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3,6

sur 160 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
500 pages pour un week-end de Pâques ? Et de plus pour un week-end aux relents de ratage (suicide d'un ami, brouille avec l'ex, et coup de poing final pour une histoire qui commençait ...)

C'est qu'il s'en pose des questions, Franck Bascombe, journaliste sportif, et que ces interrogations font surgir réflexions, regrets et remords qu'il ne manque pas de nous livrer. Et ce type ordinairement banal ou banalement ordinaire, qui affirme que tout un chacun pourrait être un autre, que personne n'est irremplaçable, surfe sur ce créneau pour nous séduire, nous, lecteurs.
On a aux antipodes d'un polar, la narration se déroule lentement, au fil des confidences. Pas d'action, hormis un direct dans les gencives, mais beaucoup d'échanges, de dialogues, de réflexion.

Ce qui est normal compte tenu de ce qu'il traverse : déboussolé après un mariage qui n'a pas survécu au drame familial du décès de son fils aîné ("l'existence et la mort de Ralph servent de ponctuation et d'explication à ma vie"), il poursuit une quête erratique et sans illusions de relations amoureuses. le seul point d'accroche qui maintienne l'homme debout est son travail de journaliste sportif, qui lui convient, après avoir renoncé au mirage d'être un écrivain, et tenté sans y croire un instant d'enseigner la littérature à l'université (pas longtemps : il découvre rapidement qu'il était " autant fait pour l'enseignement qu'un canard pour le patin à glace").

C'est donc un récit intimiste, au cours duquel le personnage livre à bâtons rompus son mal-être, avec une certaine lucidité et malgré tout de l'humour et de l'autodérision. Il donne cette impression de se regarder vivre et agir avec détachement, d'un air assez goguenard, tout en pointant les travers de la société américaine des années Reagan, et le naufrage personnel de Franck renvoie à une désillusion plus globale, à la fin du rêve américain.

"Franck, pensez-vous que ce soit trop dérisoire pour remplir une vie? Travailler à un péage, élever une famille, retaper une vieille voiture comme celle ci , faire des virées sur l'océan avec son fils pour pêcher le flétan ? Peut-être aimer sa femme?"

C'est donc un récit empreint d'une certaine mélancolie, assez fataliste, mais sans pleurnicherie, les confessions d'un gars qui s'est fait une raison sans pour autant renoncer définitivement à quoi que ce soit.

Pour avoir parcouru dans le désordre ce cycle Franck Bascombe, il m' apparaît clairement que la maturité le bonifie, lui redonne du relief et le rend encore plus sympa.

Challenge Babelio pavés 2016-2017
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Si la lenteur et la passivité vous rebute, passez votre chemin. Car « un week-end dans le Michigan » est un long monologue de Franck Bascombe (présent aussi dans le remarquable « Indépendance »). Un arrêt sur image sur sa vie et plus largement sur celle d'un pays dans les années Reagan. Bascombe est journaliste sportif, il se rend dans le Michigan accompagné de sa petite amie pour interviewer un athlète. Divorcé, il a aussi perdu un fils et n'attend franchement plus grand chose de la vie. On a le sentiment que Bascombe est devenu spectateur de son existence subissant bonheur et malheur sans aucune réactivité, il marche sur le bord de la falaise mais reste finalement du bon côté. le constat est amer, fataliste comme si son anti héros accordaient ses sentiments aux évènements de sa vie. Entre road movie et flash back, Ford dissèque la nature humaine avec une ironie positive et un regard désabusé.
L'écriture de Ford est une nouvelle fois un bijou de finesse, d'intelligence. On suit les pérégrinations de Bascombe avec un plaisir certain. Prenez votre temps, et passez votre week-end avec Ford et son personnage attachant, car c'est un très bon roman.
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Franck Bascombe est un journaliste sportif de presque trente-neuf ans, qui habite dans le New Jersey. Il est divorcé et père de deux enfants, Paul et Clarissa, et ce qu'il aime par dessus tout, ce sont les femmes, d'où la raison de son divorce avec X. Mais une grande tragédie leur est également arrivée à tous deux, celle de la perte d'un enfant, Ralph, âgé de neuf ans, qui est mort dans d'atroces souffrances. Comment peut-on se remettre d'un tel drame en tant que parents ? Je l'ignore mais ce que je sais, c'est qu'il faut pourtant continuer à vivre, du moins pour ceux qui restent. Avant de devenir journaliste sportif, Franck était avant tout un écrivain. Il ne s'est engagé dans cette voie que plus tard, sans vraiment trop savoir pourquoi. Il entretient de bonne relations avec son ex-femme et n'habitent d'ailleurs tous deux qu'à quelques rues d'écart
Dans cette ouvrage, il est beaucoup question d'amour, celui que Franck a vécu un temps avec Vicky, mais aussi d'amitié, et notamment celle qu'il entretînt avec un Walter, un homme divorcé lui aussi et qui s'est beaucoup livré à lui, jusqu'à ce que la vie lui devienne insupportable...

