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sur 2111 notes
Avec Salâmbo, qui ne me semble pas être un roman historique, mais un travail littéraire sur le modèle historique tout en le modifiant, Flaubert a réussi un travail d'illusionniste ; il a fixé le mirage des mots par les mots plutôt que de se situer dans la perspective « du réel aux mots ».
Je trouve le résultat brillant.
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Carnage à Carthage.
Pour honorer les 200 bougies de Gustave Flaubert, j'ai terminé l'année avec son péplum gore, salammbô, inspiré par ses voyages en Orient. Je n'ai pas dû fréquenter les mêmes clubs de vacances.
Bon moi, les tuniques moulantes, les Maciste en sandales, bien huilés et gonflés aux stéroïdes, les princesses qui s'aèrent le nombril, maquillées comme Nina Hagen, ce n'est pas ma tasse de thé à la menthe.
Nous sommes en 241 avant J.C et plus important pour bien vous situer, 2214 avant ODP31. Carthage est assiégée par des mercenaires qui s'estiment mal payés après plusieurs campagnes militaires. C'est important la reconnaissance en management.
Mathô, le rebelle en chef, tombe sous le charme fatal de la princesse de Carthage salammbô. Oui, c'est vrai, on dirait un nom d'une marque de cookies mais la demoiselle n'est pas seulemmbelle, elle est aussi mystique, tendance bien perchée dans les astres. Il faut dire qu'elle vit presque recluse dans palais et que son meilleur ami est un serpent qui lui caresse langoureusement les chevilles.
salammbô n'est pas Emma Bovary et elle ne comprend rien aux déclarations de Mathô qui vole un voile sacré pour la séduire. le barbare est un peu lourdingue côté drague mais n'ayant jamais vu le grand méchant loup, la princesse confond désir et malédiction.
Le père de la Miss Carthage, Hamilcar, prend très mal la mutinerie des mercenaires et comme le dialogue social n'est pas trop à la mode durant l'antiquité, le récit, tel mon dernier chapon, va être farci de massacres, de sacrifices et de batailles, les tripes à l'air.
Flaubert plonge son lecteur au milieu des combats et des trahisons sans lui épargner aucun détail. Il décrit avec beaucoup de réalisme les stratégies, plans de table et de batailles, et après ce roman, je crois pouvoir me lancer dans une thèse sur tous les modèles de catapultes de l'antiquité. Surtout, il développe une vraie esthétique de la violence et cette sauvagerie contraste avec la beauté d'un orient poétique et rêvé.
A sa sortie, salammbô va connaître un succès immense et même si la critique est divisée, ce roman poétique, vinaigrette de passions et de violences, va inspirer bon nombre d'artistes et notamment le peintre Gustave Moreau.
Pour ma part, ce roman m'a moins marqué que l'Education sentimentale, Madame Bovary ou le truculent Bouvard et Pécuchet mais on y retrouve cette plume sans illusion sur l'humanité et cette capacité unique à créer des mythes littéraires.
Quo Vadis Domine ? … Ben, je vais ouvrir mon agenda 2022. Bonne année.
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Incroyable, inimaginable, je suis heureuse d'avoir lu salammbô. Depuis tant d'années il attendait dans ma bibliothèque, une crainte de ne pas aimer, de ne pas comprendre, de m'ennuyer parce que je ne lis que peu de romans historiques et que je n'avais pas d'appétence pour les guerres puniques, persuadée d'être perdue par manque de références... bref, impossible de le commencer.
Alors je m'y suis mise. Lentement. Et c'est là que je suis épatée par Flaubert car j'ai vu le carnage, j'ai ressenti la douleur, et j'ai eu l'impression de frôler les corps déchiquetés. J'avoue qu'il y a des moments de lectures difficiles, des tortures épouvantables et l'écriture de cet auteur plonge le lecteur dans l'infiniment beau comme le terrible. J'ai donc été gênée, perturbée, voire parfois dégoutée pendant la lecture car j'assistais à l'indicible. Mais j'ai suivi les différentes campagnes et ce roman me laisse une marque profonde de ce qu'à pu être cette époque.
