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Citations sur Dans ma peau (20)

je veille à leurs côtés, je veille ces hommes, mes frères d’outre-monde. Je veille les lâches, les traîtres, les meurtriers, les héros, les saints, tous les Flaubert, Schiele, Dickens avortés. Tous furent petits garçons ; tous ont aimé et furent aimés ; tous avaient un prénom, un surnom ou un sobriquet dont ils ne voulaient pas. Tous ont été passés à la moulinette de la guerre totale, celle qui arrache aux familles les plus jeunes, les plus forts et les plus beaux pour les jeter dans le fracas de l’acier qui déchiquette en éclats et en mitraille. Ceux qui en reviennent sont plus vieux, plus faibles et plus laids. Car nul n’a jamais, jamais gagné la guerre.
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Je songe à ce qu’il va falloir entreprendre pour occuper mon oisiveté : me remettre au latin, à la grammaire ; écrire ; vivre sans autre stress que de n’avoir rien à faire, en polissant ma culture classique à la française. Il me faudra me contraindre à l’exercice physique pour ne pas laisser l’invalidité me gagner tout entier. Je serai inopérant et inactif, certes, mais je veux exprimer tout ce dont je suis capable. J’ai bon nombre de talents. Oui, j’ai bon nombre de talents, et je vais pouvoir les cultiver sans compter mon temps. La plume me portera et elle me fera tomber tous les masques, elle me fera découvrir l’immensité des mondes insoupçonnés qui dorment au fond de moi. Je veux être un pont entre deux rives qu’un siècle sépare, sans pour autant avoir la suffisance de me croire au-dessus de ceux qui n’ont pas l’incommodité de mes maux ni les avantages de ma fonction. Je ne cherche pas à construire une œuvre, ni à faire de la littérature. Je cherche à exister autrement qu’assis derrière un bureau, et je veux m’envisager autrement que seul, chez moi, à pleurer sur mon sort.
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Mon corps est un carcan ; je suis prisonnier d'une gangue de chairs et d'os. Je bataille pour marcher, pour parler, pour écrire, pour mouvoir des muscles qui m'écharpent à chaque moment. Mon esprit ressasse d'identiques rengaines ; je ne vois plus les sourires de mes enfants, ni les tendres regards de celle que j'aime ; je ne vois que mes mains qui tremblent, mes bras qui peinent à amener la nourriture à la bouche et mes jambes qui ploient sous le poids d'un corps devenu trop lourd. Je ne suis plus qu'un homme mal assis qui songe sans fin, et si j'ai aimé ce corps, je le hais à présent. Nous cohabitons désormais et il a le dernier mot en tout ; je ne me suis résolu à cette idée que contraint.

Non, aucun accident, aucune violence n'est à l'origine d'un tel état ; ce n'est qu'une intime cruauté dont je suis à la fois l'initiateur et l'objet. L'origine de cette torture égocentrique demeure un secret inviolable. J'aurais tant aimé pouvoir mettre un nom sur cette douleur, mais le mal dont je souffre n'en a pas. Il fait partie de l'immense famille des maladies orphelines, des syndromes systémiques, des maladies auto-immunes, des connectivites et des troubles « sans étiologie ». Il est un mystère, et aucun médecin ne saura me dire quelle forme prendra l'échéance finale, ni à quel horizon se feront connaître les termes de ce départ redouté, si tant est que ce mal m'y conduise. Alors, je surveille les signes de ma lente dégradation, en essayant de ne pas déchoir, de ne pas accepter un « laisser-faire » qui hâterait le processus.
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J'aimerais pouvoir écrire qu'il y a des moments de bonheur. Oui, il y a des moments de bonheur. Ils sont simples, purs et ils éclairent d'une lumière si intense qu'elle m'éblouit dans ma pénombre. Leur chaleur me réconforte, et ils sont un baume sur mon coeur. J'ai cherché trop longtemps un bonheur absolu qui ne m'aurait plus quitté et qui aurait puisé dans la source inextinguible d'un moi sublime, parfait, enfin taillé à la mesure de mes attentes. A trop chercher, je me suis épuisé et le mal m'a frappé alors que j'étais faible, à peine remis d'une désillusion qui avait le goût d'un immense gâchis. Je sortais avec peine de l'adolescence à trente-cinq ans
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L'esprit tente de dominer le corps, même si le corps promet de prendre sa revanche.
Cette bataille imbécile mène aux portes de la folie; soi-même se parcellise, devient deux, trois, puis quatre; l'esprit, le corps, les mains, l'intestin, le diaphragme; on a peur, on geint, on tâtonne, on suinte, on respire mal.
Il faut rassembler toutes ses parties éparses, en acceptant que la souffrance prenne toutes les formes et qu'elle est soi comme le sont la faim, l'envie, l'odorat et le toucher, la peur et l'angoisse.
Apprendre que l'on est aussi dans ce que l'on ne connaît pas de soi-même, et que cette part intime et inconnue saura se faire entendre sans que l'on comprenne les motivations de cette intervention plaintive.
Je dois résister à toutes les offensives que lance mon corps contre lui-même, combat harassant dont nulle part ne sort vainqueur. "Je me grignote", pour parodier Joffre. Oui, je me grignote; et c'est moi contre moi. Je suis un champ de batailles, de batailles perdues. p.58
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On ne discute pas à l'étang, on laisse passer le temps, on le savoure qu'il pleuve ou qu'il cuise, on laisse couler les secondes et l'on ne pense plus. On se sent proche de soi, loin des autres, presque vrai.
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...Qui me voit sans connaître de quoi je souffre ne peut comprendre l'étendue du mal...
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...Mon corps est un carcan ; je suis prisonnier d'une gangue de chairs et d'os. Je bataille pour marcher, pour parler, pour écrire, pour mouvoir des muscles qui m'écharpent à chaque moment. Mon esprit ressasse d'identiques rengaines ; je ne vois plus les sourires de mes enfants, ni les tendres regards de celle que j'aime ; je ne vois que mes mains qui tremblent, mes bras qui peinent à amener la nourriture à la bouche et mes jambes qui ploient sous le poids d'un corps devenu trop lourd. Je ne suis plus qu'un homme mal assis qui songe sans fin, et si j'ai aimé ce corps, je le hais à présent. Nous cohabitons désormais et il a le dernier mot en tout ; je ne me suis résolu à cette idée que contraint....
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Nous n'avons rien de commun, vous et moi, avec eux. Ils ne sont pas des héros, ils ne sont pas des lâches, ils sont des citoyens d'un autre temps dans un autre monde.
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J'ai été, durant trois heures, étranger à moi-même, tentant de tenir à distance ce corps hurlant.
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