C'est en 2008 que paraissait aux éditions Gallimard ce livre de
Philippe Forest consacré à
Nobuyoshi Araki, donnant ainsi enfin au lecteur francophone le premier véritable essai concernant ce photographe contemporain majeur. le nom de
Nobuyoshi Araki nous est familier, mais sans doute doit-il cette renommée avant tout pour ses images de femmes attachées et suspendues qui n'ont pas fini de faire jaser. Pourtant, rien n'est facile avec Araki, et derrière celui qu'on connaît avant tout pour ces clichés érotiques controversés se dissimule un personnage fantasque qui aura emprunté mille chemins pour s'exprimer.
Accompagné d'une sélection de 31 photographies dont il faut souligner qu'elles expriment au mieux les diverses thématiques explorées par l'artiste, le texte d'Araki enfin, plutôt que d'emprunter la forme d'un long essai tranquille, se présente à nous tel un feu d'artifice par l'adoption une narration volontairement éclatée en de courts paragraphes, celle-ci visant aussi bien dans sa forme que dans son contenu à révéler la richesse interprétative de l'oeuvre d'Araki, ou plus simplement de la vie d'Araki car c'est celle-ci qu'il aura photographiée sans répit. Connaissant à la fois une passion amoureuse et un désir enivré pour Yoko, son épouse, mais aussi le décès précoce de cette dernière, Araki éprouve l'expérience de l'inconstance de la vie dans ses deux facettes les plus fortes, il la condensera dans une formule célèbre : la photographie, c'est l'amour et la mort. La photographie d'Araki, comme l'indique bien sa maxime, aura su aussi bien exprimer la puissance du désir en immortalisant des femmes suspendues dans les airs, donnant l'impression de flotter, que le désespoir d'un homme face au deuil, impuissant et voué à contempler d'un air plaintif le ciel.
Hommage à un artiste au parcours fascinant, Araki enfin est de ces livres intelligents et bien écrits (
Philippe Forest manie une très belle langue ) qui réaffirment que l'intérêt de l'image ne réside pas seulement dans la quête de son sens originel, mais aussi dans sa capacité à être une invention continuelle de sens. Qu'importe qu'une femme attachée par Araki soit le résultat des fantasmes d'un homme, une allusion au monde flottant de l'Ukiyo ou la métaphore désirante des mobiles suspendus de Calder comme le remarque avec malice
Philippe Forest, cette femme est tout cela à la fois et c'est en cela que tient la beauté et la force de la photographie de
Nobuyoshi Araki.
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