L'Homme électrique

Tancredo fixa les yeux sur le plafond, refusant de se confronter de nouveau à la vision horrible de son ventre à l'air libre.
— Des dégâts ? questionna le moine, qui surveillait la porte.
— Quelques rayures sur la carrosserie, répondit sa complice, manifestement soulagée.
Les paroles de la comtesse transpercèrent Tancredo comme des lames acérées. Il avait voulu se persuader que ce qu'il avait vu n'était qu'un délire issu de son imagination. Son esprit épuisé l'avait dupé et la pluie battante avait trompé ses sens, il n'y avait pas d'autre explication. Comme un cauchemar, le vicomte se hissa sur ses coudes et regarda son ventre.

La veste de Cherubino avait glissé à terre, révélant sa chemise éventrée. Les pales de la motogodille avait déchiqueté le vêtement. La loque ne cachait rien : en guise de torse, Tancredo avait une plaque de métal finement ouvragée, imitant les pectoraux d'un éphèbe. Il sentit les larmes lui monter aux yeux.
— Je suis en fer..., bredouilla-t-il.
Une impression de folie surnaturelle menaçait d'emporter son esprit. Seule la voix de la comtesse le rattachait au réel.
— Ce n'est pas du fer, corrigea-t-elle, mais un alliage d'acier. Vous n'avez rien, il faut se remettre au travail.

Père ?

Dans les yeux de la comtesse se lisaient douleur et détermination. Elle sacrifiait ce qu'elle avait de plus précieux à une cause qu'elle croyait juste. L'androïde la trouva à la fois splendide et monstrueuse. p.308