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sur 116 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
C'est la mélopée du roi coton. Elle raconte l'histoire de deux enfants que le destin a réunies, l'une métisse l'autre blanche. Eleanor, fille de médecin, adopte Ève, la jeune esclave, comme on adopte un animal de compagnie. Mais l'avenir des deux fillettes n'est pas très différent, adultes, Ève et Eleanor sont toutes deux prisonnières. L'une d'un mariage qu'elle n'a pas choisi, l'autre de la pauvreté de sa condition d'esclave libérée.

Les courtepointes, patiemment cousues par les jeunes filles, noires et blanches d'Alabama, racontent l'histoire de la construction des États-Unis, un patchwork d'États peuplés de populations venues du monde entier. Une histoire où la guerre de Sécession, qui a fait des milliers de morts, a rendu la liberté aux esclaves, mais n'a pas changé les mentalités. Être noir aujourd'hui en Amérique, comme en Louisiane au XIXe siècle, c'est être plus pauvre et moins libre que les Blancs.

Non, les Américains n'ont pas renoncé au racisme. Lisez La porte du ciel pour vous en convaincre. Un très beau conte, merveilleusement écrit, qui nous emporte en douceur dans un monde où les inégalités raciales ne sont pas révolues. C'est le monde du roi coton à qui la Canadienne, Dominique Fortier, donne une dernière fois la parole : « La nuit s'achève. Le temps est venu maintenant de nous séparer. Du reste, vous savez tout, et je n'ai plus rien à vous montrer. Rentrez chez vous, je resterai ici, dans ce pays qui est le mien, qui est mille et qui est un. »

Merci à Babelio et aux Editions Les Escales pour cette belle lecture.
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Merci aux Editions Les Escales de m'avoir permis la lecture de ce roman dur et tendre à la fois.

Ce récit livre l'histoire de deux fillettes nées au coeur du règne du Roi Coton. "Il est un et il est mille" ce pays est fait d'hommes et de femmes qui ne sont pas égaux. Les blancs éduqués et les noirs pauvres, esclaves, biens meubles de leurs maîtres. le Docteur Mc Coy assiste un jour à une correction que va recevoir une petite mulâtresse du même âge que sa fille.

Il va l'acheter pour lui épargner la punition, la ramener chez lui. La baptiser Eve. Sera-t-elle traitée en esclave, pas tout à fait. Eve n'a pas vraiment de statut, elle est autorisée à grandir au pied d'Eleanor pour lui tenir compagnie, l'amuser.

Toute l'histoire réside dans le statut de ses petites filles, prisonnières de leur condition. Une jeune femme blanche doit savoir jouer du piano, se tenir, savoir coudre. fabriquer des courtepointes. Eve apprendra à lire grâce à la couture, s'éduquera en secret, mais sera toujours l'ombre d'Eleanor.

Une jeune fille de bonne famille n'est éduquée que pour préparer un bon mariage, faire honneur à sa famille. Eleanor ne choisira pas, sa famille s'en chargera pour elle. Elle appartiendra au patrimoine Arlington et pas le contraire. Eve fera partie des bagages et des possessions de la jeune mariée.

La guerre de sécession entamée, "il y eût des batailles, puis des massacres, il y aurait des hécatombes", la bataille de Gettysburg fait son entrée tragique dans l'histoire. Ce livre n'est pas une fresque historique a proprement parlé.


Il faut le lire pour comprendre la place des femmes à cette époque. Lorsque enfin, à l'issue de cette terrible guerre, les noirs libérés eurent à choisir un patronyme certains choisir Pettway (pet way) manière d'animal ? L'auteure aide à comprendre le chemin accompli depuis la guerre fratricide, les exactions du K.K.Klan, jusqu'à la liberté.

