) m'avait prévenue, ce livre est étudié parce qu'il montre la genèse du style du futur auteur de Madame Bovary (un autre livre que je n'ai guère apprécié…). Mais peu m'importe l'étude littéraire, ce que je voulais c'était savourer les paysages. En définitive, le livre et moi n'étions pas d'accord sur le voyage à entreprendre, je n'ai pas dépassé Nantes et l'ai laissé continuer sa route seul…
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Fumichon, concernant la propriété, évoque les arguments d'un homme politique dont Flaubert parle en ces terme dans une lettre à George Sand: "Peut-on voir un plus triomphant imbécile, un croûtard plus abject, un plus étroniforme bourgeois! Non! Rien ne peut donner l'idée du vomissement que m'inspire ce vieux melon diplomatique, arrondissant sa bêtise sur le fumier de la Bourgeoisie!". De qui s'agit-il?

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