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Critique de Satyasaibaba


Comme beaucoup de conflits, la guerre des Malouines fut une guerre complètement absurde. Petit rappel des faits pour ceux qui étaient trop jeunes – ou pas nés – en 1982 pour s'en souvenir…
Les Malouines forment dans l'Atlantique Sud un archipel de plus de 750 îles et îlots d'une superficie équivalente à l'Irlande du Nord. Battues par les vents et des pluies régulières et soumises à un climat subarctique, ces îles ne sont constituées que de montagnes, de rochers et de plaines souvent marécageuses où paissent des milliers de moutons. Sommes toute, rien de bien intéressant. Et pourtant, depuis l'installation des premiers colons français en 1764, les Malouines ont souvent fait l'objet de revendications territoriales, que ce soit de l'Espagne, de la France, du Royaume uni ou plus tard, de l'Argentine. La guerre des Malouines est à ce jour le dernier épisode du genre.
En 1982, une junte militaire est au pouvoir en Argentine. La dictature autoritaire et répressive qu'elle fait régner sur le pays et une situation économique catastrophique la rende de plus en plus impopulaire. Cherchant à détourner l'attention de la population et à engranger une victoire qui pourrait restaurer sa légitimité, le pouvoir militaire envahit les Malouines que le pays réclame aux Anglais depuis 1833. En pleine guerre froide et aussi à quelques mois d'échéances électorales qui pourraient prolonger son mandat, Margaret Tatcher, alors Premier ministre britannique, réplique au quart de tour et envoie la Navy dans l'Atlantique Sud. La guerre sera expéditive, se terminant deux mois plus tard par l'écrasante victoire des Britanniques sur une armée argentine en pleine déroute.

Si l'on en croit son auteur Rodolfo Fogwill, « Sous terre » a été écrit en 7 jours en pleine guerre des Malouines, à un moment où l'issue des combats ne faisait plus aucun doute. Il y raconte l'histoire rocambolesque d'une cinquantaine de soldats argentins – la plupart très jeunes et issus des faubourgs des grandes villes du pays – qui ne voulant pas servir de chair à canon dans un conflit très vite perçu comme absurde et perdu d'avance, décident de déserter. Ils creusent alors un abri souterrain – le terrier – qu'ils équipent d'un poêle (la guerre a lieu en plein hiver austral) et dans lequel ils entassent charbon, nourriture, cigarettes et alcool pour tenter de se prémunir du froid et survivre sous la terreur des bombes. On les appellera les tatous, à l'image de ces petits mammifères carapacés d'Amérique du Sud qui vivent sous terre. A l'intérieur, la vie s'organise sous la direction des « Rois Mages », ces quatre, puis 3 soldats à l'origine du projet qui, dans ce monde de la débrouille, vont recréer un semblant d'ordre social avec ses règles de vie ; chacun ayant ses tâches et ses devoirs pour permettre aux uns et aux autres de tenir de manière très pragmatique jusqu'à la fin du conflit.

De prime abord, le style de Fogwill a de quoi surprendre : haché, bref, souvent en mode dialogue, brouillon aussi quant à la source de la narration (on se demande souvent qui est le narrateur). Mais en réalité, cette écriture, tout en déroute participe au rendu de la situation dantesque décrite. Écrit à chaud, au coeur du conflit, même si Fogwill n'a jamais été sur place, « Sous terre » se veut un récit volontairement flou entre fiction clairement revendiquée (l'épisode des tatous est pure invention) et contexte on ne peut plus réel (les forces en présence, les bombes, le froid, les paysages, les moutons sautant sur les mines…). le résultat, qui n'est pas sans rappeler de nombreux récits de 14-18, est un vibrant plaidoyer contre l'absurdité de la guerre où les déserteurs sont élevés au rang de héros parce que refusant de se battre pour une cause idiote et perdue d'avance, ils se délivrent des contingences pour entamer le seul vrai combat à mener dans pareille circonstance : celui de la survie.
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