Un roman toujours aussi bien écrit (j'ai découvert Richard Ford il n'y a pas longtemps) mais j'ai été moins emballé que la première fois car j'ai trouvé qu'il y avait parfois des longueurs, ce qui est apparemment propre au style de l'auteur. En effet, sur les cinq cents pages de cet ouvrage ne s'écoulent que quelques jours et pourtant le lecteur a l'impression qu'il s'écoule une vie, ceci grâce aux nombreux flash-back que le narrateur inclut dans son récit.
Malgré ces quelques longueurs, je dirais que cet ouvrage reste tout de même un très bon livre, un hymne à la vie et qui inclut par moments des leçons de vie dont nous devrions tous nous rappeler. A découvrir !

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Vendredi saint, à l'aube.
Frank Bascombe et son ex-femme se rendent sur la tombe de leur fils.
Ainsi commence ce roman aussi contemplatif qu'introspectif.
Franck Bascombe, le temps d'un week-end, nous emmène au coeur de ses pensées, de ses regrets, cachant peu habilement une mélancolie derrière un fatalisme de façade.
Le roman aurait pu aussi s'intituler « petits arrangements avec le destin ».
Mais c'est le titre original qui décrit le mieux ce personnage complexe et attachant : « The Sportwritter ». Frank Bascombe est journaliste sportif. Il a renoncé par la force des choses à une carrière d'écrivain qui s'est enfuie devant son manque de talent.
Frank est persuadé que chaque coin de rue, chaque journée, recèlent le potentiel d'une surprise qui viendra changer le cours de sa vie. Et donc, il attend. Il attend que quelque chose se passe, que le but de son existence se révèle. Les échecs de sa vie lui font ressentir un désenchantement dans lequel il se complaît.
Et si les turpitudes de Frank étaient celles de l'Amérique ? Nous sommes dans les années 1980, les stigmates de la guerre du Vietnam sont encore palpables. C'est aussi le plein essor du courant New Age par lequel chacun cherche à dessiner le chemin de vie qui lui convient le mieux.
Avec ce roman, je découvre un grand auteur américain, capable de faire émerger avec une grande subtilité les pensées d'un homme perdu dans un monde dont il refuse de s'approprier les nouveaux codes. Il dresse le portrait d'une Amérique figée alors même qu'elle est en pleine mutation.
Franck Bascombe est un personnage récurrent de l'auteur. J'ai hâte de parcourir à nouveau un bout de chemin avec lui.

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Bon, cela fait un peu plus d'une semaine que le week-end avec Franck Bascombe, dans le Michigan, s'est achevé...Enfin, quand je dis "week-end", pour moi , il a duré beaucoup plus longtemps puisque j'ai mis pas loin d'un mois pour lire ce livre. Une lecture entrecoupée d'autres lectures pour arriver au bout de cette première rencontre sans jeter le livre à l'autre bout de la pièce !

Avec Franck Bascombe, j'ai hésité entre incompréhension et haussement d'épaules, étonnement et compassion, et également, une certaine forme d'impatience à son égard !