Eve comme Eleanor auraient pu se coudre une autre histoire, le fil du bonheur est si ténu. L'émotion vous étreint grâce à l'écriture poétique de Dominique Fortier : un livre à ne pas manquer !
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Au cours d'une visite à un malade dans une plantation de coton, au coeur de la Louisiane, un médecin accompagné de sa fille se prend d'affection pour une jeune enfant, fille d'esclave. Ils décident de la ramener chez eux.
On lui donne le prénom d'Eve. D'abord apeurée par cette nouvelle situation, la jeune fille s'adapte peu à peu au confort d'une maison et d'un foyer.
Tout semble opposer les deux fillettes. Eleanor, blanche, appartenant à une classe sociale élevée, et Eve, mulâtre, elles vont cependant devenir inséparables et entre elles se noue une complicité. Pour les membres de la famille, elle en fait entièrement partie, mais le reste de la communauté n'est pas du même avis.
Elles grandissent et jouent ensemble, Eleanor a ses livres, ses ouvrages de broderie, Eve la suit partout jusqu'à ce que celle-ci épouse un homme possédant une plantation.
Toutes les deux intègrent donc une nouvelle famille, les Arlington, dans une période de guerre où le peuple américain est divisé en deux.

Tout au long du roman, les récits sont tissés pour parvenir au dénouement.
La construction du roman est intéressante, comme des bouts de tissus que l'on assemble au fur et à mesure d'un ouvrage, rappelant les courtepointes réalisées et décrites dans ce livre.
Cependant, j'ai connu quelques difficultés de lecture dans la première moitié du roman qui se sont dissipées lorsque je m'approchais de la fin.
J'ai bien apprécié l'écriture de l'auteur avec des phrases aux accents poétiques. Une très belle couverture qui m'a tout de suite séduite. Bien que ce roman ne soit pas historique au sens strict, il n'en reste pas moins intéressant.
Merci aux Éditions Les Escales pour cette première découverte d'une auteure québécoise.
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«[...] il est un autre moyen de sortir d'un labyrinthe :
c'est d'inventer soi-même le chemin au fur et à mesure,
jusqu'à la sortie, que l'on invente aussi.»

Tout d''abord un grand merci à Babelio et Les Éditions des Escales, Domaine français, de m'avoir permis de découvrir cette auteure, une très belle rencontre que je ne suis pas prête d'oublier.
Je remercie aussi tout particulièrement Caroline Legrand, directrice littéraire pour le Domaine français des Escales, que j'ai eu la chance de rencontrer, une personne passionnante et passionnée, qui fait un travail remarquable, et qui pour nous déniche de belles pépites. Une édition que je vais suivre assurément.
La ségrégation raciale est au coeur de ce roman, l'auteure nous plonge dans L Histoire traumatisante de l'Ouest aux Etats-Unis, confrontée à une guerre civile ô combien meurtrière et qui voit émerger des organisations secrètes comme celles du KKK. Elle revient sur les traumatismes de cette guerre «Ceux qui partent ne reviennent jamais, même quand ils reviennent», décrit les injustices faites aux gens de couleur. «Mais vous n'ignorez pas que ces gens se tiennent entre eux. Qui iriez-vous croire ?»
L'écriture est belle, poétique, emplie d'espoir, comme une invitation au partage. Un espoir incarné notamment par le personnage du Père Louis, qui nous transmet une très belle leçon de vie.
L'histoire est conçue comme un patchwork, telle une courtepointe (les fameuses courtepointes, qui occupent une grande place dans ce récit); défilent devant nos yeux des bouts de vie, des morceaux d'événements, s'imbriquant entre eux, et qui, humblement, avec délicatesse, intimement, nous transportent, nous donnent à comprendre et à ressentir l'atmosphère de l'époque; c'est sur le chemin de la liberté que nous évoluons, sans en avoir pleinement conscience.

«La liberté, mon fils, ce n'est peut-être pas aussi important qu'on le dit. Regarde ce que les Blancs, qui l'ont depuis toujours, ont trouvé à en faire.»