Mais j'ai du m'accrocher car non seulement c'est un univers dur, mais Flaubert utilise toute la panoplie du vocabulaire qui va bien. Il m'a fallu lire lentement, mais les mots participent au dépaysement et ont fait que j'étais extraite d'ici pour être plongée dans Carthage l'ancienne. Envoûtant.
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Je viens de terminer la lecture de salammbô, de Gustave Flaubert et c'est pour moi un véritable coup de coeur littéraire. Je pense que le qualificatif de chef d'oeuvre n'est pas exagéré. Ah ! Quand je pense que ce roman était là dans ma bibliothèque à m'attendre depuis des lustres ! Je m'en veux...
Dès l'incipit, le ton est donné. Il est à la fois d'une simplicité désarmante, d'une poésie inouïe et d'un exotisme flamboyant. Écoutez un peu, car Flaubert, cest aussi le bonheur de le lire à haute voix : « C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar. »
Cela ressemble au début d'une fable, avec cette phrase sonore et harmonieuse qui sonne comme un haïku et qui invite à dérouler les pages...
Je vous pose rapidement l'intrigue. Nous sommes au IIIème siècle avant J.-C., la première guerre punique vient de se terminer, qui opposa Carthage à Rome. Roman historique ? Pas tout à fait, même si Flaubert s'est beaucoup documenté, a même voyagé sur les pourtours de la Méditerranée pour s'imprégner des paysages, des sensations, des odeurs, de l'espace, de la topographie, imaginer comment planter le décor, déverser des armées et des cohortes d'éléphants dans les pages de son récit, poser l'intrigue amoureuse et ce personnage totalement sorti de son imaginaire, salammbô. Voilà aussi un nom teinté d'exotisme envoûtant !
Dans cette expérience orientaliste, Flaubert avoue même dans sa Correspondance avoir ramené de son premier voyage en Méditerranée un herpès génital, sans savoir laquelle des deux femmes, « la Turque ou la Chrétienne » ce sont ses mots, rencontrées la même nuit et invitées toutes les deux dans la chambre qu'il partageait avec Maxime du Camp son compagnon de voyage, lui avait offert ce souvenir désagréable dont on dit qu'il le poursuivra jusqu'à sa mort et en fut peut-être la cause de celle-ci...
Le récit démarre par la scène d'un festin, scène démente, outrancière qui donne le ton, les mercenaires, qui ont contribué par leur nombre et leur bravoure à la victoire, fêtent à Carthage la fin de la guerre, au sein même des jardins du suffète Hamilcar, général en chef des forces carthaginoises qui conduisit cette guerre et qui n'est pas encore revenu. Les mercenaires ont franchi les portes de Carthage et dans ce jardin sont venus réclamer leur dû auprès du général Hamilcar, absent. Les aristocrates de Carthage refusent de les payer, invoquant les finances mises à mal à cause de la guerre. Se sentant victimes d'une injustice, vexés, les redoutables mercenaires dévastent la propriété d'Hamilcar sous les yeux de salammbô, la fille du général mais aussi prêtresse de Tanit déesse de la Lune, qui tente de les calmer. C'est le carnage à Carthage. Un homme, le chef des mercenaires, le libyen Mâtho tombe alors éperdument amoureux de cette vierge divine.
Plus tard, il aura l'affront de voler le zaïmph, le voile sacré et vénéré de la déesse Tanit, dans le temple qui lui est dédié et sous les yeux de salammbô.
De cette rencontre va naître une liaison fatale, qui va précipiter tout le monde dans la guerre, une guerre sans merci, conquête du pouvoir, conquête de Carthage, conquête de salammbô...
À partir de cet instant, salammbô n'aura pas d'autre choix, imposé par son père sous la pression des prêtres de Carthage qui dictent le pouvoir politique et religieux, que d'aller elle-même récupérer le voile sacré, c'est elle qui doit laver l'outrage, salammbô est envoyée au sacrifice par la justice des hommes et des Dieux...

