En refermant ce livre je n'ai toujours pas su dire si je l'avais beaucoup aimé, ou juste aimé. Oui je sais, c'est bizarre et ça m'arrive très très rarement mais voilà, ce livre m'a fait cet effet.
Je crois que je n'ai jamais vraiment basculé dans le conte de fées justement. Je suis toujours resté à la frontière, en partie par la construction de l'histoire et par la juxtaposition des deux mondes (celui réel et celui du conte). le livre montre la cohabitation de deux univers mais du coup il ne nous montre pas assez de l'un ou de l'autre. Je suis resté frustré de ne pas approfondir plus en détails les deux univers : dans le réel le temps passe trop vite et les événements sont couverts de façon trop superficielle, dans le conte de fées il nous manque pleins d'informations ou de moments pour profiter vraiment de l'ambiance. Dans les deux cas, il manque des pages pour s'imprégner plus encore. Je l'ai déjà dit dans d'autres critiques, je n'aime pas les livres qui veulent couvrir plusieurs décennies en survolant les faits. Dans
le Livre de Perle c'est encore le cas, tout va trop vite.
Mon autre frustration vient de la mise en abyme du livre. Là aussi j'ai toujours eu du mal avec ces livres qui sont intégrés à l'histoire et dans lesquels les écrivains sont des personnages finalement. J'y arrive pas, décidément. Ca créé une distance et je n'arrive pas à m'identifier au personnage.
En même temps, malgré toutes ces mises à distance, j'ai beaucoup aimé le fond de l'histoire, qu'il s'agisse de l'intrigue du contes de fées ou bien de l'intrigue qui nous fait suivre la vie de Joshua Perle (mêmes si les deux sont mêlées, bien sûr). L'histoire d'amour est belle et merveilleuse. L'idée qu'il fallait sortir ce livre pour briser le sort est intéressante aussi, tout comme la dernière scène à Venise, dans une sorte de théâtre et de jeu d'ombres qui m'a rappelé le livre de Caldéron, La vie est un songe. Peut-être y'a-t-il plus de merveilleux et de contes de fées dans nos vies que nous ne le pensons ? le livre fait réfléchir sur tout ça aussi, sur l'imaginaire.
En ce qui concerne l'écriture de Fombelle, il n'y a rien à dire, comme d'habitude. C'est poétique, ciselé, travaillé et envoûtant. On est vraiment embarqué dans l'univers merveilleux ou même dans la vie palpitante de Joshua (c'est pour cela que c'est d'autant plus frustrant de ne pas profiter plus des deux univers). Dans la vie de Joshua, pendant la seconde guerre mondiale, on retrouve un peu de ce goût de l'aventure qu'on avait adoré dans Vango. J'ai un peu moins aimé l'écriture plus moderne, plus "prosaïque" et un peu trop contemporaine de la fin, lorsque l'auteur raconte sa vie d'adulte et sa nouvelle rencontre avec Olia (le bal des pompiers, la rencontre avec les trois étudiantes...) : j'ai trouvé ce passage trop froid, et j'ai dû m'éloigner de l'histoire à ce moment aussi. Pour moi on est plus à ce moment là dans une histoire, c'est trop terre à terre, le merveilleux et l'aventure ont disparu.
Au final c'est ce que je reprocherai au livre : l'histoire dans son ensemble est passionnante, belle et originale mais on a parfois du mal à y entrer justement et à en profiter pleinement. On voudrait profiter plus pleinement de l'histoire et je crois (même s'il y a aussi des côtés positifs à la mise en abyme de l'histoire) que finalement toute cette partie du livre dans laquelle l'auteur veut raconter l'histoire de Perle et Olia à travers son récit pour délivrer les amoureux est en trop et nous détache trop finalement.
Oui, voilà, après la rédaction de cette critique j'ai enfin compris mon sentiment à la suite du livre : j'ai adoré l'histoire de ces deux amants séparés, l'histoire du conte de fées, l'histoire des valises pour contenir tous les morceaux de contes retrouvés dans la vie réelle, l'histoire de ce personnage (comme Vango), attachant et gentil qui traverse les grands moments historiques, mais j'aurais aimé que l'histoire soit racontée telle quelle sans le recours à ce narrateur qui doit raconter l'histoire et qui est un personnage dans le livre. L'histoire seule suffisait et m'aurait alors beaucoup plus bouleversé je pense.