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Citations sur Grandir (33)

L'arbre que tu plantes dans ton jardin. Pour toi ce ne va être qu'une galère de tuteurs. Mais un jour, pour d'autres, l'acacia s'élèvera dans le ciel, où tu seras déjà, et il fera de l'ombre à ceux de ton sang, et toi tu n'en feras plus à personne. Tu ne seras que lumière pour ceux qui se souviennent. Une soirée d'été, quelqu'un de ta descendance sera là sous cet arbre, à humer la douceur. Ce petit-fils, cet arrière-petit-cousin, cette arrière-arrière-petite-nièce, qui que ce soit, il ne pensera plus à ses déceptions. Au contraire, il se sentira accueilli dans une plénitude, sous l'arbre muet la nuit. Alors il se dira: "D'où vient tout cet amour?" (page 145)
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Ces temps-ci, quand je pense à ce que j'essaie de sauver, je ressens un tel besoin d'aide que ça me fait trembler. Aider quelqu'un, je le sais maintenant, c'est avoir aussitôt soi-même besoin de secours. Et ces jours, je bois toute sympathie comme un buvard, et la moindre bonté me fait l'effet de l'amour. Jamais je n'ai eu autant la conscience des autres, moi qui ai fondé ma vie sur la liberté. J'ai depuis peu des idées nouvelles, par exemple sur ce que ça veut dire « être présent ». Je pense sans cesse qu'un jour moi aussi je serai âgée, moi aussi je pas- serai un cap et je devrai m'en remettre à la bienveillance d'autrui. Lorsque ce jour viendra, qui dans ce monde pourra faire pour moi ce que je fais pour ma mère ? Qui sera présent? Qui me soutiendra quand, à mon tour, je serai une personne vulnérable? Et est-ce que je me tuerai un jour, pour cause de ce manque d'amour très particulier qui est le manque d'aide ?
Je la regarde, cette mère épuisée de quatre-vingt-six ans, après que je l'ai couverte d'affection, de jonquilles pour sa maison, de soins, de paroles réconfortantes, d'une nouvelle robe, d'une galette des Rois, de bonbons au gingembre, de plaisanteries sur le cours des choses, de récits enjolivés de mon quotidien, de foi certaine dans le fait qu'à notre époque les gens vivent si longtemps qu'on ne peut plus dire, et qu'au bout du compte on ne peut plus donner aucune norme, je lui affirme qu'elle a meilleure mine, je la regarde, oui, et devant son insouciance retrouvée, la blague qu'elle a de nouveau la malice de faire, je me dis: " Encore un effort, et elle ne mourra pas."
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C'est alors que, d'une voix où ne pointait aucune ironie, aucun dédain,aucun ascendant, aucune cruauté, elle me fit cette remarque : " je te demanderais de te jeter par la fenêtre, tu le ferais." On sait comment ça se passe, parfois on a l'instinct de tout prendre mal, c'est dans l'enfant en nous. Je ne sais pas pourquoi, j'ai eu la force d'entendre qu'elle ne voulait pas m'agresser, qu'elle essayait de me dire autre chose, de constructif, quelque chose que je n'avais jamais voulu accueillir en moi. Et moi : " bien sûr que je le ferais, si tu me le demandais, ça voudrait dire qu'on serait au rez-de-chaussée...." J'eus son sourire céleste en hommage à ma maturité. Et je vis - je le jure- la paix tomber sur moi, la première main chaude de mon existence. La guerre que j'avais faite aux autres était terminée.
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Non. Ce n'est pas pareil. L'enfant, vois-tu, ton projet c'est de le sortir de la dépendance. C'est plus qu'un projet, c'est une mission. Et attends, c'est plus qu'une mission, c'est l'avenir. Un enfant, c'est quelqu'un qu'on rend indépendant. Il te quittera, pour vivre. Il a des chances de vivre, même s'il est malade, même s'il s'en sort mal. Tu peux y croire. Jusqu'au bout, tu peux penser que s'il guérit, il est sauvé, que s'il a son bac, il est sauvé, que s'il sait se lier, il est sauvé. Alors que ta maman, où tu l'emmènes ? L'indépendance à venir, ce sera la tienne. Jusqu'au bout c'est toi l'enfant que ta mère autonomise. C'est elle, la mère. Laisse-toi chambouler, parce que, mon amie, ce qu'elle est en train de parfaire, c'est ton éducation.
