« Tshinanu » est une suite de courts textes parus dans Granta#141 de l'automne 2017 sur le Canada. C'est en reprenant quelques textes que j'ai retrouvé ce texte de
Naomi Fontaine, ce qui m'a fait découvrir son dernier ouvrage «
Shuni » (2019, Mémoires d'Encrier, 160 p.), mais surtout sensibilisé à cette culture Innue du nord du Québec.
Tout d'abord « Tshinanu », mot innu qui signifie « Nous autres, ensemble », ce qui est déjà très significatif. Non pas que je parle couramment innu (mais on trouve un intéressant lexique sur un site (https://ici.radio-canada.ca/sujet/langue-innue) de Radio-Canada (pouvant servir pour les options au bac). Mais il faut se dépêcher, il n'y a que 11000 locuteurs. Tshinanu, c'est le mot fétiche de Stanley Vollant, élevé à Pessamit, sur le Saint Laurent au sud-ouest de Baie Comeau, dans la réserve Innue jusqu'à l'âge de 12, puis il part à Québec et devient chirurgien célèbre.
C'est une succession de sept textes sur environ 7 pages. Cela commence avec un voyage en train et un semblant de discussion entre une vieille personne et la narratrice, 11 ans. « Tu es assis en face de moi. Tu regardes la forêt défiler. Tu es vieux. Peut-être un peu trop pour faire ce long trajet d'une journée. Tes séjours dans le bois doivent rester brefs depuis que tes os te font souffrir. Les cheveux blancs, les yeux comme des fentes. La peau brunie par la vieillesse. Les rides sur ton visage, des écorchures ou une histoire. À cet instant, tu me parles, marmonnes une langue lointaine ». non pas incompréhension, mais incommunication. « J'aurais voulu, à cause de ces mots incompris, écrire ta vie. Nimushum, grand-père ».
Retour au village après ce voyage en train. « Ils disent que le retour est le chemin des exilés. Qu'il existe dans la patience d'un homme un aboutissement à s'être mis à part quelque temps. Je n'ai pas choisi de partir. Vingt ans plus tard, je reviens et constate que les choses ont changé ». C'est tout le problème de « Inuu Aimun » (la langue innue). « La langue est le pari risqué d'un peuple. Si elle survit, le peuple survit ».
« Tshinanu, nous ensemble ». « Bien sûr, nous sommes différents. Nous parlons une langue qui vous est étrangère, bifurquons quelquefois vers la vôtre, pour mieux nommer la modernité, l'espace numérique nouvellement créé ».
Magnifiques textes que ceux de
Naomi Fontaine. Parus en français, sa langue d'adoption et d'études quand elle est partie pour Québec et en laquelle elle écrit. Mais il faut reconnaître le travail accompli depuis une vingtaine d'années. Et que ces textes aient été traduits en anglais, puis publiés dans Granta, montrent le chemin parcouru pour la défense de la culture même de ce peuple Innu. « C'est une langue qui raconte une histoire ».