Comment cet homme prétend-il régir sa vie ? J'ai compati à son chagrin d'avoir perdu son fils, deuil dont aucun parent ne se remet jamais...mais je ne comprends pas l'homme qui, bien avant d'être seul dans son âme, a quelque peu poignardé l'idée du mariage en ayant plusieurs aventures, en laissant, sans réagir, le divorce détruire cette seule union dont il semble être resté nostalgique. Pas plus que je ne comprends celui qui va passer un séjour à Détroit avec sa nouvelle compagne en la laissant dans la chambre d'hôtel pour aller exercer son métier de journaliste sportif dans un entretien fou et déprimant au possible, retrouver une ville qu'il a connue et aimée sans le partager, le même homme qui occupe son insomnie en fouillant dans le sac de cette même compagne ( et y est pris la main dedans !! ), ni celui qui joue les confidents d'une relation perturbée dans sa vie intime alors que lui-même me semble avoir beaucoup de mal s'y retrouver !

"Un week-end dans le Michigan" m'est apparu comme un "récit d'hommes". Les femmes sont en retrait quand on les nomme encore - l'ex-femme de Franck s'appelle X tout au long du roman !!! -, elles ont l'air indécises, fermées à tout bonheur simple, perdues dans leurs aspirations personnelles...
La progression des heures racontées de ce week-end m'a semblé étrangement longue et j'ai souvent eu envie de bousculer Franck pour qu'il avance, choisisse, décide ou se ressaisisse au lieu de se laisser porter par ses propres sentiments ou le cours des événements.



Mais le pire de tout, c'est qu'une fois la dernière page tournée, je me suis dit que je voulais absolument lire la suite... L'esprit confus et déprimé, qui me surprend tant chez Franck Bascombe, m'aurait-il envahi au point que je ne puisse plus m'éloigner de lui ?

A suivre !

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Franck Bascombe est journaliste sportif, d'un certaine notoriété après voir eu du succès avec un recueil de nouvelles. Il habite dans le New Jersey près de ses enfants et son ex-femme. Il s'apprête à partir pour le Michigan dans le cadre de son travail , avec une sémillante infirmière , elle même divorcée.

Bon , l'action se déroule pendant 479 pages sur deux jours .Pour s'excuser, l'auteur nous résume en 10 pages les 6 mois suivants dans le dernier chapitre !
Il est sympa Franck , même s'il devrait savoir qu'à 39 ans courir 18 lièvres, ou plutôt de levrettes , à la fois risque de se terminer en eau de boudin. Il est sympa, mais il fait beaucoup de digressions , il nous colle une page de description de l'état de ses réflexions entre deux dialogues et finalement moi, il me saoule un peu.
C'est dommage parce que l'on sent bien que ce week-end est un tournant de sa vie qu'il pèse le poids du passé pour se construire un avenir et que les événements qui s'y produisent vont l'inciter au changement.

Certes , la construction de l'évolution des pensées de Franck est brillamment restituée, les personnages sont bien établis mais il y a quand même quelques longueurs fastidieuses, pléonasmes sans doute.
Toujours est il que ce bon Franck ressort ragaillardi de ce livre et qu'il me parait inconcevable de ne pas lire la suite de ces aventures , avec Indépendance.
Enfin , il a beaucoup de chance de faire le deuil de son enfant 4 ans après sa mort. ça paraît grandement utopique ,mais l'on n'est pas tous fait pareil, et surtout quelle signification donne -t-on à "faire son deuil " ?