Une guerre civile qui résonne tant encore de nos jours, indéfiniment ...

«Permettez-moi de répondre à votre question par une autre : puisque nul traité de paix n'est venu marquer la fin de cette étrange guerre fratricide, comment prétendez-vous savoir qu'elle est bien finie ?»

Laissez-vous tenter par ce récit, venez côtoyer ces personnages hauts en couleur, tel le père Louis, Eve, Eleanor ou encore ce petit bonhomme, doux et rêveur, qui à sa façon, contribuera à la construction de la maison de Dieu, une maison pour tous.

Un très beau récit, empreint d'humanité. Merci Dominique Fortier.
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Ouvrir La porte du ciel, c'est tirer sur un fil d'Ariane qui nous emmènera dans un labyrinthe de couleurs et de sentiments, c'est laisser Dominique Fortier semer un tas de petits cailloux blancs qui nous aideront à trouver notre chemin à travers les plantations et les marais de Louisiane. Elle va dérouler pour vous plusieurs fils différents, qui vont se croiser, s'entrecroiser, parfois risquer de se casser au coeur d'une courtepointe qui vous contera une histoire de douleur, de guerre, de résignation, et parfois de passion.

En Louisiane, au temps de la guerre de Sécession, une guerre civile, une guerre fratricide, deux petites filles se rencontrent : une Blanche presque insouciante, Eleanor, et une Noire arrachée à sa mère esclave, Eve. Elles ne se quitteront plus et croiseront sur leur chemin un fiancé malhabile, une belle-mère autoritaire, des fouets de contremaîtres, des esclaves courbés dans les champs de coton, des soldats exaltés, des soldats brisés, un prêtre bâtisseur qui rêve de droits pour tous, des membres du Ku Klux Klan, des couseuses de courtepointes, les méandres paresseux du Mississipi…

Ce roman patchwork ne veut pas raconter tout de la vie en Louisiane pendant la Sécession des Etats du Sud, mais il raconte la vie rude, rêvée, perturbée, rongée d'ennui ou de misère de quelques personnalités presque ordinaires. le récit de Dominique Fortier a été fortement inspiré des courtepointes cousues par les femmes noires de l'époque, des courtepointes en forme de patchworks dont les morceaux disparates sont assemblés pour former des tableaux à la fois improbables et tellement réalistes.

L'auteur (pourtant née sous des latitudes plus fraîches) a le chic pour nous faire découvrir les choses lentement mais sûrement, dans une écriture élégante qui sait aussi faire ressentir la moiteur du climat et les dangers du bayou. C'est aussi la métaphore d'un jeu d'échecs qui constate avec précision combien les rêves de liberté des uns (les pions blancs) ont eu si peu de retentissement pour les autres (les noirs, bien entendu).

