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EAN : 9782070138975
336 pages
Gallimard (03/01/2013)
3.33/5   66 notes
Résumé :
«Attraper un chat noir dans l'obscurité de la nuit est, dit-on, la chose la plus difficile qui soit. Surtout s'il n'y en a pas.
Je veux dire : surtout s'il n'y a pas de chat dans la nuit où l'on cherche.
Ainsi parle un vieux proverbe chinois à la paternité incertaine. Du Confucius. Paraît-il. J'aurais plutôt pensé à un moine japonais. Ou bien à un humoriste anglais. Ce qui revient à peu près au même.
Je crois comprendre ce que cette phrase signi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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…Vous qui vous apprêtez à lire cet avis, sachez que pour le rédiger, j'ai :

1 - fait l'impasse sur le souper…
2 - du coup, j'ai compromis la paix du ménage…
3 – fait l'impasse également sur la diffusion de « Game of Thrones »…
4 – ce qui rétablit l'intégrité du couple…

…Vous qui vous apprêtez à lire cette avis,

1 – prévoyez un café, une tisane, un verre de vin, une cloppe, un prozac,…
2 – prévoyez un peu de temps car je risque d'être un peu longuet…
3 – sinon passez directement à la conclusion… (Avec ou sans café, tisane, verre de vin…)
4 – excusez moi pour le nombre de citations postées…et encore, ai du me faire violence
5 – prévoyez aussi dans la foulée un éventuel Kleenex…

Par où commencer ?
Comment l'exprimer ?
Comment le partager ?

Jamais livre ne m'a paru au départ aussi étrange, détrônant même « le Mystère de la Patience » de Jostein Gaarder (fabuleux)

Il faut dire que j'ai abordé ce livre en étant complètement vierge :
pas lu d'avis, même pas lu le 4eme de couverture, auteur que je ne connaissais pas, ai juste vu « le Chat de Schrödinger », comme un néon clignotant…souvenir de physique et du chat mort et vivant à la fois, j'achète…un chat dans un sachet si je puis dire…même pas capté qu'il s'agissait d'un roman, non, le titre en lui-même monopolisait mon esprit, comme un mantra.

Etrange et époustouflant moment de lecture et expérience unique ! Presque 2 nuits blanches…et m'est d'avis que cette nuit, ce récit va encore me hanter.et hanter les autres « mois » dans les autres univers parallèles…

Me suis fugitivement demandé si, comme les fabriquant de cigarettes, Gallimard incluait des additifs dans le papier pour rendre l'addiction plus forte. Mais nul besoin d'additifs, le livre se suffit O combien à lui-même.

Il m'a envouté, captivé, hypnotisé, transporté…même si au départ et pendant une bonne partie de la lecture, je ne savais pas dans quelle catégorie classer ce livre, mais cela n'était en soi, nullement important : j'étais bien, en phase, je prenais du plaisir à me laisser emporter-je ne savais pas où j'allais mais je m'en foutais !! Voyage en terre inconnue, goutant avec délicatesse et voracité ce moment de félicité- comme je l'ai dit précédemment, la lecture suffisait à elle même, le style, la gymnastique intellectuelle, les mises en abimes, l'ambiance,…

La Beauté de ce livre…

la Beauté émouvante, celle qu'on ne peut exprimer ou faire comprendre, celle qui prend aux tripes, les yeux embués quand on découvre une oeuvre d'art, la Nature, une étoile filante, un air de musique, que sais je…enfin si je sais, juste pour vous alors, si je puis me permettre, une petite perle de youtube qui me transporte et me fait monter les larmes aux yeux Max de Paolo Conté sur un court métrage en noir et blanc :

http://www.youtube.com/watch?v=i9Bljfo94rs

Et merde, revoilà que je chiale…sorry

Mélange de biographie, de physique quantique, de philosophie, de réflexions, expérience existentielle hors du commun…et puis, d'un coup, tout s'explique, tout se met en place…sauf que, avec le recul, tout est déjà mis en place, depuis longtemps…La Claque !!!! (Ai eu cela avec un excellent film dont je tairais le nom car cela pourrait aussi déflorer ce merveilleux livre)

J'ai encore bien d'autres choses à rajouter mais là aussi, je risque de déflorer l'histoire.