Une bonne lecture au coin du poêle l'hiver .
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Richard Ford dans toute sa singularité d'écrivain américain : intimiste, introspectif, lucide. Vaguement dépressif et pourtant très américain dans ses valeurs. Statique également, scrutant et disséquant le détail signifiant, capable de décliner un déjeuner sur cinquante pages, et en l'occurrence un week-end dans le Michigan sur 500, au cours desquelles c'est tout un pan de l'Amérique des années 80 qui défile, celle de cette classe moyenne blanche et banlieusarde qui s'accroche vaillamment à ce qu'elle possède encore mais dont certains membres commencent déjà à sombrer.
Autant dire que l'on est loin du modèle scénario trépidant / héros positif ! et je vais me laisser un peu de temps avant d'attaquer la suite de cette trilogie et retrouver Franck Bascombe à une autre période de sa vie. Mais de temps à autre, il fait bon se plonger dans de tels univers contemplatifs qui racontent l'époque en profondeur.
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Franck Bascombe, le personnage principal, entame un long monologue afin de nous conter la façon dont il vit sa vie, dont il ressent les événements, et la façon dont il se lie à autrui. Journaliste sportif, il s'intéresse plus à la façon dont les héros sportifs affrontent les aléas de l'existence plutôt qu'à leurs résultats sportifs et autres statistiques. Franck porte en lui la perte d'un enfant, et cette douleur traverse son récit de part en part. Il est peut être tout simplement à la recherche du bonheur..Ce livre, dont la lenteur est souvent mise en évidence, m'a beaucoup plu justement parce qu'il déploie une réelle intimité avec ce personnage attachant qu'est Franck. On irait bien boire une bière avec lui et causer de choses et d'autres. Franck se sent proche des personnes simples, sans chichis, qui ouvrent leur esprit et parlent vrai, comme Wade avec qui il échange si simplement durant ce fameux week end, le temps d'un repas..J'ai apprécié la lenteur et le regard parfois cynique de l'auteur sur une Amérique des lotissements proprets, et ce que cela peut cacher d'histoires de vie déroutantes..un humour parfois grinçant parcourt le livre mais tout en douceur..Et l'auteur nous chuchote qu'il y a bien des mystères, et des choses qui doivent rester inexplicables.
Je ne me suis jamais ennuyée, j'ai savouré l'élégance du récit. Les thèmes abordés font forcément écho au lecteur..
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Je me souviens avoir croisé ce livre à plusieurs reprises lors de mes visites dans cette boutique de livres d'occasion. J'aime particulièrement cette édition chez Points. Puis j'ai lu Canada de Richard Ford et j'ai découvert un grand écrivain. Fort heureusement le livre était toujours là à m'attendre sur son étal. Marie-Claude m'a parlé du personnage phare de l'écrivain américain, qu'il a retrouvé quelques années plus tard : Frank Bascombe.

Franck Bascombe est journaliste sportif. Divorcé, il vit seul dans une banlieue cossue de la côté est des Etats-Unis. Pourquoi, après des débuts prometteurs, a-t-il renoncé à l'écriture ? Quel drame a bien pu détruire son mariage ? Les flashs-back qui parsèment ce roman, dont l'action se déroule sur trois jours, apportent des éléments de réponse. Mais aucune de ces explications ne vient à bout du mystère qui enveloppe le narrateur. Après les exploits pyrotechniques de ses débuts, Richard Ford commence ici un nouveau cycle romanesque centré sur l'intimité, le secret, et le deuil d'une jeunesse à jamais perdue.

Belle présentation, il m'aura fallu quelques jours pour écrire ce billet car ce sacré Frank m'a donné du fil à retordre ! J'ai failli laissé tomber ma lecture (je me souviens j'étais à la centième page). Pourquoi ? Parce qu'il m'énervait profondément. Terriblement. Mais fort heureusement le romancier possède un tel talent d'écrivain qu'il est difficile de ne pas se laisser porter par sa fluidité, par son rythme si naturel que j'ai repris ma lecture. Je l'ai lu assez rapidement, et j'étais, je l'avoue, ravie d'être en vacances, sinon j'aurais pas le laisser choir sur une étagère.

En préparant ce billet, je tombe sur cette présentation de l'éditeur (L'Olivier) qui annonce : « En écrivant ce livre, Richard Ford renouait avec une veine brillamment illustrée par Saul Bellow et John Updike : une tradition d'analyse caustique et parfois comique de la bourgeoisie aisée, de ses travers, et de ses rites désuets qui comblent avec peine le vide pathétique d'existences vouées à la monotonie. ».

Et là, je comprends mieux, enfin disons que je suis plus indulgente. Parce que Frank ne m'a pas séduite, absolument pas. L'homme était marié, trois enfants, une jolie maison dans un quartier bourgeois du New-Jersey et un job de journaliste sportif qui lui convenait. Puis son fils ainé est décédé et deux ans plus tard, sa femme le quitte. Il refuse de lier l'un à l'autre car elle découvre les lettres d'une autre femme dans leurs affaires après un cambriolage. Frank s'inscrit dans un club de divorcés, puis continue de voyager, il rencontre une jeune femme Vicky dont il se dit amoureux et doit aller rencontrer sa famille en ce week-end pascal. le matin même, il va se recueillir sur la tombe de son fils avec son ex-femme, dont on ne connaître jamais le prénom, un X qui m'a, je l'avoue, assez embêté. Elle n'a donc pas d'existence reconnue. La mère de ses enfants, qu'il aime profondément, nous confie-t-il mais qu'il a trompé « juste 18 fois » pendant son mariage. Bref, un homme, me direz-vous (ah les préjugés sont tenaces !). Il l'aime, comme il aime sa mère.