Un très très beau roman que j'ai lu avec enchantement !
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Alors que, sous le soleil de la Louisiane, les champs de coton s'étendent à perte de vue, deux fillettes vont étroitement tisser des liens comme les esclaves tissent le coton. Et pourtant, tout les oppose. Eleanor, fille de médecin, est blanche à la blondeur angélique. Eve, fille d'esclave, est mulâtre, à la peau brune comme le thé. Aucune des deux n'a le choix de son destin. Arrachée à sa famille depuis longtemps déjà, Eve, bien qu'adoptée, n'est que tolérée dans cette maison où règne cette bienséance bourgeoise, parfois compassée. Les années passent et le bruit des canons de la Guerre de Sécession remplacent bientôt les chants des oiseaux et des esclaves. Eleanor quitte le giron familial pour une nouvelle maison, une nouvelle vie de femme mariée. Eve l'accompagnera mais, une fois encore, elle se verra reléguée au rang de domestique.
Plus loin, dans l'Alabama, des femmes attendent le retour de leurs hommes, fiancés, pères, fils, partis combattre dans l'armée sudiste. Alors, pour adoucir cette terrible attente, elles perpétuent la tradition du patchwork. de leurs courtepointes apparaît en filigrane l'image des Etats-Unis, fragile assemblage de bouts de tissu multicolores tenu par un simple fil de coton.
Dominique Fortier nous offre ici un roman étrange et tout en retenu. S'il ne s'apparente en aucun cas à un roman historique, comme tient à le souligner l'auteure, il respecte néanmoins les grandes charnières de la guerre. La Porte du ciel dépeint un pan de l'histoire des Etats-Unis qui se déchirent pour mieux s'inventer, se réinventer.
L'originalité de ce livre tient au narrateur car, tel un fil d'Ariane, le Roi Coton se fait notre guide.
La vie et la destinée des deux protagonistes, bien que dissemblables, semblent se compléter. Les deux fillettes éprouvent, l'une envers l'autre, un attachement profond. Mais, le carcan de l'éducation et le poids de la ségrégation pèsent lourd. Jamais Eleanor ne pensera possible de s'élever contre les conditions de vie des esclaves dont Eve en est l'effigie. Pouvons-nous pour autant lui jeter la pierre? La recherche de la liberté n'appartenait-elle qu'à un seul camp? Eleanor n'était-elle pas également l'esclave des traditions familiales et bourgeoises? Notre guide Roi Coton s'abstient de tout jugement et offre sa douceur ouatée à tous les coeurs opprimés, blessés, sans distinction...
Alors, lorsque la dernière page se tourne, on se rend compte que malgré les siècles qui se sont égrenés, les coutures des courtepointes demeurent bien fragiles. Les fils de coton doivent tendre leurs fibres pour maintenir l'unité des bouts de tissus multicolores, aussi petits et dissemblables soient-ils.
Mais, si l'on sait se taire, si l'on sait écouter, si l'on ouvre notre coeur et notre âme, si l'on s'abstient de juger, on entendra alors s'élever les multiples voix d'hier, d'aujourd'hui et de demain. On reconnaîtra alors que la quête de la liberté prend tout son sens.
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Pendant la guerre de sécession en Louisiane, la rencontre de deux petites filles. Eleanor est la fille d'un médecin, Eve est la fille mulâtre d'une esclave, de qui elle a été séparée.
Ce roman se compose par touches d'émotions : tel l'assemblage de pièces de tissus de couleurs formant les courtepointes crées par les femmes. Cette création de patchworks qui relève à la fois de la culture et de l'art expressif. Plusieurs oeuvres jalonnent la narration de cette histoire.
Un roman émouvant qui donne à réfléchir sur un thème fort : la liberté.
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Voici un roman sur un sujet qui m'émeut toujours : la Guerre de Sécession, l'esclavage, les plantations de cotons, et les destins de personnages atypiques se débattant au milieu des événements historiques. L'émotion a été au rendez-vous, bien que j'ai été légèrement déçue par le traitement du sujet, alors même que c'est ce qui en fait la beauté… J'y reviens tout de suite !

Nous sommes en Louisiane à la veille d'une Guerre civile. le destin de deux fillettes se percutent un beau jour sur une plantation. La petite fille blanche du médecin qui n'a pas d'esclave demande à son père d'acheter – ou libérer ? – une jeune esclave noire qui paraît bien peu docile. Eleanor prend dès lors Eve sous son aile d'enfant : elle considère la jeune mulâtre comme son jouet, son passe-temps. Mais les fillettes grandissent dans une Amérique en construction, où les Etats sont désunis comme peut l'être une courtepointe avant que les morceaux de tissus ne soient cousus entre eux… D'ailleurs de nombreuses femmes attendent le retour de leurs hommes – pères, frères, maris, fils – partis combattre, en cousant ces courtepointes qui ne tiennent que par un fil… Les jeunes filles vont voir leurs destinées qu'aucune n'a choisies croiser guerre, premiers émois, fatalité, espoirs.