" Il était à genoux, par terre, devant elle ; et il lui entourait la taille de ses deux bras, la tête en arrière, les mains errantes ; les disques d'or suspendus à ses oreilles luisaient sur son cou bronzé ; de grosses larmes roulaient dans ses yeux pareils à des globes d'argent ; il soupirait d'une façon caressante, et murmurait de vagues paroles, plus légères qu'une brise et suaves comme un baiser.
salammbô était envahie par une mollesse où elle perdait toute conscience d'elle-même. Quelque chose à la fois d'intime et de supérieur, un ordre des Dieux la forçait à s'y abandonner ; des nuages la soulevaient, et, en défaillant, elle se renversa sur le lit dans les poils du lion. Mâtho lui saisit les talons, la chaînette d'or éclata, et les deux bouts, en s'envolant, frappèrent la toile comme deux vipères rebondissantes. le zaïmph tomba, l'enveloppait ; elle aperçut la figure de Mâtho se courbant sur sa poitrine. "

Après cela, toutes les scènes d'amour que vous rencontrerez dans les autres romans vous paraîtront bien fades...

Alors, ce sera un déferlement de violences inouïes, de massacres. C'est un récit d'une très grande férocité, les scènes décrites sont horribles. Les mots de Flaubert dans leur justesse sont là aussi pour dire l'innommable.
Le malheur humain est sans limite, il y a une violence de l'Histoire, Flaubert nous montre la capacité de violence de cette Histoire
J'y ai vu un pamphlet contre les guerres, salammbô montre, dénonce en quelque sorte cette capacité de l'humanité de produire des massacres de masse. Ils seront nombreux, hélas, après Flaubert, après l'écriture de son récit. Les mots de l'écrivain auront été vains...
J'y ai vu aussi un autre pamphlet contre les religions qui sèment ces guerres. Ici Flaubert montre la folie humaine capable d'inventer des dieux qui vont exiger des hommes jusqu'à leur propre destruction. Ici ce qui m'a saisi c'est jusqu'à quel point les hommes peuvent se saisir des dieux qu'ils vénèrent pour justifier leurs actes. Cela ne vous évoque rien ?
Dans ce désastre et cette folie, salammbô n'incarne pas que la passion amoureuse, c'est une femme fatale, damnée, comme celles des récits de la mythologie qui ont causé des guerres, précipité la chute d'empires par leur beauté et leur mystère. Comment ne pas penser alors à Hélène, à la guerre de Troie, à l'Iliade... ? C'est le roman d'une tentative d'émancipation, d'une femme qui cherche à transgresser les lois des hommes et des prêtres.
C'est un roman énorme comme les éléphants qui traversent les pages, détruisent tout sur leur passage.
L'imaginaire de Flaubert est ici à son comble. C'est un tourbillon d'images. C'est un déferlement de sensations, d'émotions, de passion amoureuse...
Il y a une justesse de l'écriture, c'est comme un chant lyrique, une sorte d'opéra, c'est un péplum en prose poétique, ce sont des mots teintés d'odeurs et de couleurs, pour dire l'horreur, les guerres, la folie humaine.
La beauté fluide de l'écriture de salammbô est intemporelle. Elle est envoûtante et dévastatrice comme les armées qui s'affrontent sous le soleil de Carthage pour salammbô. Comme le vertige des mots de Flaubert et leurs mirages. C'est juste beau.
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Adolescente, j'ai lu et aimé salammbô. Je n'en ai gardé que des souvenirs très vagues, ceux d'une lecture riche, d'un style foisonnant, de magnifiques tournures de phrases et d'une belle héroïne au destin tragique.
Suite à la superbe critique de Berni_29 que je remercie infiniment, j'ai eu envie de le relire.

