AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Alain Fleischer (Autre)
EAN : 9782378560904
224 pages
Verdier (21/01/2021)
3.17/5   3 notes
Résumé :
Comme certains romans d’humeur libertine, ne s’interdisant ni l’érotisme, ni les fantaisies de l’imagination, ni l’humour, celui-ci prend parfois des allures spéculatives.

Dans cette vie extraordinaire d’une auto, conte philosophique et de science-fiction, c’est surtout de l’humain qu’il s’agit, face à certaines interrogations de notre époque.
Que lire après La vie extraordinaire de mon autoVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Comment ma voiture a changé ma vie

Alain Fleischer nous propose un conte pétaradant. Au volant d'un modèle rare de voiture, une Viktorie Type A de 1939, un étudiant va voir sa vie bouleversée et rencontrer quelques personnages hauts en couleur.

« VIKTORIE Type A, 1939. Modèle rare. Mécanique parfaite. Peinture et intérieur d'origine. Première main. Historique connu. État concours. Contrôle technique OK. Aucun frais à prévoir. Part toutes distances. Prix à débattre…» Comme souvent en matière de voiture, tout commence par une petite annonce. Dans ce roman, c'est un étudiant qui la découvre dans la revue automobile qu'il consulte assidument, et décide de l'acheter. Car il imagine que ce modèle produit à quelques centaines d'exemplaires seulement en Moravie à l'orée de la Seconde guerre mondiale est un bon placement, surtout au prix proposé.
En fait, il vient d'acquérir bien plus qu'une voiture de collection. Comme le lui explique son ex-propriétaire, son auto a déjà connu une histoire peu ordinaire et il ne doute pas que l'aventure se poursuive. Il ne va pas tarder à voir sa prédiction se confirmer.
Après avoir remarqué une rayure sur le flanc de la voiture garée en bas de chez lui, il va devoir constater qu'apparemment cette dernière a disparu mystérieusement. Puis il va trouver un PV pour stationnement illicite sur son pare-brise, et se rendre compte que le véhicule avait bougé d'un bon mètre, bien qu'il ne s'en soit pas servi. Mais c'est quelques semaines plus tard, à la faveur d'une première sortie sur les bords de Marne, que le mystère va s'épaissir. Justine, au volant de sa fiat 500, va emboutir la Viktorie avant de finir dans le lit de notre narrateur, pour un pont du premier mai torride. Là encore, il ne faut voir qu'une coïncidence que l'accrochage se déroule à quelques mètres de Charenton où Le Marquis de Sade fut emprisonné après avoir publié Justine ou les Malheurs de la vertu. En reprenant le volant, il doit admettre qu'une nouvelle autoréparation a eu lieu. Il recontacte alors Samuel Stubbs, le premier propriétaire du véhicule, pour tenter de comprendre. le nonagénaire, horloger et vendeur de sex-toys à Montmartre va alors lui raconter ses trois vies et celles de sa voiture, affectueusement baptisée Vikie. Son premier fait de gloire est d'avoir servi à la libération de Paris par les FFI, sans une égratignure.
Son nouveau propriétaire est-il particulièrement maladroit ou bien joue-t-il de malchance? Toujours est-il qu'en quelques jours déjà trois accidents se produisent. Dans la pente montmartroise où il s'était garé, une nouvelle voiture l'accroche. Cette fois ce sont quatre soeurs noires, aussi belles que joyeuses, qui sortent constater les dégâts et proposent de confier Vikie à leur oncle, «sorcier de la mécanique», tout en proposant de l'emmener faire la fête avec elles. Au réveil, dans son lit, il lui semble «que les lois de la réalité avaient changé, comme faussées par une sorte de magnétisme inconnu qu'aurait dégagé ma Viktorie Type A de 1939, depuis qu'elle était entrée dans ma vie, ou que j'étais entré dans la sienne.»
Et effectivement, la multiplication des coïncidences aurait dû lui mettre la puce à l'oreille. Comme sa boulangère-pâtissière, chargée de surveiller la voiture, il va croiser de fort nombreuses personnes s'appelant Pessoa, y compris le détective qu'il engage pour tenter d'éclaircir les mystères autour de son auto. Mais ce dernier tient davantage du psy que du fin limier. Alors notre étudiant décide de partir pour Bratislava où fut construite son auto.
Si vous aimez les histoires qui mêlent le fantastique à un brin d'érotisme, avec un solide fond historique et un style joyeux, alors n'hésitez pas à suivre Alain Fleischer. Car l'épilogue vous réservera encore de belles surprises !


Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          352
Alain Fleischer, désormais fan de bagnoles de collection, amoureux de vieux tacots ? Et cet aveu sous l'exigeante couverture jaune vif des éditions Verdier ? On s'étonne, on hésite, et puis on ouvre le livre comme on ouvre la portière de la vénérable Viktorie Type A 1939 qu'annonce déjà le bandeau de l'ouvrage, on s'installe dans la lecture comme on se glisse sur le siège confortable du conducteur, on avance allègrement au fil des pages comme des kilomètres, et, finalement, très vite, on lâche aussi peu le bouquin que le volant, transporté par ce réjouissant récit comme on est subjugué par le chatoyant paysage qui défile sous nos yeux ou aguiché par les ébats coquins qui s'épanouissent dans ce boudoir à roues… le narrateur, jeune étudiant en architecture, n'avait pas prévu que le véhicule, « Modèle rare. Mécanique parfaite », qu'il a acquis avec juste ce que lui permettait la somme de ses économies, lui réserverait autant de surprises, lui faisant vivre les heures les plus singulières de sa jeunesse, comme le lui prédirait un peu plus tard le premier propriétaire de la voiture. Tandis qu' « une sorte d'intimité et de connivence naturelles» s'installent entre eux dès les premiers trajets, David Fischer (tiens, ce patronyme n'est pas très éloigné de Fleischer ?) découvre que cette voiture a des propriétés magiques, révélant une étonnante capacité à se guérir elle-même de toutes atteintes, rayures sur la carrosserie ou dégâts mécaniques plus pénibles – le foutu joint de culasse !-, introduisant aussi son passager dans une étrange réalité, un monde régi par des coïncidences, un voisinage investi par un « thème portugais», accents et couleurs à l'appui, où nombre d'interlocuteurs, boulangère, garagiste ou gendarmes, s'appellent Pessoa, où l'on rencontre un Dédé Breton, neveu du grand André, et, surtout, une jolie Justine, digne héritière du personnage de Sade, avec qui s'épanouit la plus torride des relations. Une voiture qui devient aussi, grâce à son autoradio et un rétroviseur spécial, une formidable machine à remonter le temps… Entre conte libertin et récit de science-fiction, le ton de l'histoire résonne ici de l'imagination d'un Jules Verne, là de l'humour de Vian ou de Queneau, ailleurs encore des délicatesses d'analyse d'un Marcel Proust. Au-delà pourtant de ces puissants charmes narratifs, le récit fonctionne comme un piège, amenant le lecteur avec douceur vers quelques abimes de réflexion, l'invitant à s'interroger sur l'existence du temps, les dangers du transhumanisme – quand Vikie l'auto finit par trop nous ressembler et menace de se reproduire, avec un inquiétant souci de se perpétuer dans son être – ou l'évidente « humanité » de l'intelligence artificielle. du grand art, vraiment, ce nouvel Alain Fleischer ! Alors qu'attendez-vous pour embarquer ? La Viktorie Type A 1939, couleur bleu layette, vous ouvre grand ses portières, pour le plus savoureux des voyages !
Commenter  J’apprécie          30