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"Maintenant qu'elle oublie tant de choses, elle peut savourer les joies de l'improviste. Je dis que je viens, et puis je viens, mais elle, elle avait oublié que je venais, et pour un peu elle m'applaudirait. Chaque visite est un coup de foudre. Chaque personne, une rencontre nouvelle. Chaque biscuit salé, un met à tester. La manière dont une fleur s'ouvre: du jamais vu. La manière dont le soleil lui lèche les pieds : un miracle."(...) Bien sûr son insouciance ne vaut que par mes responsabilités accrues, c'est moi qui dois penser aux détails et à l'évidence, je l'accepte. Elle m'a fait ce cadeau quand j'étais enfant, de me délivrer du poids du quotidien. Les frites délicieuses arrivent par miracle."
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J'ai donné ce que je voudrais recevoir. Tout vient de moi, rien ne viendra jamais pour moi.
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J'ai depuis peu des idées nouvelles, par exemple sur ce que ça veut dire "être présent". je pense sans cesse qu'un jour moi aussi je serai âgée, moi aussi je passerai un cap et je devrai m'en remettre à la bienveillance d'autrui. Lorsque ce jour viendra, qui dans ce monde pourra faire pour moi ce que je fais pour ma mère ? qui sera présent ? Qui me soutiendra quand, à mon tour, je serai une personne vulnérable ? Est-ce que je me tuerai un jour, pour cause de ce manque d'amour très particulier qui est le manque d'aide ? (p.9)
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"Comment tu fais pour manger ça?" elle me demande. Je réponds que je croque. "Ah oui, croquer..." Voilà encore un de ces anodins parcours de jeunesse qu'elle ne fera plus. Elle ajoute, bien face à moi comme pour toutes ses communications officielles: "Croquer la vie à pleines dents..." (page 127)
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Il y a l'âge où l'on peut partir. Où une semaine d'absence vaut pour un jour. Où on affirme que ça ne vaut pas la peine de partir si c'est pour une semaine. Où on joue avec les ponts, les fêtes nationales. Où chaque date fériée est un temps bourré de possibilités.
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Maintenant qu'elle oublie tant de choses, elle peut savourer les joies de l'improviste. Je dis que je viens, et puis je viens, mais elle, elle avait oublié que je venais, et pour un peu elle m'applaudirait. Chaque visite est un coup de foudre. Chaque personne, une rencontre nouvelle. Chaque biscuit salé, un mets à tester. La manière dont une fleur s'ouvre : du jamais- vu. La manière dont le soleil lui lèche les pieds: un miracle. « Tu trouves pas quand même absolument fabuleux d'en connaître un peu moins? » elle me dit. Mais qui est ce génie qui m'enseigne la vie? J'en arrive à penser que seule l'immobilité donne des ailes aux humains. À voir les autres tant s'agiter et ne rien comprendre. Bien sûr, son insouciance ne vaut que par mes responsabilités accrues, c'est moi qui dois penser aux détails et à l'évidence. Je l'accepte. Elle m'a fait ce cadeau quand j'étais enfant, de me délivrer du poids du quotidien. Les frites délicieuses arrivaient par miracle. À Noël, le cadeau onéreux dont je rêvais sans grande illusion car j'en connaissais le prix, il arrivait lui aussi. Si je voulais seller mon lit pour en faire un alezan, elle procurait du cuir. Elle aurait procuré de l'avoine si ça avait pu faire mon bonheur. Et même le cheval entier si elle avait eu l'argent. Oui, elle a fait de mon enfance une vraie enfance. Je peux bien rendre, à présent.
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