*
L'histoire commence au IIIe siècle avant J.C., après la première guerre punique, au moment où les riches marchands de Carthage, plus soucieux de leurs richesses que de la ville, refusent de payer ce qu'ils doivent à l'armée de mercenaires qui a vaillamment combattu Rome auprès d'Hamilcar, le plus grand général carthaginois. Ils décident alors de se révolter et d'attaquer la ville.

*
"salammbô", c'est au départ Carthage qui nous apparaît dans toute sa magnificence, son opulence.
Gustave Flaubert commence son récit par de magnifiques descriptions de la ville. Sous les mots de l'auteur, elle se pare de majesté, de luxe et d'une surabondance de richesses.

"salammbô", c'est aussi le récit de cet incroyable siège que vont entamer les barbares, bien décidés à profiter des récompenses promises. Mais le plus beau joyau de Carthage, ne serait-il pas la magnifique salammbô, objet de toutes les convoitises ?

Car salammbô, c'est avant tout le nom d'une grande prêtresse de la déesse Tanit et la fille du grand Hamilcar Barca.
Mathô, un des chefs barbares, va en tomber follement amoureux.

« Sa chevelure, poudrée d'un sable violet, et réunie en forme de tour selon la mode des vierges chananéennes, la faisait paraître plus grande. Des tresses de perles attachées à ses tempes descendaient jusqu'aux coins de sa bouche, rose comme une grenade entrouverte. Il y avait sur sa poitrine un assemblage de pierres lumineuses, imitant par leur bigarrure les écailles d'une murène. Ses bras, garnis de diamants, sortaient nus de sa tunique sans manches, étoilée de fleurs rouges sur un fond tout noir. Elle portait entre les chevilles une chaînette d'or pour régler sa marche, et son grand manteau de pourpre sombre, taillé dans une étoffe inconnue, traînait derrière elle, faisant à chacun de ses pas comme une large vague qui la suivait. »

*
Ce que je retiens avant tout de cette histoire, c'est le style inimitable de Gustave Flaubert. Je me suis laissée porter par le rythme, la mélodie, les mots qu'impose le texte.
Dans une prose poétique et musicale soutenue par de longues phrases, l'auteur décrit le conflit avec un luxuriance de détails. Son écriture très visuelle, très sensorielle capte les couleurs, les odeurs, les mouvements, les bruits, créant une ambiance écrasante tout au long du récit.

*
Mais c'est aussi une oeuvre où domine la cruauté, la barbarie, la sauvagerie.
La délicatesse, le raffinement et la beauté flamboyante de Carthage ne sont qu'apparence. Sous la couche de vernis, se cache un peuple dur, impassible, menaçant, féroce, monstrueux.

« Cent pas plus loin ils en virent deux autres ; puis, tout à coup, parut une longue file de croix supportant des lions. Les uns étaient morts depuis si longtemps qu'il ne restait plus contre le bois que les débris de leurs squelettes ; d'autres à moitié rongés tordaient la gueule en faisant une horrible grimace ; il y en avait d'énormes ; l'arbre de la croix pliait sous eux ; et ils se balançaient au vent, tandis que sur leur tête des bandes de corbeaux tournoyaient dans l'air, sans jamais s'arrêter. Ainsi se vengeaient les paysans carthaginois quand ils avaient pris quelque bête féroce ; ils espéraient par cet exemple terrifier les autres. Les Barbares, cessant de rire, tombèrent dans un long étonnement. « Quel est ce peuple, – pensaient-ils, – qui s'amuse à crucifier des lions ! » »

Le lecteur est confronté à un très fort contraste entre la beauté exotique de Carthage, de salammbô et les horreurs de la guerre où les hommes s'entretuent dans des combats au corps à corps.