Citations et extraits (5) Ajouter une citation
INCIPIT
"VIKTORIE Type A, 1939. Modèle rare. Mécanique parfaite. Peinture et intérieur d’origine. Première main. Historique connu. État concours. Contrôle technique OK. Aucun frais à prévoir. Part toutes distances. Prix à débattre…", tels avaient été les termes – à peu près, si je me souviens bien, car c’était il y a quelque temps – de la petite annonce parue dans les pages de vente de voitures d’occasion de l’hebdomadaire La Vie de l’auto que j’allais chercher chaque jeudi au kiosque à journaux. Je ne me doutais pas alors que, par la suite, et continuant d’aller chercher chaque jeudi l’hebdomadaire La Vie de l’auto au kiosque à journaux, par habitude comme on achète chaque jour le journal pour y lire les dernières nouvelles du monde, je penserais si souvent au titre à première vue anodin de ce canard pour passionnés d’automobiles, qui rêvent à l’acquisition d’une de ces voitures anciennes dont on peut dire en effet qu’elles ont eu une vie. C’était quelque vingt ans après la voiture à pédales en tôle rouge, le bolide de marque Euréka Super Junior, avec lequel, dans mon enfance, j’avais fait Paris-Nice (bien avant que soit complétée l’autoroute A7), à fond la caisse en simples allers-retours dans le couloir de l’appartement familial, long d’une trentaine de mètres avec, pour les demi-tours, la salle de bains à un bout, la cuisine à l’autre. À l’époque, je savais conduire avant de savoir lire, et je ne pouvais connaître le beau texte de Paul Morand Route de Paris à la Méditerranée, de 1931. Une vingtaine d’années plus tard, j’étais à la recherche de ma première automobile pour grandes personnes, sans être devenu pour autant un adulte raisonnable. À vingt-quatre ans, je terminais mes études en architecture à l’École des beaux-arts, je venais de gagner mon premier salaire en faisant des traductions techniques – aéronautique : conception d’un hydravion quadriréacteur ; travaux publics : chantier de construction d’un barrage hydroélectrique dans la vallée du Nil en Égypte ; brevets d’invention : fourchette tournante pour spaghettis, détecteur d’escargots pour cueillette après la pluie d’automne… – mieux rémunérées que les travaux sur les textes administratifs, politiques ou littéraires. Je m’étais jeté sur les annonces de voitures d’occasion, à la rubrique « petits prix » : modèles communs, déjà anciens et démodés, avec un gros kilométrage au compteur, et des pneus usés à soixante-dix pour cent. La voiture que j’avais repérée, proposée dans les termes que j’ai dits, avait été fabriquée quarante ans avant ma naissance par un petit constructeur d’Europe centrale, réquisitionné par l’occupant nazi pendant les années quarante pour produire des véhicules militaires, et qui n’avait pas survécu à la guerre. Si le modèle était qualifié de « rare », ce n’était pas du fait de son caractère exceptionnel ni de son histoire : il ne s’agissait pas d’une de ces automobiles prestigieuses, berlines fabriquées à la main pour mariages de princesses britanniques, ou décapotables de sport pour une fin tragique au cinéma, recherchées par les amateurs, et dont la cote ne cesse de grimper jusqu’à concurrencer celle d’œuvres d’art célèbres. La rareté venait du fait que la marque Viktorie n’avait pas existé longtemps, et que le modèle Type A n’ayant eu aucun succès, sa production avait été abandonnée après que seulement quelques centaines d’exemplaires furent sortis de l’usine, quelque part dans la banlieue d’Ostrava, en Bohême. L’histoire éphémère de cette marque oubliée était plutôt dissuasive pour tout acheteur sensé, mais elle n’avait pas dissuadé un être aussi peu sensé que moi dans ses passions d’enfance. C’était donc un modèle ordinaire, une « entrée de gamme », comme disent les vendeurs d’aujourd’hui, avec leur diplomatie à gros sabots, pour éviter le « bas de gamme » désobligeant à l’égard d’un client potentiel, le type de véhicules qui ne prend jamais de valeur et qui, le plus souvent, finit à la casse, y rejoignant la multitude rouillée et cabossée de ses semblables, sans que nul verse une larme. Dans un autre domaine, je suis aussi du genre à préférer un bâtard sans collier, qui ne ressemble à rien – œil au beurre noir et pelage aux couleurs de camouflage –, offert sans garantie par la SPA, à un chien de race sorti tout toiletté d’un élégant chenil, avec son pedigree aristocratique et ses certificats de vaccination.