Frank Bascombe est bourré de préjugés, c'est un homme de son temps, me direz-vous. Nous sommes au début des années 80, Reagan est au pouvoir. Mais, moi j'ai cru que nous étions en 1970 au vu des propos qu'il tient sur les personnes noires, les Italiens (flics ou mafieux), ainsi les citoyens noirs sont souvent domestiques mais « enfin propriétaires de leurs maisons » (en 1983….), ils sont menaçants, que ce soit sur un terrain de football ou dans une ruelle à Détroit. Frank Bascombe est un petit bourgeois blanc, un WASP comme l'Amérique en a tant porté. Il est pétri d'idées qui me font grincer, je l'avoue. Impossible pour moi donc de succomber à son charme comme cette midinette à la fin du roman. Qu'à-t-il donc à offrir ? Ce fut, je pense mon gros problème avec ce roman. Mais je n'ai pas pu le lâcher, j'avoue, j'ai eu une grande bouffée d'air frais lorsqu'il part chez les parents de Vicky, et que le romancier laisse moins parler Frank et s'intéresse à d'autres personnages, comme lorsqu'il va interviewer Herb, cet ancien joueur de footballeur handicapé. Tout était bon à prendre pour sortir du discours si égocentrique du personnage.

J'ai été également rassuré par l'évolution du personnage, dont les contradictions entre son comportement et ses discours (principes) sont tellement énormes qu'elles m'avaient presque fait fuir au début du récit. Ainsi, Frank tourne-t-il à toute vitesse les pages de son enfance (doit-on rappeler que son père est décédé alors qu'il avait 14 ans, sa mère quand il était étudiant, et qu'il a été envoyé dans une école militaire). Mais il dit qu'il n'en a aucun souvenir. Bascombe ne croit pas au passé mais il ne cessera par la suite de nous bassiner avec. Comme pour carrière d'écrivain avortée. Il explique très vite avoir embrassé la carrière de journaliste sportif avec entrain et toujours aimer son métier. Il a remisé son projet de roman au grenier, incapable, l'avoue-t-il, de se projeter dans un roman (on le comprend mieux quand on découvre son caractère) et pourtant, tout au long du roman, Bascombe ne cesse de revenir sur ces évènements. Tout au long de ces 491 pages, l'homme qui ne croit pas au passé, ne fait que ruminer sur son passé (et le jour où X découvre le pot aux roses). Ce monologue intérieur m'aura parfois profondément ennuyé (comme son histoire avec Vicky). Les passages les plus touchants restent ceux où il parle de son fils décédé et lorsqu'il papote avec son fils Paul. Moments trop rares, malheureusement.

Autre exemple : il vante au début la vie parfaite dans cette petite ville banlieusarde du New-Jersey (il descend en flèches le Colorado, la Californie ou la Nouvelle-Orléans), mais fort heureusement à la fin, la réalité le rattrape : on y déprime à fond dans sa petite ville. le talent de Ford c'est évidemment la puissance des mots :

Il n'y a rien de plus encourageant que de savoir que, quelque part, une femme que vous aimez ne pense qu'à vous. A l'inverse, rien n'est plus déprimant que de savoir qu'aucune femme ne pense à vous nulle part. Ou pis encore : qu'à cause d'une bêtise, on a quitté cette femme qui vous aimait. C'est comme regarder par le hublot d'un avion et découvrir que la terre a disparu. Aucune solitude n'est plus douloureuse que celle-là. Et le New Jersey, discret et feutré, est le paysage idéal de cette solitude-là, malgré tous ses autres agréments. le Michigan le talonne, avec ses immensités tristes, ses couchers de soleil désolés au-dessus des maisons trapues, ses forêts de reboisement, ses autoroutes plates, ses villes sinistres comme Dowagiac ou Munising. Mais le Michigan ne surpasse pas le New Jersey, qui détient le record absolu de la solitude la plus pure.