M'apparaissent plusieurs tableaux effrayants et écoeurants dans lesquels des lions agonisants sont crucifiés ; où des corps, soldats et animaux enchevêtrés, s'entassent et se fondent dans des mares de sang et de viscères ; où des entrailles humaines font comme des guirlandes autour des défenses des éléphants mutilés, dressés à tuer ; où des corbeaux festinent de cadavres humains en décomposition ; où des hommes mourant de faim se nourrissent de la chair de leurs camarades morts ; où des enfants sont offerts aux Dieux pour obtenir leur clémence.

*
Ce récit m'a beaucoup plu, mais j'ai tout de même quelques petits regrets qui n'entachent en rien la qualité du récit. J'espère par mes aveux, ne pas m'attirer les foudres des passionnés de Gustave Flaubert.

Mon premier regret est que j'aurais aimé que la psychologie de salammbô soit davantage approfondie. On la sent cachée entre les lignes, délicieuse, obsédante, mais sa présence est voilée par les affres d'une guerre impitoyable.

L'amour entre salammbô et Mathô est présenté de manière passionnelle, tout en gardant beaucoup de pudeur et de retenue. Les deux amants sont déchirés par des émotions contradictoires, amour et haine, attirance et dégoût, détachement et convoitise. Les mots choisis par l'auteur magnifient cette relation par un jeu de symbolisme et de silences dans la narration.

« salammbô était envahie par une mollesse où elle perdait toute conscience d'elle-même. Quelque chose à la fois d'intime et de supérieur, un ordre des Dieux la forçait à s'y abandonner ; des nuages la soulevaient ; en défaillant, elle se renversa sur le lit dans les poils du lion. Mâtho lui saisit les talons, la chaînette d'or éclata, et les deux bouts, en s'envolant, frappèrent la toile comme deux vipères rebondissantes. »

Gustave Flaubert n'a pas son pareil pour nous décrire cet amour qu'ils se vouent, tout en nuances, mais et c'est mon second regret, je trouve que la relation amoureuse prend une place relativement minime au regard des scènes de guerre.

