Au début du roman,
Maurice est le typique adolescent anglais de la bonne société. Il a été scolarisé dans une école de garçons, où les convenances et bonnes manières de l'époque et de son rang lui ont été inculquées. Mais, comme tout élève de ce genre d'établissement, le jeune garçon ne connaît pas grand-chose de la vie « réelle ».
Lorsqu'il intègre l'université,
Maurice découvre un tout nouveau monde et se lie avec plusieurs autres jeunes hommes. L'un d'eux, Clive Durham, jouera un rôle très important dans la vie de
Maurice, puisqu'il en tombe amoureux.
«
Maurice » a été écrit en 1913, mais ne paraîtra que de façon posthume en 1971 (à la demande de Forster) car son contenu, centré sur la découverte, par de jeunes adultes, de leur homosexualité, aurait pu choquer les moeurs de l'époque.
Alors, «
Maurice » est-il un roman choquant ? Personnellement, je ne l'ai pas trouvé dérangeant (mais je vis au XXIe siècle, donc je suppose que je n'ai pas la même sensibilité que les anglais des années 20). Au contraire, «
Maurice » est un roman magnifique, qui illustre parfaitement bien la passion, les difficultés, la peur d'être jugé ou rejeté par ses semblables, le poids des convenances, etc. Forster nous plonge donc dans un mélange d'émotions très intenses, lui qui considérait pourtant que l'émotion ne devait pas être un thème en soi, mais le point de départ du travail de l'écrivain.
Bien plus qu'un roman d'amour, «
Maurice » dresse aussi le portrait d'une certaine Angleterre. L'ère victorienne en est à ses derniers moments. L'aristocratie connaît certaines difficultés et doit adapter son mode de vie à des circonstances nouvelles, qui ne lui plaisent pas particulièrement. Une esquisse de la société de l'époque est donc bien présente, surtout dans les passages consacrés aux familles respectives de
Maurice et de Clive. Ces parties de l'histoire sont particulièrement passionnants : on y constate le déclin de ces familles bâties sur la tradition et leur difficulté d'adaptation au nouveau monde qui est en train de voir le jour.
Mais cette Angleterre en pleine évolution est aussi dénoncée, par Forster, comme étant très cruelles envers les jeunes qui, comme
Maurice, découvrent leur homosexualité. Certains passages nous rappellent ainsi qu'à une certaine époque (et encore maintenant dans certains pays voire dans certaines mentalités…) les gays et autres LGBT étaient considérés comme des malades mentaux qu'ils fallait soigner (dans le meilleur des cas) ou comme des dépravés qu'il faillait réprimer.
Dure société que celle de l'époque. Pas étonnant, dans ces conditions, que Forster ait lui-même souhaité que ce roman très autobiographique ne soit publié qu'après sa mort : sans doute a-t-il souhaité éviter le même genre de procès retentissant que celui de D.
H. Lawrence pour « L'amant de Lady Chatterley » (procès au cours duquel Forster a d'ailleurs témoigné en faveur de Lawrence).