Bref, un style magique, lucide et hermétique, oeuvre au noir, le Solve Coagula de la 15eme lame du tarot, un conte entre folie et réalisme, spirale vertigineuse, une fable existentielle, une parenthèse enchantée, un cheminement doux amer, un livre d'une beauté, d'une sensibilité rare, d'une justesse, une perle, un trésor, un moment de béatitude, limite mystique…une apothéose dont j'ai encore du mal à m'en remettre et à atterrir, une boule toujours coincée dans la gorge, les yeux brouillés.

Coeur et âme marqués au fer rouge…pour toujours et dans toutes les réalités.

Maintenant, je pense que ce livre risque de partager:soit ça passe et on adhêre à 100%, soit ça casse et il est grillé...bref, il ne laissera pas indifférent...à suivre donc.

En tout cas,mon coup de coeur 2013, celui qui éjecte mon grand copain Mickey des livres pour une ile déserte…sauf si les Démiurges de Babelio décident d'augmenter la taille du sac de voyage…avec la miniaturisation, pourquoi pas ;-)

Fred-Fichetoux-Beg…en toute humilité
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Il m'arrive parfois d'emprunter des livres à la médiatheque pour une raison bien précise (challenge Babelio, auteur dont j'ai entendu parler...) puis d'oublier ensuite totalement la raison qui m'avait fait les choisir. Il arrive aussi assez souvent que mes lectures résonnent particulièrement vivement avec ma vie personnelle. Et parfois ces deux occurrences se produisent successivement.


C'est le cas avec ce chat de Schrodinger (animal dans le titre ? Non vraiment je ne sais plus) qui s'est trouvé sous mes doigts dans le sac rempli à la va vite pour mon voyage de retour vers la famille du Nord où je m'en allais partager quelques moments avec ma mère qui s'apprêtait à nous quitter. Il m'arrive parfois de lever un pan du voile sur ma vie personnelle dans mes chroniques et j'ai beaucoup hésité à le faire ici de peur d'être impudique mais c'était tellement l'occasion de parler de ce lien que nous entretenons avec les livres dans les moments charnières que nous traversons que je me suis autorisé à le faire.

Si on devait donner le sujet principal de ce livre on n'évoquerait peut-être pas le deuil. On parlerait sans doute de vulgarisation scientfico-psychologique mélangée à de l'auto-fiction dont l'auteur est apparemment un des maîtres et précurseurs. Et c'est bien dans cette part autofictionnelle que ce deuil apparaît, deuil d'un enfant malade qui traverse à ce que j'en ai compris toute l'oeuvre de l'auteur.

J'ai trouvé ce livre très bien écrit, diablement intelligent et totalement bienvenu pour moi dans ces moments où on vient s'interroger sur le sens de sa vie et au delà de LA vie. Cela m'a permis, tout en restant focalisé sur les pensées qui m'habitaient, de décaler mon regard, de nourrir ma réflexion, de m'enrichir de l'érudition et de l'expérience d'autrui. le ton est très humain, bienveillant, modeste, tout ce dont j'avais besoin dans ces moments où la lecture devient parfois complexe tant la tête est embrumée.

