AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de VincentGloeckler


Alain Fleischer, désormais fan de bagnoles de collection, amoureux de vieux tacots ? Et cet aveu sous l'exigeante couverture jaune vif des éditions Verdier ? On s'étonne, on hésite, et puis on ouvre le livre comme on ouvre la portière de la vénérable Viktorie Type A 1939 qu'annonce déjà le bandeau de l'ouvrage, on s'installe dans la lecture comme on se glisse sur le siège confortable du conducteur, on avance allègrement au fil des pages comme des kilomètres, et, finalement, très vite, on lâche aussi peu le bouquin que le volant, transporté par ce réjouissant récit comme on est subjugué par le chatoyant paysage qui défile sous nos yeux ou aguiché par les ébats coquins qui s'épanouissent dans ce boudoir à roues… le narrateur, jeune étudiant en architecture, n'avait pas prévu que le véhicule, « Modèle rare. Mécanique parfaite », qu'il a acquis avec juste ce que lui permettait la somme de ses économies, lui réserverait autant de surprises, lui faisant vivre les heures les plus singulières de sa jeunesse, comme le lui prédirait un peu plus tard le premier propriétaire de la voiture. Tandis qu' « une sorte d'intimité et de connivence naturelles» s'installent entre eux dès les premiers trajets, David Fischer (tiens, ce patronyme n'est pas très éloigné de Fleischer ?) découvre que cette voiture a des propriétés magiques, révélant une étonnante capacité à se guérir elle-même de toutes atteintes, rayures sur la carrosserie ou dégâts mécaniques plus pénibles – le foutu joint de culasse !-, introduisant aussi son passager dans une étrange réalité, un monde régi par des coïncidences, un voisinage investi par un « thème portugais», accents et couleurs à l'appui, où nombre d'interlocuteurs, boulangère, garagiste ou gendarmes, s'appellent Pessoa, où l'on rencontre un Dédé Breton, neveu du grand André, et, surtout, une jolie Justine, digne héritière du personnage de Sade, avec qui s'épanouit la plus torride des relations. Une voiture qui devient aussi, grâce à son autoradio et un rétroviseur spécial, une formidable machine à remonter le temps… Entre conte libertin et récit de science-fiction, le ton de l'histoire résonne ici de l'imagination d'un Jules Verne, là de l'humour de Vian ou de Queneau, ailleurs encore des délicatesses d'analyse d'un Marcel Proust. Au-delà pourtant de ces puissants charmes narratifs, le récit fonctionne comme un piège, amenant le lecteur avec douceur vers quelques abimes de réflexion, l'invitant à s'interroger sur l'existence du temps, les dangers du transhumanisme – quand Vikie l'auto finit par trop nous ressembler et menace de se reproduire, avec un inquiétant souci de se perpétuer dans son être – ou l'évidente « humanité » de l'intelligence artificielle. du grand art, vraiment, ce nouvel Alain Fleischer ! Alors qu'attendez-vous pour embarquer ? La Viktorie Type A 1939, couleur bleu layette, vous ouvre grand ses portières, pour le plus savoureux des voyages !
Commenter  J’apprécie          30



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}