*
Pour conclure, ce roman est une épopée historique triomphante de cruauté et de violence, mais également une belle histoire d'amour vouée à l'échec. Tout au long du récit, le lecteur peut voir, dans la multitude de détails et de références à la mythologie, l'énorme travail de recherche effectué par Flaubert.
"salammbô" vaut la peine d'être lu pour la grandeur de Carthage, la beauté tragique de la jeune femme qui obsède Mathô, l'amour passionnée des deux amants, le récit épique des combats, mais surtout pour l'écriture fulgurante et lyrique de Gustave Flaubert.
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salammbô est un roman que j'apprécie énormément. C'est est un texte vivant et méticuleux . L'univers punique du texte est d'une présence intense.
Si on se réfère aux sources historiques et que l'on a en mémoire le site de Carthage ( dans sa dimension punique ) avec un rien de connaissances sur la fin de la première guerre punique , ce texte possède la puissance évocatrice nécessaire pour vous transporter dans l'antiquité , au pied des murailles de Carthage et pour imaginer son port militaire circulaire , ses arsenaux , pour imaginer aussi la citadelle de Byrsa et les champs et les vergers inclus dans les murs , le tissus urbain serré , les navires nombreux sur la mer écrasée de soleil .
L'atmosphère historique soignée du roman ,restitue le contexte dramatique de la toute fin de la première guerre punique .
Flaubert est bien documenté , il n'est pas véritablement fidèle à l'histoire évènementielle de ce conflit implacable entre Carthage et ses mercenaires et alliés révoltés . Mais l'ambiance et les enjeux matérialisés par le roman sont historiquement valides et éloquents .
Il rend bien les affects , les scènes hallucinantes et quelquefois grandioses dont parlent les sources ,. le rythme , les angoisses , les enjeux existentiels , qui ont balayés ce bout de terre , littéralement ancré , tel un vaisseau redoutable et riche , sur les rives méditerranéennes de l'Afrique .
Au début du deuxième siècle avant l'ère commune , débute le premier choc de titan entre Rome et Carthage . Un conflit d'une violence et d'une âpreté inouïe aux enjeux existentiels pour les deux états,. Avec un retentissements déterminant dans l'imaginaire de la Rome républicaine .
Rome contrôle la péninsule italienne , Carthage contrôle l'Afrique du nord , une frange côtière principalement , sauf sur l'actuel territoire tunisien ou son territoire est plus en profondeur vers l'intérieur de l'Afrique . Carthage contrôle également les cotes méditerranéennes de l'Espagne de l'Ebre à Cadix , avec une profondeur stratégique importante en Andalousie . Une flotte de guerre redoutable lui permet également de dominer la Sardaigne et la Corse . Les deux puissances s'écharperont pour la domination de la Sicile .
Rome aligne une armée de citoyens appuyés par des contingents alliés , Carthage aligne une armée de soldats puniques , qui est néanmoins majoritairement composée de mercenaires qu'il faut payer et nourrir .
Rome remporte la victoire et Carthage doit faire face après la paix , à la révolte de certains de ses sujets africains , qui se joignent à ses mercenaires révoltés que sa trésorerie à sec ne lui permet pas de rétribuer correctement .
Flaubert s'engouffre dans ce conflit entre Carthage et son domaine africain non punique . Ce conflit fut total , de forte amplitude , il a retourné l'Afrique du nord de fond en comble . Flaubert l'a compris et il est parvenu à rendre parfaitement l'ampleur de de cette tragédie implacable .
Les sources sont principalement et presque uniquement les pages de Polybe sur la fin de la première guerre punique . Flaubert nous fait découvrir un peu de cet imaginaire punique beaucoup trop marginalisé.
Carthage n'existe pas seulement dans l'imaginaire romantique et orientaliste . Elle fut réelle , de pierres et de sang , et Flaubert l'a magistralement ancrée dans la mémoire de tous les amateurs de littérature française .
Je mentionne le chapitre consacré à Carthage dans le Politeias ( le Politique ) d'Aristote . Un texte qui permettra au lecteur de salammbô de comprendre institutionnellement Carthage et son fonctionnement face aux mercenaires , dans ce roman . Il me semble très possible que Flaubert se soit inspiré du personnage de Didon et de son destin tragique pour bâtir le personnage de salammbô . Didon la reine fondatrice de Carthage , souveraine légendaire que Virgile évoque dans l'Eneide .
salammbô repose sur une maitrise à rendre les mouvements dans leurs contextes et sur des qualités scéniques patentes . C'est crucial dans ce roman de guerre où les éléphants écrasent les fantassins , où les murs tremblent , où les champs brulent , où la faim est tenace , où la mer scintille au soleil et où Carthage résonne de clameurs parfaitement audibles par le lecteur. 
Delenda est Carthago !

 