Commencée à l'aller, ma lecture s'est terminée dans le train du retour. Cette critique est écrite dans le train du voyage qui me fait de nouveau revenir pour les obsèques, merci donc chaleureusement à Philippe Forest de m'avoir épaulé dans ces chemins ferroviaires et intérieurs, me permettant ainsi de ne pas m'égarer dans les méandres des idées noires.
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"L'expérience du chat de Schrödinger fut imaginée en 1935 par le physicien Erwin Schrödinger, afin de mettre en évidence des lacunes supposées de l'interprétation de Copenhague de la physique quantique, et particulièrement mettre en évidence le problème de la mesure."
"Erwin Schrödinger a imaginé une expérience dans laquelle un chat est enfermé dans une boîte avec un dispositif qui tue l'animal dès qu'il détecte la désintégration d'un atome d'un corps radioactif ; par exemple : un détecteur de radioactivité type Geiger, relié à un interrupteur provoquant la chute d'un marteau cassant une fiole de poison — Schrödinger proposait de l'acide cyanhydrique, qui peut être enfermé sous forme liquide dans un flacon sous pression et se vaporiser, devenant un gaz mortel, une fois le flacon brisé.
Si les probabilités indiquent qu'une désintégration a une chance sur deux d'avoir eu lieu au bout d'une minute, la mécanique quantique indique que, tant que l'observation n'est pas faite, l'atome est simultanément dans deux états (intact/désintégré). Or le mécanisme imaginé par Erwin Schrödinger lie l'état du chat (mort ou vivant) à l'état des particules radioactives, de sorte que le chat serait simultanément dans deux états (l'état mort et l'état vivant), jusqu'à ce que l'ouverture de la boîte (l'observation) déclenche le choix entre les deux états. du coup, on ne peut absolument pas dire si le chat est mort ou non au bout d'une minute.
La difficulté principale tient donc dans le fait que si l'on est généralement prêt à accepter ce genre de situation pour une particule, l'esprit refuse d'accepter facilement une situation qui semble aussi peu naturelle quand il s'agit d'un sujet plus familier comme un chat."
Merci Wikipédia!


Prenons maintenant une lectrice d'une quarantaine d'années, ni brillante, ni complètement stupide, bref une lectrice normale (c'est à la mode) et enfermons-la dans une boite (ou dans son salon, elle aime son petit confort) avec ce livre entre les mains...Nul besoin de gaz mortel ou autre poison à l'état solide, liquide ou gazeux pour savoir qu'elle est morte. Car, oui, ne rien comprendre tue! Aussi sûrement qu'un marteau relié à un interrupteur lui-même relié à un compteur Geiger, etc. Et la lectrice ne comprend rien. Elle s'accroche pourtant. Elle lit, revient en arrière, relit, mais rien y fait, elle est totalement hermétique, imperméable, bouchée quoi! Alors dans un réflexe de survie bien naturel, elle pose le livre et abandonne là une lecture qui tenait plus de la torture que du plaisir.
Le chat de Schrödinger ou le livre qui explique pourquoi on n'a jamais pris 5 minutes pour s'intéresser à la physique quantique. Parce que c'est c..... tout simplement!


PS. le livre ne se concentre pas autour de l'expérience de Schrödinger. Il y a aussi un homme dans son jardin, le soir, qui observe un chat surgi de l'ombre, enfin plus spécialement quelque chose "qui a pris la forme d'un chat" et qui certains soirs sort de l'obscurité du fond du jardin....
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L'expérience de pensée dite du chat de Schrödinger me fait songer à la porte du frigidaire qu'on ferme : à l'intérieur, la lampe est-elle éteinte ? Indécision quant au malheureux chat dans sa boîte, dont le mécanisme létal est soumis à une particule atomique qui a plusieurs états superposés : celle-ci serait, selon ce que révèle la mécanique quantique, ici et là en même temps tant qu'on ne l'a pas observée, donc à la fois levier de mort pour le minet et pas du tout. le chat à la fois mort et vivant .


Lorsque Erwin Schrödinger a imaginé cette expérience virtuelle burlesque pour réfuter toute interprétation fumeuse de sa découverte de la fonction d'onde, il ne pensait pas qu'elle deviendrait la boîte de Pandore d'où surgissent des extrapolations fantaisistes. Il mettait simplement en évidence que le monde de la physique quantique, pour ce qu'on en sait, ne fonctionne pas suivant notre logique : « Dans le cas du chat de Schrödinger, tout le paradoxe viendrait alors de l'hérésie par laquelle on fait tenir dans la même boîte les deux univers — micro- et macroscopique — en laissant entendre que les mêmes principes s'appliquent à eux alors qu'en fait, par le phénomène de la « décohérence », ils se trouvent totalement indifférents l'un à l'autre : et, dans de semblables conditions, ce qui vaut pour un atome ne saurait valoir pour un chat. »
C'est tout. Admirons au passage la formulation claire et précise de Philippe Forest, qui, sans se targuer d'être scientifique – il s'en excuse à ceux-ci dans sa dédicace –, manifeste un esprit synthétique qui atteste de sa grande compréhension de problèmes pointus et de la capacité à les extraire de leur aura scientifique abstruse.


