Richard Fleischer? Mais si, vous connaissez! On lui doit 20.000 lieues sous les mers avec
Kirk Douglas, Les Vikings, Soleil vert… Son nom ne nous vient pas forcément à l'esprit quand on pense aux réalisateurs de l'Age d'Or de Hollywood mais ses mémoires pourraient nous faire changer d'avis.
Ils viennent de paraitre chez Marest et en les feuilletant par hasard je tombe sur la première phrase: « John Wayne n'a pas encore chié ». Intriguée par les problèmes de transit de L'Homme tranquille , j'ai donc lu ce manuel de survie à l'usage de ceux qui voudraient faire correctement leur boulot dans la Mecque du cinéma et je n'ai pas été déçue. En plus de me délecter de son humour, j'ai aussi revu mon jugement sur son oeuvre, même si j'aime beaucoup L'Etrangleur de Boston, le Génie du mal, L'Étrangleur de la place Rillington et le très subversif Mandingo.
Richard Fleischer apparait comme un réalisateur très professionnel, un artiste amoureux du travail bien fait, mais qui doit naviguer à vue dans le marécage des studios tout puissants, composer avec les acteurs caractériels, les scénaristes qui procrastinent, et surtout les producteurs, tyranniques.
Ses souvenirs regroupés par thèmes obéissent à un vague ordre chronologique, mais ne manquent pas d'intérêt. Fleischer a travaillé pendant plus de quarante ans, jusque dans les années 80, ce qui lui permet de croquer des portraits savoureux , comme ceux de Disney, Hughes (aussi frappé que dans le film de
Martin Scorsese ), Welles, et de nous livrer des anecdotes de tournage pas piquées des hannetons. Celui (agité) de Bandido Caballero au Mexique avec Robert Mitchum, au cours duquel l'acteur se fait arrêter pour possession de marijuana. Son homme à tout faire quant à lui est si pénible que les Mexicains font une collecte afin de financer un tueur à gages pour l'abattre. Ou celui (télénovélesque) du Grand risque avec
Juliette Greco, alors maitresse de Zanuck qui est fou d'elle. Gréco le fait tourner en bourrique et le tyran malade de jalousie s'est transformé sous les yeux de l'équipe en toutou à sa mémère.
Certains sont plus émouvants, comme celui de l'acteur légendaire Edward G. Robinson, âgé et malade du cancer qui tournera avec lui son dernier film, ou celui du comédien Zéro Mostel, brisé par la Chasse aux sorcières.
Ses souvenirs n'ont donc pas pour but de donner de lui une image favorable, mais de montrer que quand on n'est pas un metteur en scène tyrannique, faire correctement son métier est une gageure.
J'ai lu
Survivre à Hollywood d'une traite, séduite par la personnalité de
Richard Fleischer, son humanité et son sens de la formule. Je repars aussi avec des films à voir dans ma besace (Don Angelo est mort , Les Flics ne dorment pas la nuit…). Car son oeuvre très riche aborde tous les genres. Certaines scènes sont inscrites dans la mémoire collective, comme
Kirk Douglas chantant avec une otarie, Borgnine mourant l'épée à la main comme un véritable Viking, Charlton Heston hurlant « Le soleil vert c'est de la chair humaine ! » Tous les metteurs en scène ne peuvent pas en dire autant.