Depuis, je comprends mieux que le personnage de Bascombe, créé par Ford, est à l'image de l'Amérique de cette époque : cynique et fortement désabusé. L'homme traverse une crise existentielle, on lui a promis le bonheur à travers des choses simples : la voiture, la maison et la famille. Mais la réalité est tout autre, la tragédie a frappé, sa femme l'a quitté et Frank ne croit plus en ses chroniques sportives.

Ford y insère quelques touches d'humour (souvent noir), bienvenues comme le personnage de Walter qui va mettre à mal les perceptions de Bascombe. Malgré ce choc, l'homme reste fidèle à lui-même. Ainsi lorsqu'il rentre précipitamment chez lui pour identifier la victime, Bascombe le dit : cet évènement lui a fait prendre conscience de ses responsabilités, envers sa famille, ses enfants (il lui en reste 2 , peu présents dans le roman, enfin la fille, citée une seule fois). Ne dit-il pas à plusieurs reprises qu'il compte passer l'été au Lac Erié avec eux ?

Et bien non, ce cher Frank, toujours aussi centré sur sa petite personne, prend donc ses responsabilités .. en allant s'installer seul en Floride. Enfin seul, je relativise, avec les visites de cette petite stagiaire de vingt ans. Tant pis pour les enfants, il en parle furtivement dans un paragraphe, ils s'en remettront. Frank s'est d'ailleurs très bien remis de la mort de ses parents, donc il peut tout à fait disparaitre, ils ne lui en tiendront pas rigueur.

Voilà, ma chronique, le personnage, vous l'aurez compris, m'aura passablement énervé, son monologue intérieur parfois profondément ennuyé mais le talent de Ford est tellement immense qu'il compense grandement ces bémols (tout à fait subjectifs). Il peint un portrait sans fard de l'Amérique de cette époque, de ces petits bourgeois blancs, de ces banlieues (brillamment décrites) qu'il est impossible de ne pas aimer le roman pour cela. Comme pour Limonov, il est clair qu'un roman peut-être réussi même avec un héros imbuvable, il suffit d'avoir le talent de Ford ou de Carrère.

Le deuxième opus de cette trilogie, Indépendance, publié en 1995, lui a valu le Prix Pulitzer, aussi je suis curieuse de le lire. Mais je compte prendre un peu de distance avec Bascombe pendant quelques temps, si vous le voulez bien
Lien : http://www.tombeeduciel.com/..
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Richard Ford nous fait entrer dans la vie de Franck Bascombe, auteur d'une série de nouvelles avant d'abandonner la littérature, pour devenir un journaliste sportif!
Pendant cinq cent pages, et dans le cadre d'un week-end, Richard Ford nous fait vivre les interrogations, les doutes, les analyses, les rencontres de son personnage. Beaucoup de nostalgie vis à vis de X son ex-épouse, car il l'aime toujours, mais X qui pratique le golf à un bon niveau, ne s'en laisse pas compter et défend sa nouvelle indépendance. La mort de leur garçon (l'ainé de la fratrie de trois enfants) à détruit le couple qui ne s'en est pas remis (mais peut-on espérer se remettre d'un tel drame?) .
Les rencontres avec des amis qui n'en sont pas vraiment, avec des femmes amoureuses qui ne ne le sont pas vraiment, l'interview des plus tristes avec un ex-sportif, le suicide d'un membre du club local des divorcés, nous font ressentir le vide de cette vie d'un américain invisible (tel qu'il se qualifie), dans une banlieue banale de Gotham. La banalité généralisée d'une vie ordinaire étalée sur 500 pages!!!
Curieusement après avoir ressenti une longueur et une lenteur un peu éprouvantes, on s'attache au personnage, on ressent de la compassion à son encontre, on espère pour lui!!!
Pas un mot du contexte des USA en 1986 : années Reagan et dérégulation, catastrophe de la navette spatiale... Franck Bascombe vit dans sa bulle et les évènements du monde sont transparents!!!
Mais la graine est plantée et va germer car on a envie d'en savoir davantage et lire les livres suivants devient un projet crédible!!
A bientôt pour Indépendance (Prix Pulitzer)
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