Qu'est-ce qui conduit Forest à parler de cette expérience ? Un chat est apparu dans son jardin, venu d'on ne sait où, permettant toutes les suppositions. Il l'avait bien vu s'enfuir furtivement avant, mais était-ce bien lui ou avait-il eu l'impression de le voir ? Il a bien fallu qu'un jour il décide que c'était la première fois qu'il le voyait, même si ce n'était pas tout à fait vrai. Jeu sur le fil du réel, déjà. de fil en aiguille, ce chat occupe le centre de ses pensées pour conduire à des réflexions sur les univers du chat, sa présence/absence quand il passe par le trou dans la haie au fond du jardin, sur notre univers, son origine, le néant, la vie, la disparition de sa petite fille suite à un cancer (Voir L'enfant éternel). Agencement complexe et subtil, impossible à résumer, à classer – roman, essai ? – qui va du monde quantique au petit félin qui prend ses aises dans la maison et auquel on s'attache. le fil des pensées qui nous habite toutes et tous, quand l'heure est à la méditation et aux questions. «On se découvre debout devant le noir de la nuit. Et c'est alors que revient le temps des questions essentielles.»

Puisque «Dieu ne joue pas aux dés» (Einstein), la science tente de répondre à tout, mais ne réussit souvent qu'à obscurcir les images sensées, derrière les formules qui lui donnent son air absurde. Certains y vont d'hypothèses qui font l'aubaine des rêveurs : Hugh Everett, pour répondre au casse-tête des particules d'états superposés, émet l'hypothèse d'univers parallèles. Intelligemment, Forest nous ramène les pieds sur terre mais se glisse vers les univers multiples du chat énigmatique, dont on ne connaît que l'un, celui qu'il accepte de partager avec nous. Balade dans la science et ses virtualités où les plus étranges fantômes obsèdent quand brûle le regret d'une fillette disparue.

Ce récit, ces réflexions, ces explications sont empreints de langueur. Car l'absence inacceptable envahit de ténèbres et de silence les propos du narrateur interrogatif, désabusé, étranger à lui-même. Enthousiasmé par les démonstrations limpides de vulgarisation scientifique, la lucidité éblouissante et fluide, le lecteur impatient regrettera les longues et répétitives sections où l'auteur peut donner l'impression de se regarder écrire.

Un ouvrage important, certainement, dont l'épigraphe donne le ton:

"Quand je lis un livre sur la physique d'Einstein
auquel je ne comprends rien, ça ne fait rien :
ça me fera comprendre autre chose."
(Picasso)

Lien : http://www.christianwery.be/..
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C'est l'histoire d'une goutte de chagrin.
Une goutte qui fait déborder « le vase de tristesse que chacun porte en soi. »

L'histoire d'un chat sans nom qui apparaît dans la vie du narrateur, hante son jardin, puis déserte. À peine là, déjà ailleurs. L'ombre d'une ombre.

Raconter cette histoire, c'est en fait pour Philippe Forest en raconter une autre. « Quoi qu'on fasse, on raconte toujours une histoire à la place d'une autre. »
L'histoire, c'est celle de la disparition de sa fille de quatre ans, Pauline, emportée par un cancer.

Comment survivre ?

En « faisant comme si. »

En parlant du chat de Schrödinger et de la physique quantique. de ce chat enfermé dans une boîte dont on ne sait s'il est mort ou vivant.

Postuler alors qu'il est mort ET vivant.
Que les univers peuvent se superposer les uns aux autres. Que tous les « si » sont possibles. Tout existe quelque part. Il y a une infinité de planètes comparables à la nôtre. La matière se conserve et ne se perd pas. Spéculation certes, mais si c'était possible ? Alors Pauline existerait quelque part ?

« Le chat de Schrödinger » est à la fois roman, poème, méditation philosophique, conte. Multiple comme le sont les mondes.

