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Une réflexion originale et intéressante sur le plaisir comme élément constituant à part entière de la sphère du politique. Je ne suis pas particulièrement familière des ouvrages de philosophie mais cette plongée dans les idées m'a séduite, parce qu'elle est étroitement liée à nos sociétés contemporaines. Elle a pu ainsi me donner des pistes nouvelles d'interrogation, autant d'occasions de mesurer mes engagements aux nombreux impératifs de changement du monde. L'avant-propos fait entrer de plein pied dans la dimension politique du plaisir à travers ses réalités contrastées dans le contexte des classes sociales ; l'auteur puise ses exemples dans l'histoire et la littérature : la joie affirmée fièrement dans les occupations d'usine et les grèves du front populaire et, sous la plume se Zola, le regard envieux du bourgeois Hennebeau qui surprend dans les fourrés les étreintes à peine cachées des ouvriers. Oui, le plaisir immédiat des corps renvoie à la question de ce qu'il représente dans l'ordre social, à la fois dans le concret du réel et dans l'imaginaire rêvé d'une autre société à construire. L'auteur développe cette idée et recherche leur écho dans les écrits philosophiques qui ont marqué la deuxième moitié du vingtième siècle en France. Il nous propose ainsi d'explorer les écrits de Gilles Deleuze et Michel Foucault mais aussi ceux de Georges Friedmann. Il brosse par souci d'une démonstration par l'absurde, le portrait du « réactionnaire bon vivant » dans son rapport au plaisir et démontre ainsi que la gauche en est fort éloignée, les renoncements de la social-démocratie mis à part. On retiendra l'évocation heureuse de la Commune de Paris et le Manifeste de la Fédération des artistes rédigé par Eugène Pottier, qui évoque le « luxe communal » appliqué loin de toute utopie, à l'éducation gratuite et laïque (bien avant les lois de 1981 et 1905) une éducation « polytechnique » qui abolit l'opposition entre travail manuel, intellectuel et artistique. L'épilogue du livre nous confronte aux défis du temps présent, le plaisir est affirmé comme une donnée incontournable de toute réalité sociale autant que de sa transformation, mai 68 bien sûr est évoqué mais au-delà, les enjeux des révolutions à venir sont cités : renverser la destruction programmée de la planète par la logique du capitalisme, rétablit à gauche la dimension désirable des projets politiques. Une lecture stimulante. + Lire la suite |
Peut-on encore être de gauche et aimer le steak frites? C'est la question que semble poser le dernier livre, "Quartier Rouge ", du philosophe Michaël Foessel. Dans ce nouvel essai, il montre le pouvoir politique du plaisir, des occupations joyeuses d'usines à la colère suscitée par la fermeture des théâtres et des bars lors des confinements.
La gauche progressiste est en effet accusée d'être de plus en plus moraliste et ascétique, entre obligation de modération à l'aune de la crise climatique et souci de l'auto-critique face aux minorités. La droite hédoniste aurait pris la défense du plaisir.
L'auteur montre qu'il est devenu urgent de réfléchir à nouveau sur la dimension émancipatrice du plaisir. En effet, on a aujourd'hui tendance à porter une attention de plus en plus exclusive à la souffrance ou au désir comme origine de la critique sociale. Or le plaisir a une vraie valeur politique. Il permet au discours de rejoindre le réel.
Le plaisir devrait donc redevenir un enjeu pour la gauche. Ses principes n'ayant plus d'effet dans le réel. le parti socialiste a en outre abandonné la promesse que portait son emblème - le poing et de la rose dont les épines servent d'avertissement : le plaisir et la joie ont le pouvoir de subvertir l'ordre établi. Un pouvoir de subversion et d'émancipation du plaisir qu'il faudrait réhabiliter aujourd'hui, à l'heure où le capitalisme prétend avoir formaté notre bonheur.
Olivia Gesbert invite à sa table Michaël Foessel, philosophe et professeur à l'Ecole polytechnique.
#philosophie
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