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Critique de JIEMDE


JIEMDE
13 décembre 2021
Rien à déclarer

On reproche parfois aux auteurs américains contemporains de ne plus mettre en scène que l'Amérique des laissés pour compte et des oubliés du rêve. Ça n'est pas totalement vrai. En tout cas, pas de ça chez Richard Ford dans Rien à déclarer, traduit par Josée Kamoun. Ses protagonistes sont plutôt aisés et en deuxième partie de vie. Ce qui ne les rend pas plus heureux pour autant…

Car dans ces dix nouvelles hors du temps, ils sont seuls. Ou parfois mal accompagnés. Donc seuls. Séparés, divorcés, veufs. Ou remariés. Et parfois re-séparés. Dix textes qui ne sont pas des histoires mais des fulgurances, des instantanés, dévoilés comme dans une longue vue publique et refermés toujours trop vite une fois le temps du crédit dépassé.

Des points de bascule face au constat de la solitude donc, et des regards hésitants : un coup derrière, nostalgique ; un autre devant, naïvement opportuniste. Et au milieu de tout ça, il y a vous, il y a moi, lecteur à la fois sous le charme d'une telle écriture, et voyeur presque gêné de pénétrer autant d'intimité.

En Irlande, aux USA, au Canada, à Paris ou à La Nouvelle Orléans, Ford nous raconte « ce que c'est que d'être lié, à fond, à vie ». Lié à sa terre pour certains, condamnés au dilemme continu qui les ramène à leurs racines patrimoniales ou d'adoption. Lié à l'autre, qui n'est plus, et dont on ne sait pas s'il faut le renouveler, le réanimer ou le réinventer.

Retrouvailles avec un amour passé ; cérémonie mémorielle arrosée et nostalgique de soixantenaires après la mort de l'un d'entre eux ; opportunités ouvertes le temps d'une traversée en ferry ; retrouvailles joyeuses mais manquées ; lieux du souvenir et de l'absence ; soirée électorale qui tourne mal ; tentation du départ ; nuit de liberté et d'apaisement ; apprentissage de l'autre…

Ford s'appuie sur la banalité des scènes de quotidiens qu'un petit événement vient un instant – juste un instant – bousculer. Avant que la vie reprenne. Alors bien sûr, il faut aimer le rythme incroyablement lent, lent comme ces vies en suspens dont la digression permanente devient distraction. Mais c'est surtout incroyablement beau, surtout lu en prenant son temps comme je l'ai fait au rythme d'un texte chaque jour. Comme pour faire durer le plaisir…
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