Ce qui est troublant avec ce roman, c'est que je ne saurais avoir un avis vraiment tranché dessus. Parce que ce qui m'a plu est aussi ce qui m'a déplu… Sensation bizarre s'il en est ! Dès les premières pages, on est embarqué dans un drôle de récit, qui se présenterait presque comme un conte ou une légende. le narrateur de cette histoire est un personnage atypique, le Roi Coton, qui pourrait s'apparenter à la voix de l'Amérique éternelle. Il nous conduit de page en page à la découverte de ces deux gamines qui grandissent dans cette époque troublée, où l'on découvre encore une fois de quelle manière étaient traités les esclaves, dont les femmes étaient violées, séparées de leurs enfants, et comptés comme la moitié d'une personne dans le recensement de l'époque, mais aussi à la suite de femmes tissant leurs courtepointes avec les restes des habits de leurs enfants morts ou partis, et même à la suite d'un homme noir innocent condamné à mort de nos jours, ce qui montre que toutes ces aberrations sont loin d'être finis. Ce qui est d'autant plus puissant au vu de l'actualité.

On ne fait que passer dans l'histoire de ces personnages, on survole un instant de leurs vies. de fait, la fin peut paraître abrupte. Mais assez logique. Ce qui m'a peut-être le plus contrarié, c'est cette impression de survol de l'histoire. On est comme un observateur juste au dessus des personnages. Il est difficile de s'attacher à eux, puisque, et c'est une volonté de l'auteur, ils ne sont pas approfondis et fouillés. de fait, comme dans la vie, on rencontre des personnes dont on ne fait qu'apercevoir certaines facettes, et c'est ainsi qu'on perçoit Eleanor et Eve. On comprend certaines choses sur elles, on devine leurs caractères, leurs intentions, leurs désirs, mais rien n'est fouillé. Et c'est assez frustrant ! Tout en étant très beau, puisque l'auteur reste dans une nuance poétique. Avec ce narrateur très fort et ces personnages qui ne font que passer dans une histoire américaine bien plus vaste, se dégage un sentiment d'irréalité et de lyrisme.

Ce qui est aussi très beau et assez dérangeant, c'est le découpage du roman. Les chapitres sont entrecoupés de descriptions de courtepointes. le roman est ainsi construit qu'il ressemble à une courtepointe, avec ces chapitres reliés entre eux par un fil. Mais un fil solide, amené à tenir et à se renforcer. Histoire, courtepointe, construction du roman, tout reflète ces Etats-Unis en construction. Et pourtant, ces chapitres sont aussi assez déstabilisants, nous extrayant de l'histoire esquissée des jeunes filles pour nous emmener à notre époque, ou à la suite d'un motif de couture, dans les confins du paysage du Sud des Etats-Unis, ou encore sur le chantier d'une église faite de bric et de broc.

Mais surtout, il me faut noter la très belle plume de l'auteur qui nous offre un roman au style maîtrisé, plein de poésie et de légèreté. Certains passages sont marquants et restent en tête longtemps après avoir refermé le roman, à l'image de ces premières lignes, où le Roi Coton se présente, ou encore quand il est question de la fin de la guerre : puisque nul traité de paix n'est venu marquer la fin de cette étrange guerre fratricide, comment prétendez-vous savoir qu'elle est bien finie ? p.219. C'est percutant, les mots sont justes et les tournures de phrases recherchées sans être pédantes.