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Je me suis lancée dans l'histoire de Salammbô après avoir lu Madame Bovary.
Cette lecture réclame beaucoup d'attention et de courage.
Malgré la violence qui émane du récit, Flaubert sait envoûter et entraîner son lecteur dans cet épisode de la guerre de Carthage. J'ai trouvé Salammbô, l'héroine, d'une grande distinction et pleine de grâce.
Le point fort du livre sont les descriptions, très longues et fournies, elles donnent moult détails nécessaires à l'histoire.
Parfois fastidieuses à comprendre, c'est un des rares récits pour lequel j'ai relu deux fois chaque page pour bien comprendre et assimiler la richesse du texte.
J'ai trouvé ce livre très beau, une fois de plus Flaubert sait manier son art avec perfection et talent.
C'est sûr, ce n'est pas un livre qui se lit rapidement, quand on le commence, il faut lui consacrer du temps et de la patience, même si on peut être tenté d'abandonner en cours de route, ne jamais lâcher l'affaire il en vaut la peine. A lire !
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Et si le plus grand roman de fantasy était l'oeuvre de Gustave Flaubert ?! J'entends déjà les objections des uns et des autres, ceux qui tiennent absolument à enfermer les grands auteurs dans le giron de la littérature blanche parce qu'un roman de genre de saurait faire preuve de génie, ceux-là argueraient que « Salammbo » n'est pas de la fantasy mais un roman historique. de l'autre côté, les intégristes des littératures de l'imaginaire refuseraient de voir en « Salammbo » une oeuvre de fantasy, au motif qu'il n'y aurait pas véritablement d'élément surnaturel dans le roman. Les seconds ont sans doute des arguments plus valables que les premiers mais leur donner raison serait, selon moi, faire preuve d'un esprit obtus. Certains romans unanimement reconnus comme étant de la fantasy comportent finalement peu de surnaturel. Et puis, ne pourrait-on pas considérer que c'est par autre chose que le roman de Flaubert relèverait de l'imaginaire ? Franchement, « Salammbo » est-il vraiment seulement un roman historique ? Certes, cet aspect semble documenté, l'auteur a fait des recherches mais la tonalité du récit l'emmène bien plus loin. Il y a dans « Salammbo » une telle exagération, une telle outrance que le récit semble se dérouler en des lieux et des temps où tout est possible. Je suis persuadée que nombre d'auteurs qui oeuvrent dans la fantasy ont été marqués au fer rouge par leur lecture du roman de Flaubert. de toute façon, au diable les étiquettes, tout cela importe peu en comparaison de l'impression laissée sur les lecteurs. Et l'impression que m'a faite « Salammbo » est énorme, je ne suis pas loin de penser qu'il s'agit là du plus grand roman français jamais écrit.

« Salammbo » est vraiment un roman de la démesure. Tout y est amplifié, décuplé, tout est grand, tout est spectaculaire, j'en ai pris plein la figure. Comment résumer « Salammbo » en quelques mots ? La guerre. L'amour. Voilà, ce qui me vient pour qualifier cette fresque extraordinaire relatant l'épisode de la Guerre des Mercenaires qui fait suite à la première guerre punique. Si les combats occupent plus de pages que les sentiments, leur importance est égale, la passion amoureuse de Matho envers Salammbo nourrissant son bellicisme. Dans le roman de Flaubert tout est d'une violence inouïe, l'amour y est aussi intense et destructeur que les combats les plus acharnés. Et acharnés, les combats le sont assurément. A-t-on jamais écrit roman plus épique que « Salammbo » ? Les batailles dépeintes par Flaubert sont dantesques ; des dizaines de milliers d'hommes assiégeant des cités merveilleusement monumentales, des éléphants caparaçonnés, des stratégies militaires, des retournements de situation, des pluies de sang… Comme je l'ai dit, l'amour a beau occuper moins de place en terme de quantité il est néanmoins central. Flaubert ne nous conte pas un amour tendre et épanouissant, la passion qui lie Matho et Salammbo est furieuse, violemment sensuelle, d'une férocité qui la fait ressembler parfois à de la haine. L'évocation de cet amour fiévreux atteint son paroxysme dans la scène de la tente que j'ai trouvé, en étant toujours dans le non-dit, d'un érotisme bouillant.

Tout dans « Salammbo » emmène ailleurs. A-t-on jamais écrit roman plus dépaysant ? Les villes, les paysages, les temples, les dieux, les vêtements, les coiffures… tout est magistralement dépeint sans que jamais ces descriptions soient ennuyeuses. Cet enchantement et cet émerveillement ne viennent pas seulement de l'ampleur des événements racontés. L'écriture de Flaubert y est pour beaucoup. A-t-on jamais écrit plus beau roman ? En tout cas, moi, je crois n'avoir jamais été autant éblouie par l'écriture d'un auteur. Dès la toute première et si célèbre phrase du roman, j'étais extatique. « C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar ». Ça n'a l'air de rien comme ça, cette phrase si simple, qui ne cherche pas à en mettre plein la vue, et pourtant dans cette phrase très épurée il y a tout le génie de Flaubert. Lisez-la, lisez-la bien pour ressentir toute sa beauté. le mieux est sans doute de la lire à voix haute pour en respirer la poésie. Ecoutez ces sons qui se marient si bien, la rondeur des M que vient bousculer le rythme des C… L'harmonie est si parfaite, si musicale… Et tout le roman est de la même eau. C'est splendide, ce texte est d'une beauté chavirante.

