Elle devine quelque chose qu'elle ignore encore, que les longs voyages ont parfois cet effet sur les gens ; dès que le train ou le bateau quitte le quai, c'est comme si la vie telle qu'elle est lâchait son emprise, et il découvre la vie telle qu'elle devrait être, ils deviennent pendant un moment, ce qu'ils auraient pu être ce qu'ils auraient du être, ils sont libres..
Il n'y a rien de plus fugace que la beauté humaine, rien de plus difficile à conserver, et il n'y a rien de plus risqué que de parier sur elle car elle disparaît. Et si l'on a aimé sa beauté autant que je l'ai adorée, c'est un supplice de la voir s'estomper
C'est ma vieille insomnie qui me poursuit depuis que je suis enfant, une surexcitation qui demande des mots, de la musique, des livres, une chanson, une discussion ; une vigilance affamée qui, en fait, aspire au sommeil mais qui craint de se coucher et de se retrouver derrière l'obscurité des paupières, car qui sait alors ce qui peut se passer. A la place, elle désire être divertie, elle désire qu'on lui parle, qu'on lui fasse la lecture, tout plutôt que de devoir s'occuper elle-même et d'elle-même.
Sinon, il y a deux sortes de gens. Ceux qui tirent et ceux qui frottent. Ceux qui tirent, ce sont surtout des enfants. ils ont le regard vide. Ils ne disent rien, sauf, peut-être, quelques mots brefs et mystérieux, durs comme des verrues. Et soudain, ils lui sautent dessus, lui tirent les poils, et, là, ils disent des tas de choses, d'un coup.
Elle ne reste jamais avec d'autres enfants.
Et puis, il y a ceux qui frottent, surtout des adultes. Ceux qui écartent les bras en grand, pour qu'elle vienne s'asseoir sur leurs genoux. Ou bien qui l'appellent et cherchent à l'appâter, pour l'observer de plus près. Peut-être la prennent-ils pour une poupée. ils ont quelque chose de doucereux dans le regard, comme la confiture, et ils lui frottent les poils. ils croient la caresser mais elle n'est pas un chat ni une poupée. C'est très désagréable. Son père aussi trouve cela désagréable. Alors, ils ne voient presque jamais d'adultes non plus.
Il sera apparu que je passais bien du temps en ma compagnie. Assurément, j'avais l'école, mais à dire vrai, là aussi j'étais surtout laissée en compagnie de moi-même.
Ce baiser a duré tout le début d'un été, en même temps que prenait fin l'année scolaire, avec des chants, des cantiques et la distribution des carnets de notes ; je prenais mon temps et nous nous embrassions plus souvent, pour finir, j'ai su nager assez bien, et un jour, il a rempli ma main d'un jet de sperme blanc.