En somme, un beau roman dont les forces et les beautés m'ont tout à la fois dérangée et émerveillée.
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Dominique Fortier a construit son roman comme un patchwork, inspirée par les courtepointes tissées par les femmes d'Alabama. Les chapitres voyagent à travers les Etats, voire les siècle, décrivant des instants de vie parfois anodins à première vue. le Roi Coton, qui ouvre le récit, nous emmène rendre visite à Eleanor et Eve, à June, mais aussi à un prêtre qui tente de bâtir dans le bayou une église pour tous les hommes et toutes les femmes quelle que soit leur couleur ou même à un condamné à mort qui croupit dans une prison en 2011. J'ai été captivée par ce tableau de cette époque déchirée, de ces lieux – la Louisiane et son bayou, l'Alabama et ses champs de coton – et de ses gens qu'ils soient maîtres, esclaves, employés…

Il y a une certaine distance dans la narration qui change de tous ces récits très immersifs – et évidemment poignants – qui collent à un personnage dont nous connaissons toutes les pensées et vivons toutes les souffrances et les injustices. Mais en dépit de cette distance, de cette pudeur et de la silencieuse résignation d'Eve, cette douceur apparente cache parfois des moments d'une grande puissance émotionnelle.
De même, les injustices de l'esclavage ne sont pas laissées de côté (même si Eve n'est pas tout à fait esclave, ni tout à fait libre non plus, son statut n'étant jamais défini clairement, même au sein de la famille) et Dominique Fortier glisse ici et là des informations révoltantes : un esclave compte pour les 3/5 d'un homme libre, il y a une échelle pour « mesurer » le taux de sang noir dans les veines d'une personne (Noir, mulâtre, quarteron, mustee…), etc.

Toutefois, si l'esclavage y est dénoncé de manière subtile, l'auteure montre aussi la vacuité de la vie des femmes blanches. Un sujet sur lequel j'avais déjà un peu lu dans l'ouvrage Femmes et esclaves, de Sonia Maria Giacomini. Leur quotidien, surtout une fois mariées, est triste à pleurer. Eleanor en avait déjà un avant-goût les jours où, peu de temps avant ses noces, elle était obligée de broder un abécédaire :
« « En quoi cela est-il une indication de mes habiletés de maîtresse de maison ? Je l'ignore. » Mais cela n'était pas tout à fait vrai, car elle pressentait obscurément qu'il y avait dans le fait d'imposer cet ouvrage fastidieux à une jeune fille alors que dehors le soleil brillait, que la rivière roulait ses eaux fraîches et que le vent faisait bruisser le maïs en sa blondeur, qu'il y avait dans cette contrainte même quelque monstrueux entraînement à une résignation plus grande. »

Derrière le regard lumineux de la jeune femme de la couverture se cache un très beau roman un peu planant et cependant intime, qui m'a véritablement emportée au fil des pages et que je n'ai pas pu lâcher grâce à la plume fine et juste de Dominique Fortier.
Lien : https://oursebibliophile.wor..
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Quand le Docteur McCoy a rencontré cette fille d'esclave et qu'il l'a ramenée chez lui, il était loin d'imaginer qu'elle accompagnerait sa fille toute sa vie, devenant, son amie, son ombre ... 

On suit Eleanor et Eve de la maison familiale de l'Alabama à celle d'épousée dans la Floride si voisine, tandis que résonnent les échos de la guerre qui s'annonce, avec les hommes qui partent se battre parfois contre leurs frères ou voisins, les récits des batailles puis de la reddition ... 

On suit en filigrane l'histoire de ces esclaves qui partent, celle des femmes qui ne jettent rien et cousent entre eux ces bouts d'étoffe usés sauvés, et les subliment en magnifiques courtepointes colorées, et sinueuses, si différentes des blocs géométriques des femmes du Nord ... 

On voit arriver les fantômes blancs qui sèment la terreur, les soldats qui rentrent de la guerre tant amochés  ...

Un roman sinueux, qui raconte la vie dans le Sud des Etats Unis en une histoire aussi ondulante que les méandres du Mississippi et de l'Alabama ou que les bouts de tissus qui s'assemblent entre chaque chapitre ...

Un roman envoûtant qu'il est impossible de poser une fois commencé ... 

Un auteur que je vais rencontrer bientôt ... et dont je vais rechercher les précédents romans :) 
Lien : http://les.lectures.de.bill...
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