Vous l'aurez compris, « Salammbo » est un énorme coup de coeur. Ce que j'ai ressenti va même au-delà du coup de coeur. J'ai été subjuguée, époustouflée, envoûtée par ce sublime roman qui entre immédiatement dans mon petit panthéon personnel.
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Ancien étudiant en Histoire et plus précisément de la deuxième guerre punique, je n'avais que jeté un oeil lointain sur le roman de Flaubert. Je me suis pourtant décidé, lors de mes vacances, à finalement le lire. Et l'on peut dire, que je n'ai pas été déçu.
Très bien documenté, agréable à lire, vivant, on s'imprègne assez bien de l'ambiance africaine.
La prose de Flaubert, en dépit de quelques longueurs - on a perdu l'habitude de ces descriptions très dixneuviemistes - nous emmène de pages en pages vers une fin que l'on sait inéluctable. La violence, la rage des protagonistes défient l'immobilisme des politiques et le mysticisme des prêtres. Cette épopée est riche et magistralement organisée. le rythme varie en intensité sans jamais nous lassé.
Le personnage central n'est au final que peu présent mais les apparitions de salammbô sonnent comme un rêve et c'est peut-être ce qu'est ce roman, une rêverie orientale.
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Flaubert a voulu « fixer un mirage ». Il a ainsi bien résumé l'oeuvre floue, flottante et capiteuse qu'est salammbô. Ses tableaux de Carthage sont d'une magnificence digne des Mille Et Une Nuits. La cruauté et la bestialité y côtoient le raffinement. Ce roman est un songe emmené par un style teinté de nacre, de pourpre et du bleu étoilé du Zaïmph. Certes, les tableaux sont beaux, mais l'histoire passe au second plan et le livre est tout en style ; Flaubert s'est lancé un défi documentaire qui l'a éloigné de ce que doit être une histoire : il s'est perdu et complu dans des galaxies de fantasmes contemplatifs. Au milieu de toutes ces descriptions, les personnages n'ont pas la place de se mouvoir et de se développer : ils sont écrasés par le style. D'où le contraste entre le flamboyant des tableaux et la platitude des dialogues qui dans Madame Bovary servaient l'histoire et ici la desservent.
Le même défaut dont souffrait le personnage d'Emma Bovary reparaît ici chez celui de salammbô : elle est fantomatique, on dirait une ombre, une coquille vide peinte pour donner l'apparence d'un être vivant. C'est un être de langueur, de dévotion, de superstition, manipulé par le grand prêtre Schahabarim. On s'attache plus facilement à Mathô, Spendius et Hamilcar qui, guerriers de leur état, constituent le moteur de l'histoire. Les scènes de batailles sont héroïques à souhait : les détails abondent et on se trouve projeté au coeur des évènements.
Le livre contient cependant des longueurs presque aussi arides que les déserts traversés. Et enfin l'amour mêlé de haine et de dégoût entre Mathô et salammbô reste pour moi une énigme insane et nauséabonde. Dans ce livre, on finit par étouffer du déséquilibre entre trop d'un côté et pas assez de l'autre : trop d'images oniriques et pas assez de clarté dans ce qui doit être des points de repère. C'était peut-être l'ambition de Flaubert que de nous faire perdre tous nos repères et de nous entraîner dans un tourbillon kaléidoscopique. de ce point de vue il n'a que trop bien réussi.
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