L’annonce avait été passée par un garage de la grande banlieue parisienne – départements malfamés : 93 ou 94 ? –, pour le compte de celui qui avait mis la voiture en dépôt, le premier propriétaire et le seul, désormais trop âgé pour conduire, à qui le permis avait été retiré après qu’il eut pris cinq jours de suite le même sens interdit dont il refusait l’établissement dans sa rue à Montmartre, et qui avait dû faire emporter le véhicule par une dépanneuse, comme j’allais l’apprendre par la suite. Malgré son âge, cette Viktorie était donc une « première main », comme on dit, ce que les acquéreurs de voitures d’occasion apprécient avec la petite satisfaction de devenir le premier après celui de la première fois, une sorte de numéro 1 bis. Certains hommes, avec une vulgarité propre à notre époque et à notre société, éprouvent ce même sentiment dans le domaine des relations amoureuses – faute d’avoir été le premier, être le premier après celui de la première fois –, mais je récuse avec dégoût tout rapprochement entre le rapport d’un homme à une femme et son rapport à une automobile. L’amour des femmes ne se compare à aucun autre sentiment pour tout homme qui ne peut concevoir la vie sans elles, telle est mon intime conviction. Dans la rédaction de l’annonce, l’indication « Historique connu », qui faisait suite à « Première main », était d’ailleurs incongrue car, en général, ce qu’on entend par l’historique d’une voiture est la suite de ses propriétaires successifs, les mains entre lesquelles elle est passée, avec leurs identités anonymes ou parfois célèbres – la vulgarité masculine, propre à notre époque et à notre société, atteint son comble avec le genre de rouleur de mécaniques qui se complaît à évoquer l’historique de sa nouvelle conquête –, ainsi que le compte rendu des éventuels accidents, réparations, restaurations ou transformations qu’elle a pu subir (la voiture). Fallait-il comprendre qu’en ayant appartenu à un seul propriétaire, l’auto avait eu un destin limpide et sage ou, au contraire, une vie agitée, pleine de péripéties, mais tout cela ayant été fidèlement consigné dans un journal de bord, sorte de certificat de bonne conduite ? La mention « État concours » semblait indiquer que la voiture était susceptible de concourir. Mais à quoi ? Les concours d’élégance automobile, sortes de défilés de mode, exposent surtout l’élégance du conducteur, de sa passagère et du chien, avec une robe assortie à celle de madame, ou l’élégance de la conductrice, de son passager et du chien, avec un collier assorti aux chaussures de monsieur, tout un mode de vie dont certains font parade : très peu pour moi. Il n’y avait dans ma vie ni élégance, ni « madame », ni chien. « Contrôle technique OK » : je n’ai entendu cette expression que dans la bouche de mes camarades d’école, avec une connotation nettement grivoise, généralement associée à une allusion aux heures de vol : la vulgarité de certains hommes propre à notre époque et à notre société est déjà présente chez des jeunes gens dignes de leurs papas… « Part toutes distances » : cette indication semblait un encouragement à changer de crémerie, comme on dit, à s’élancer dans un road-movie pour aller chercher une nouvelle vie à l’autre bout du monde. Pourquoi pas, avais-je dû me dire, mais alors j’aurais plutôt pensé au fin fond de l’Amazonie et un aller simple sur une compagnie aérienne low cost eût été plus efficace. « Prix à débattre » : sur ce point, le débat serait bref et c’était simple, il fallait que le vendeur acceptât la somme dont je disposais, sans un centime de plus. Dans les termes de l’annonce, rien ne correspondait en fait à mes besoins réels, mais tout réveillait en moi un obscur désir. Mieux encore : maintenant, c’était cette auto que je voulais, celle-là et nulle autre, avec toutes les promesses de la petite annonce dont je ne savais que faire. Tels sont le mystère et la fantaisie déraisonnable d’une passion que l’on se découvre.
La voiture avait été reléguée par le garagiste au fond d’un terrain vague, livrée aux intempéries, là où elle servait de planque à des dealers du coin, à l’arrière du hall d’exposition et du hangar couvert où étaient présentés dans des conditions plus flatteuses, des véhicules plus récents, d’un meilleur rapport à la vente. D’ailleurs, alors que nous nous faufilions parmi les modèles rutilants, en évitant ne serait-ce que de les effleurer, le garagiste, récalcitrant à s’occuper de cette affaire, avait tenté de m’intéresser à une voiture « plus sérieuse », disait-il avec son accent portugais, dont le prix forcément plus élevé deviendrait abordable par obtention d’un crédit, sans compter, ajoutait-il avec son accent portugais, qu’une automobile bon marché à l’achat peut s’avérer coûteuse à l’usage.
