Poésie d'une belle singularité......
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Les grandes architectures de la nuit tombante : arcs de triomphe que formaient les branches au bout des avenues, labyrinthes des sentiers rafraîchis, stades des champs aux gradins de haies jusqu’à l’horizon, portiques et dolmens de nuages encadraient notre être enfant allant vers son destin.
L’ouragan ouvrait des perspectives sans nombre et ceux-là qui l’affrontaient tête baissée, je les regardais à travers les vitres. Je pensais qu’ils travaillaient aussi pour mon bonheur. Sous l’ouragan, il ne m’a pas été donné de voir d’arbre s’envoler, ni un toit entier de chaume comme il est arrivé quelquefois.
Le tonnerre et l’éclair, j’en avais peur. À chaque éclair, je faisais comme mes grand-mères un signe de croix. On était alors autour de la table attendant la fin de l’orage. Dès qu’on avait vu le ciel se noircir, les draps immenses avaient été enlevés qui séchaient dans les jardins surchauffés.
L’on connaissait aussi les soleils forcenés, les facteurs seuls sur les routes.
Des hommes fauchaient les épis et les fleurs du même coup.
La figure de quelque voisin haï apparaissait derrière leur haie. Lui aussi, il avait chaud, peut-être plus qu’eux, ils le remarquaient, ils s’en réjouissaient sans creuser plus loin dans leur âme.
Cependant un son de cloche dans l’après-midi brûlant rappelait que l’on était en chrétienté. La torpeur estivale immobilisait la petite herbe jaunissante des carrefours isolés sur laquelle ne tombait nul regard lourd et qui résistait à l’arrachement et que personne d’ailleurs ne pensait à vouloir arracher. Dans une cour battait un instant un balancier de pompe. Oh, cette même gloire du soleil au pied des calvaires, cette même couleur chrétienne, cette même force d’exigence, ce morceau d’histoire du monde auquel nous avons participé, enfants vêtus de sarraus noirs !
Cultivateurs et petits fonctionnaires des campagnes se laissaient vivre dans l’enveloppement du paysage. Ils s’appuyaient souvent sur les murs, leur pouce épousant machinalement un petit creux dans le ciment durci. Autour de leurs pieds des fourmis gravitaient qu’ils n’écrasaient pas, qu’ils ne pensaient point à écraser.
Dans les chemins, le long des champs, à proximité des fontaines, l’on rencontrait des femmes allant, la tête baissée sous des voiles noirs, gardant au doigt une mince bague d’or. Douleur, pudeur, léger luxe de l’or et, aux cieux, le nuage qui passe.
À l'occasion des 40 ans des éditions Phébus en 2016, trois auteurs de la rentrée littéraire lisent des extraits des livres qui les ont marqués au sein de la maison :
- Gil Jouanard auteur du roman "Les Roses blanches" lit des extraits de "Paris" de Jean Follain (Phébus, 1978, Libretto, 2006),
- David Boratav auteur du roman "Portrait du fugitif" lit des extraits de "Sublimes paroles et idioties de Nasr Eddin Hodja" (Phébus 1990, Libretto, 2002),
- le slovène Drago Jan?ar auteur du roman "Six mois dans la vie de Ciril" parle de son compatriote et ami Boris Pahor auteur de "L?Appel du navire" (Phébus, 2008), "Jours obscurs" (Phébus, 2001) et "Printemps difficile" (Phébus, 1995, Libretto, 2013).
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