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Critique de AnnaDulac


« Est enim magnum chaos » : le chaos, ou plutôt le vide, voilà ce que sont nos vies.
C'est une catastrophe, un scandale insurmontable.
Et depuis la mort de sa petite fille Philippe Forest écrit inlassablement sur cette absurdité. En variant les approches et les points de vue. Sans abandonner.
Les disparitions, minuscules ou majeures, sont, dit-il, la seule réalité tangible.
Et même on peut en douter et « il n'y a rien à ajouter au fond. »
Dans « le Chat de Schrödinger », la disparition d'un chat était au centre d'une méditation sur l'absence-présence.
Dans « Crue », l'expérience de la perte est poussée à son paroxysme, puisque c'est l'eau qui va envahir une ville que l'on croit identifier comme Paris. Mais en est-on certain ?

La Seine peut-être, un quartier « près de l'immense bibliothèque », en mutation, en travaux, une « cité fantôme », « spectrale », à proximité d'un « grand cimetière gris », voilà où revient habiter le narrateur qui signe ce récit présenté comme « un rapport à la première personne. »

Quel narrateur d'ailleurs ? Serait-ce « un écrivain un peu en vue », prêt lui-même à disparaître « si les choses tournent mal », un homme qui a perdu sa petite enfant et qui vient de voir sa mère mourir ? L'auteur lui-même ? Peu importe.
Et un rapport sur quoi ? Sur tous les signes qui annoncent que le monde va disparaître.
Un chat d'abord. Une mère. de vieux immeubles ravagés par un incendie. La voisine du rez-de-chaussée, pianiste et amante du narrateur. le voisin, philosophe un peu fou, féru de théories apocalyptiques et de whisky… le narrateur lui-même « étranger au monde. » Tous sont engloutis, happés par « un puits sans fond » avant que la ville elle-même ne soit submergée par les eaux.
Comme un jeu de dominos, une perte en entraînant une autre…
Perte du récit aussi, des repères narratifs, des codes, de la chronologie. « le passé semble se modifier au gré du présent, tirant de lui sa substance changeante. »
« J'en dis trop, je n'en dis pas assez » scande l'auteur.
Histoire, rapport, parabole (déluge et épidémie), roman policier (car enquête il y a), fable, science-fiction, métaphore géante et parfois convenue ? Un peu tout cela sans aucun doute et bien plus encore.
Et ce n'est pas un hasard si le dernier mot de la dernière page est « crue », du verbe « croire » cette fois…

C'est poignant, dramatique et poétique à la fois. Notre vie quoi. Multiple et si précaire.
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