Commenter  J’apprécie          00
Il me semblait soudain que les lois de la réalité avaient changé, comme faussées par une sorte de magnétisme inconnu qu'aurait dégagé ma Viktorie Type A de 1939, depuis qu'elle était entrée dans ma vie, ou que j'étais entré dans la sienne. J'ai aussitôt appelé le sorcier de la mécanique qui m'a confirmé qu'en tant qu'assureur de ses quatre nièces, il assumait la responsabilité des dommages dont elles étaient coupables, et que ma voiture serait réparée le lendemain. p. 72
Commenter  J’apprécie          50
Je me suis comporté avec mon auto comme quand j'étais enfant avec un jouet neuf. Je me gardais d'en jouir trop vite, je respectais une période d'attente, d'observation, de répit, selon une stratégie qui consistait à savoir me retenir pour mériter l'extase, me contentant d'abord de cette première jouissance qui est celle des prémices, de l'attente elle-même, préservant l'objet élu des risques d'un usage précipité, et lui permettant de rester neuf quelques temps encore. En cela, ce n'est pas que je m'estimais raisonnable ni prudent : cette sorte d'économie est étrangère à mon caractère. Et il me semble qu'un tel comportement a quelque chose de masochiste et de pervers qui consiste à repousser à plus tard au lieu de profiter au plus vite de la jouissance d'un bien tant désiré, en voyant passer avec délectation un temps consacré à l'attendre encore. C'est comme après la nuit de noces, quand l'époux attend plusieurs jours avant de déflorer la jeune mariée une seconde fois, qui devient la véritable première. Comme toujours, l'important, la priorité, avait été de m'assurer la propriété, de ne pas prendre le risque d'en laisser passer l'occasion, puis celui de l'inconsolable frustration qui en eût résulté. Car de voir échapper l'objet d'un désir, est pour moi comme être dépossédé de quelque chose qui m'aurait appartenu déjà, avant même que je ne m'en sois assuré la possession. (p.21-22)
Commenter  J’apprécie          10
Selon vous, cette Viktorie Type A de 1939 est-elle juste une mécanique comme celle de mes montres anciennes ou celle de mes vibromasseurs, une machine qui vous fait circuler d'un point à un autre de l'espace, en gagnant du temps comme on dit, ce que l'on obtient d'ailleurs de toutes les automobiles ? Ou bien notre chère Vikie est-elle autre chose qu'une machine ? Et son rapport au temps est-il singulier ? Mes vieilles montres, mes pendules anciennes, mesurent-elles un temps ancien qui ne serait plus le nôtre lorsqu'elles nous donnent l'heure aujourd'hui, une heure qui serait en quelque sorte une heure d'autrefois, l'heure exacte mais dans un temps révolu, un temps qui n'existe plus, qui n'a jamais existé ? Et les vibromasseurs ne sont-ils pas des mécanismes à mesurer un temps qui n'est pas le même pour l'utilisatrice et pour celle qui, dans l'appartement voisin, surveille la cuisson d'un gâteau mis au four, un temps qui n'est pas le temps présent mais celui de la convulsion, du paroxysme espérés, auxquels il est supposé conduire en communication télépathique avec la libido d'une femme, et en soumission à la temporalité de l'histoire qu'elle se raconte ? Dans quel espace et dans quel temps notre Vickie nous transporte-t-elle ? Pour vous et pour le moment, l'espace et le temps de votre jeunesse, n'est-ce pas ? Je vous ai prédit que vous vivriez avec elle les aventures les plus débridées et les plus exaltantes de vos plus belles années. Avez-vous déjà connu ces expériences inoubliables ? Sachez aussi que notre Vickie a la mémoire d'autres époques, comme celle de ma jeunesse, moi qui fus son premier propriétaire : écoutez donc ce dont elle se souvient grâce à ce poste de radio. (p.153)
Commenter  J’apprécie          00
