Misha a toujours vécu avec une bulle noire au-dessus de sa tête. Elle seule peut la voir. C'est sa malédiction personnelle, qui la suit où qu'elle aille. Mais un jour, elle prend son courage à deux mains et décide d'affronter ce qui se tapit à l'intérieur...
La première chose que j'ai remarqué, c'est la qualité des graphismes ; tout particulièrement des couleurs. Tantôt vives tantôt grisées, elles s'adaptent parfaitement à la situation et font ressortir les émotions du personnage principal. Je suis particulièrement sensible à ce genre de représentation qui, je trouve, fait ressortir la sensibilité du moment.
Le coup de crayon de l'illustratrice n'est toutefois pas en reste : les dessins respirent une certaine douceur, même dans les moments les plus noirs. J'ai passé un long moment à contempler les illustrations, et je les feuillette encore avec plaisir.
L'histoire, elle, est une formidable leçon de morale et de positivisme. Cette bulle invisible et menaçante qui suit la jeune héroïne n'est rien d'autre que ses peurs, ses doutes, sa colère ; toutes ses mauvaises pensées qui l'empêchent d'avancer. Qui la font se replier sur soi, s'isoler du monde et des autres.
Misha n'est pas si anormale qu'elle le croit. Quand on y réfléchit, tout le monde possède une bulle de noirceur. Certains ne peuvent que vivre avec, et d'autres trouvent la force de l'anéantir – comme elle. Pour cette raison, c'est un livre qui peut s'adresser à chacun d'entre nous, peut importe l'âge.
Mais qu'y a-t-elle découvert, dans cette fameuse bulle ?
Je pense qu'elle s'est trouvée elle-même : c'est le reflet de son intériorité. Et son âme recèle de magnifiques paysages surnaturels, de grandes étendues, de hautes montagnes ainsi qu'une menace. Un dragon de colère et de destruction...
Sa colère. Son autodestruction.
Le combat contre la Bête est épique, et graphiquement très réussi ! Et son dénouement est une leçon indispensable : il faut s'aimer soi-même. Car le dragon, comme tout le reste, est mu par un besoin d'amour et de reconnaissance. Ce n'est que lorsque Misha se retrouve au pied du mur qu'elle le comprend : elle a besoin de s'aimer ! Sinon, sa vie ressemblera à jamais à un combat contre un ennemi plus fort qu'elle...
Je pense que cet album gagne à être diffusé. D'une part parce que le thème de l'histoire peut concerner chacun d'entre nous (certains moments de la vie sont plus difficiles, et peu importe notre caractère, nous avons tous eu un jour des doutes, des craintes), et d'autre part parce que l'écriture de l'auteur est très poétique. En quelques mots, il arrive à planter le décor, à résumer une idée, une situation... La conclusion qu'il nous offre est surprenante : cette ombre, bien que menaçante, était un rempart que Misha dressait contre le monde extérieur. Et maintenant qu'elle l'a abattu, « la vie et les autres l'attendent dehors ».
Cet album est ma première rencontre avec
Timothée de Fombelle, et il me donne envie de lire ses autres livres. Je suis également surprise de constater qu'Éloïse Scherrer est une très jeune illustratrice dont
La Bulle est la première oeuvre. Au vu de sa maîtrise des couleurs et des graphismes, je lui aurait prêté une plus longue expérience.