C'est une quête de sens qui débouche sur le constat qu'il n'y a pas de sens. Qu'il est impossible de dire le vrai sur le monde. « Tout est vrai quelque part. Et faux partout ailleurs. »

J'ai été très émue par ce « roman » et il m'habitera longtemps. Il demande certes un effort au lecteur, mais il le touchera profondément, car il montre que notre vie n'est qu'une recherche de consolation.
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critiques presse (4)
Bibliobs
06 mars 2013
Comme on trouve Einstein dans la théorie proustienne du temps, il découvre du Schrödinger dans Joyce. On finit par se demander si Philippe Forest nous offre un roman quantique ou une méditation sur la possibilité d'un roman quantique. Réponse quantique: les deux. En même temps.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Lhumanite
04 février 2013
Un nouveau champ d’écriture, à la fois plus aride, plus poétique et certainement plus déroutant : la physique, sous les espèces d’une loi de la mécanique quantique.
Lire la critique sur le site : Lhumanite
Lexpress
14 janvier 2013
Vous découvrirez un style pétri d'intelligence qui vous enveloppera dans les spirales infinies de sa pensée et de son écriture ; virtuose au gré des opus, de l'exploration des tourments intimes du deuil, du récit épique du siècle de l'aviation, du compte-rendu de sa méditation métaphysique
Lire la critique sur le site : Lexpress
Telerama
02 janvier 2013
Une interrogation qui convoque tout ensemble l'infiniment grand (l'Univers et le néant d'où tout est né), l'infiniment petit (le monde de l'atome et ses étranges lois), mais aussi l'enfance et la mémoire, l'histoire en tant que récit et en tant que destin
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (46) Voir plus Ajouter une citation
Extrait :
«Attraper un chat noir dans l'obscurité de la nuit est, dit-on, la chose la plus difficile qui soit. Surtout s'il n'y en a pas.
Je veux dire : surtout s'il n'y a pas de chat dans la nuit où l'on cherche.
Ainsi parle un vieux proverbe chinois à la paternité incertaine. Du Confucius. Paraît-il. J'aurais plutôt pensé à un moine japonais. Ou bien à un humoriste anglais. Ce qui revient à peu près au même.
Je crois comprendre ce que cette phrase signifie. Elle dit que la sagesse consiste à ne pas se mettre en quête de chimères. Que rien n'est plus vain que de partir à la chasse aux fantômes. Qu'il est absurde de prétendre capturer de ses mains un chat quand nul ne saurait discerner, même vaguement, sa forme absente dans l'épaisseur de la nuit. »
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On peut croire à une chose et, en même temps, ne pas croire en elle. L'esprit fonctionne simultanément selon différents programmes aux convictions incompatibles, voire carrément antagoniques. J'irai jusqu'à dire que c'est à cette seule condition que l'on échappe à la vraie folie, entretenant en soi plusieurs esprits de manière que l'on puisse, en cas de nécessité, en changer à sa guise et que, quelque part dans le cerveau et sans pour autant que soit menacé l'équilibre rationnel de celui-ci, on puisse trouver parfois le refuge absurde d'une conviction parallèle qui vous permet de supporter la réalité telle qu'elle est en vous figurant qu'elle est en même temps autre que ce qu'elle est.
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Comme si : c'est le mot des savants; c'est celui des enfants et celui des poètes, aussi. Tout se passe comme si ce monde dans lequel nous vivons était à la fois le même et un autre, contenu dans la boîte obscure où, comprimées, se tiennent toutes les virtualité de la vie de sorte que chaque chose et son contraire y sont côte à côte à leur place. Un conte ? Il était une fois. Plutôt : il était deux fois. Et puis deux fois deux fois. Ainsi à l'infini, le même vieux récit se multipliant dans la nuit de toujours tant que quelqu'un se trouve là qui lui accorde la créance qu'il faut pour que s'éparpille partout le perpétuel pluriel de tous les possibles.