Sur le trottoir, Pessoa Fernando m’avait poussé à prendre le volant et à m’éloigner au plus vite en m’encourageant par ces mots, prononcés avec son charmant accent portugais : « L’ancien propriétaire est un maniaque… il était allé la chercher à l’usine, Dieu sait où… Pendant quarante ans, il n’a rien fait d’autre que la bichonner… On peut dire qu’elle est neuve comme une jeune vierge… » Et le propos avait été ponctué par un bel éclat de rire portugais. Une telle attitude et de telles paroles auraient semblé suspectes à un autre que moi, car n’y a-t-il pas tant de vendeurs d’objets d’occasion qui prétendent (même avec un accent autre que portugais : tunisien, italien ou belge par exemple): « C’est comme neuf : ça n’a jamais servi », avant qu’apparaisse sous un maquillage sommaire l’évidence d’un usage prolongé et de l’usure consécutive. J’étais bien trop aveuglé par mon plaisir, pour me sentir coupable de naïveté ou de légèreté. Et mon contentement s’était encore accru quand j’avais rejoint l’autoroute pour regagner Paris : parmi le flot des voitures appartenant à des gens sérieux, dont la personnalité se révèle et s’exprime par leur comportement au volant, j’ai eu réellement l’impression que l’auto était neuve, et qu’avec moi elle roulait à nouveau pour la première fois. Mon trajet jusqu’au stationnement près de l’immeuble où je logeais s’est passé comme dans un rêve.
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Alain Fleischer (23) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Alain Fleischer
Titre : Qu'est-ce qu'une forme musicale aujourd'hui ? Colloque 2017-2018 : le rêve des formes : Arts, sciences & cie
Colloque du 06 septembre 2017. Intervenant(s) : Philippe Manoury, Professeur Émérite, Université de Californie San Diego et Professeur, Chaire de Création artistique (2016-2017), Collège de France
Retrouvez les vidéos du colloque : https://www.college-de-france.fr/site/alain-prochiantz/symposium-2017-2018.htm
Chaire du professeur Alain Prochiantz : Processus morphogénétiques (2007-2019)
Retrouvez les vidéos de ses enseignements : https://www.college-de-france.fr/site/alain-prochiantz
Colloque organisé par : Alain Prochiantz, Titulaire de la chaire Processus morphogénétiques, Collège de France et Alain Fleischer, Directeur, le Fresnoy - Studio national des arts contemporains.
Une oeuvre d'art est, presque toujours, l'oeuvre d'un artiste, même s'il s'agit d'un« ready made », et celui qui la perçoit le fait aussi en tant que sujet. Ce qui rend toute oeuvre d'art inépuisable. C'est même peut-être à cela qu'on la reconnaît. On ne voit, lit, entend jamais deux fois la même oeuvre. La question est différente pour les scientifiques qui, depuis Galilée et le « grand livre de la nature écrit en langage mathématique », déchiffrent ledit livre sans que le sujet n'intervienne autrement que par son habileté de déchiffreur. La vérité est dévoilée et existe indépendamment du sujet qui la dévoile puisque c'est la nature qui se dévoile. L'allégorie a traversé le xixe siècle et reste bien vivante. Même si, on le constate très souvent, le voile montre parfois plus que le dévoilement. Alain Prochiantz
Qu'est-ce qu'une forme et pourquoi s'y intéresser aujourd'hui ? Si l'on se réfère au sens commun, une forme est un ensemble de traits caractéristiques – visuels, sonores, tactiles – qui permettent à une réalité physique d'être conçue, puis perçue. S'adressant à nos sens ou se constituant dans notre imagination, parfois à notre insu comme lors des rêves, les formes semblent être des entités premières, auxquelles ont à faire tous les champs du savoir et de la création. Les formes se meuvent, se déforment, s'érodent, se régénèrent. Nombreux et difficilement définissables sont les passages de la forme au difforme, du difforme à l'informe. Existe-t-il des formes qu'on ne peut nommer ? Et, à l'inverse, la langue est-elle capable d'émettre des énoncés qui n'évoquent aucune forme ? À quoi nous font rêver les formes ? À quelles formes rêvons-nous ? En interrogeant ainsi le rêve que peuvent susciter les formes, peut-être serions-nous tentés d'anticiper le moment où celles-ci, libérées de leur référent, devenues des signes dépourvus de sens, se mettraient elles-mêmes à rêver. On pourrait se demander alors : « À quoi rêvent les formes ? Quel est le rêve des formes ? » Alain Fleischer
Découvrez toutes les ressources du Collège de France : https://www.college-de-france.fr
Suivez-nous sur :
Facebook : https://www.facebook.com/College.de.France Instagram : https://www.instagram.com/collegedefrance Twitter : https://twitter.com/cdf1530
+ Lire la suite
Notre sélection Littérature française Voir plus
Livres les plus populaires de la semaine Voir plus


Lecteurs (16) Voir plus



Quiz Voir plus

Les héros de la littérature jeunesse

Comment s’appelle le restaurant tenu par les parents de Tom-Tom et Nana  ?

A la bonne fourchette
Chez les Dubouchon
Chez Tom-Tom et Nana

15 questions
212 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur ce livre

{* *}