Sous la dictée des choses….objet, sujet,écho, reflet.
Cela faisait six ans que ce livre patientait sur ma table de lecture.
Sous la dictée des choses… Quelles choses avaient donc pu retarder à ce point cette lecture ?
Diverses, variées,... une concordance de choses, possibles et peut être indéfinissables choses.
Dont la réalité aujourd'hui m'échappe. D'autres réalités peut être l'avaient elles devancée…
Et puis, de lectures en d'autres lectures, de passages, de portes, et différents corridors empruntées par quelque pensée ou soubresaut de ma conscience ont fait que sous la dictée d'autres choses ( mais sont elles à vrai dire véritablement autres…) je décide enfin de poursuivre cette lecture, à ce qu'enfin cette lecture face ,enfin, suite à une autre lecture.
Les choses comme les êtres sont reliées entre elles. Peut être de façon autonome, peut être en réponse à un ordre qui nous échappe encore totalement.
De Sebald, à Newton, de Fleischer à Arno Gesinger, du Fresnoy à
Georges Didi Huberman, de
Gaston Bachelard à
Carolyn Carlson, des survivances à l'image manquante, de la revenance à la gravitation du monde….
Voilà la dictée des choses à travers laquelle je me cherche et nous recherche. Des univers.
De l'image, au cinéma, des mots, au langage, du champs au hors champs, de l'écho des images aux fantômes des mots. de l'Histoire à notre temps, du développement des images qui nous traversent et du remontage des courants dans lesquels nous écrivons.
J'ai découvert l'écriture d'
Alain Fleischer grâce à
Alma Zara.
Roman étonnant, pour lequel je garde toujours tendrement la nostalgie de sa première lecture.
Mais revenons à la dictée des choses… Puisqu' écrire... c'est revenir.
« Chose : portion déterminée et impersonnelle de l'univers matériel, susceptible d'une maîtrise humaine. »
Qu'est ce qu'une chose si ce n'est une idée, un concept, un désir placé devant nous, face à nous.
L'existence d'une chose est déterminée par les mots que nous lui attribuons.Les mots deviennent l'attribut du sujet. Et qui est le sujet des choses si ce n'est celle ou celui qui les nomment ?
Désir/miroir, objet/mémoire, les objets nous reviennent. Nous les possédons, ils nous possèdent.
Nous y projetons nos rêves, nos phantasmes, nos espoirs, nos passions, nos souvenirs.
Ces choses qui nous distinguent, nous singularisent, nous questionnent parfois, nous entraînent, nous submergent souvent.
Un couteau, un chien, une lettre, un plan de table, une porte, une plaque photographique, un sac de voyage toutes ces choses qui peuplent nos univers peuvent être le support de bien des dimensions. Des possibles dont la logique, l'ordonnancement vient parfois heurter la conscience humaine. Les choses connaissent elles les mots tels que... hasard, espace, temps, logique,symbole ? cycle ? Quel fluide parcourt nos univers ?
Est ce que les objets meurent lorsque nous perdons leur mémoire ? Sont ils passerelles , lumières, fluides ou bien témoins ?
Choses données, offertes, découvertes, recouvertes, achetées, vendues, confiées, volées, ,retrouvées, dévoilées, réparées, nommées, oubliées, cachées, caressées, emportées, choses douces, troublantes, arborescentes, redoutées...rêvées...machine optique, chose mécanique,objet mnémonique.
Que voyons nous en toutes ces choses ? Ce que nous désirons ? Ce que nous sommes ? Ce que nous étions ? Ceux que nous recherchons ?
Quel est la valeur du poids de ce que nous inscrivons, créons, inventons en et de toute chose ?
Rapport fait aux images, aux langages, à la représentation de soi et des autres, à toutes nos « collections », à toutes ces choses que nous portons à notre esprit , à notre regard, à nos sens, à notre histoire, à notre mémoire et par lesquelles nous transportons l'infinité immatérielle de ce que nous générons, partageons, transmettons..
Étonnant recueil de fictions dans lequel je retrouve avec plaisir l'univers poétique, onirique, philosophique d'
Alain Fleischer. Ce regard particulier, personnel,qui nous interroge, nous déplace et nous replace
sous la dictée des choses. « Écrire c'est revenir » , « c'est rendre trace d'un voyage », faire revivre une deuxième fois », déclare
Alain Fleischer lors de la lecture d'un de ses très beaux textes « La revenante et le survivant ». « Rien ne se perd, seul l'état change ». Objets, choses, sujets, pensées, gestes, images.
Rien ne se perd, tout nous revient , tout gravite, comme un boomerang.
Pour la deuxième fois,
sous la dictée des choses, à travers les mots d'
Alain Fleischer, j'ai livré mon imagination au courant d'une écriture.
Alain Fleischer, créateur et le directeur du Studio National des arts contemporains du Fresnoy, écrivain, réalisateur, photographe, vidéaste, cinéaste, musicien, scénographe, plasticien...Opéra, cinéma, danse, architecture...tous les langages se rejoignent.
Astrid Shriqui Garain