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"Je lis de plus en plus souvent des livres sur les chats. Ils me reposent un peu de ceux qui portent sur la mécanique quantique, sur ses interprétations, la saga des savants qui lui ont donné naissance, les extrapolations auxquelles elle prête, toute cette somme de semi-incertitudes, d'hypothèses douteuses au sein de laquelle je me retrouve à peine, avec le sentiment que plus j'apprends et moins je comprends. Je laisse de côté (...) les ouvrages de vulgarisation pas vraiment plus clairs qui s'empilent sur mon bureau et je prends dans la bibliothèque de quoi parfaire mon propre traite de phénoménologie féline. Le chat m'approuve, je pense. Il vient se coucher sur mes genoux, ronronnant et réclamant des caresses, s'allonge sur les pages du livre que j'ai ouvert, en rendant la lecture plutôt problématique, me forçant à interrompre celle-ci, à lever la tête, à rêvasser."
(...)
Sans aller jusque-là, ma folie à moi, il me fallait bien le reconnaître, avait bien des affinités avec cette démence douce. On peut croire en une chose et en même temps ne pas croire en elle. L'esprit fonctionne simultanément selon différents programmes aux convictions incompatibles, voire carrément antagoniques. J'irai jusqu'à dire que c'est à cette seule condition que l'on échappe à la vraie folie, entretenant en soi plusieurs esprits de manière que l'on puisse, en cas de nécessité, en changer à sa guise et que, quelque part dans le cerveau et sans pour autant que soit menacé l'équilibre rationnel de celui-ci, on puisse trouver parfois le refuge absurde d'une conviction parallèle qui vous permet de supporter la réalité telle qu'elle est en vous figurant qu'elle est en même temps autre que ce qu'elle est.
(...)
Mais si l'on s'en tient plus littéralement à ce que disent les équations et que l'on prend au sérieux le "principe de superposition", considérant qu'il gouverne tous les phénomènes quelle que soit leur échelle, l'on doit supposer au contraire que tout choses existe simultanément sous des formes opposées au sein de la réalité. On conçoit alors quel étrange sort est celui du chat de Schroëdinger : suspendu entre la vie et la mort, ne tenant l'une ou ll'autre que du regard qui se pose sur lui, susceptible d'exister ainsi sous deux formes opposées et d'engendrer deux figures de lui-même, comme l'est tout chose dans un univers qui doit vous apparaître alors comme le lieu où toute réalité se dédouble jusqu'à ce que prolifèrent des avatars à l'infini -en l'occurrence, donc, des chats démultipliés comme le serait leur image sous l'effet d'un jeu de miroirs et s'aventurant chacun sur l'un des sentiers divergents d'un temps qui se ramifie sans cesse et recèle alors la somme impensable de tous les possibles".
(...)
A la faveur de la nuit, lorsque dans votre existence les ombres se sont épaissies, que la coupe du néant se trouve assez remplie pour qu'une goutte d'eau suffise, qui la fait déborder, si bien que le chagrin le plus infime vient vous révéler ce que vous avez toujours su (...) Il ne faudrait s'attacher à rien ni à personne et pourtant le prix de la perte ne se mesure jamais qu'au prix de ce que l'on a perdu. (...)
Dans la nuit, un maître cherche son chat. Car comme toutes les autres, cette légende-là pouvait aussi bien se raconter à l'envers. Cette version, au fond, convenait davantage. Puisque ce chat, malgré les apparences, était plutôt le maître de son maître. C'était moi et non lui qui était perdu. (...)
Dans le noir de la nuit, je cherche un chat. Qui n'existe pas. Ou bien si.
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On ne sait jamais quand une histoire débute. À défaut, on la fait commencer avec le dernier récit raconté. Sans même imaginer que celui-ci prend la suite d'un autre, et puis d'un autre avant lui, et qu'il s'insère ainsi comme un élément parmi d'autres encore dans la série de tous les précédents. Par manque de mémoire ne se représentant pas tout ce qui a été auparavant. Depuis très longtemps. Remontant aux temps originels dont parlent les légendes.
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Tout a-t-il déjà été dit en littérature ? L'écrivain est-il condamné à se répéter ? Et comment réinventer la littérature après Balzac, Baudelaire ou encore Proust ? Pour répondre à ces questions, Guillaume Erner reçoit l'essayiste et romancier Philippe Forest.
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