Citations sur Tr@que sur le Web (15)
En bonne femme de flic, Soizic savait qu'un policier connaissait son heure de prise de service, mais jamais l'heure de fin.
Parfois un peu d'inquiétude, jamais la peur, celle qui noue les tripes, donne des sueurs froides et peut provoquer des tremblements. Bogdan était froid, de marbre, la pensée même de la mort ne l'effrayait pas. Il savait qu'il mourrait un jour. Mieux, il avait la connaissance de sa mort et elle était réfléchie, mûrie, acceptée. Ce fait était pour lui inéluctable, il était donc inutile de se tracasser avec ça.
Frédérique Belvet, dite « Fred », quarante-cinq ans, capitaine de police à la brigade criminelle, au groupe homicide depuis deux ans. Elle était mariée et mère de deux enfants. C’était une grande et belle femme, le cheveu auburn, les yeux verts.
Arrivée en même temps que Boris au 36, c’est lui qui l’avait fait venir. Ils avaient étudié ensemble à l’école des gardiens de la paix de Vannes et avaient beaucoup de sympathie l’un pour l’autre. Certains disaient même que Fred était amoureuse de Boris, même si elle ne laissait rien paraître. En tout cas elle lui était indispensable. C’était son numéro deux. Elle s’occupait de tout le côté administratif du groupe : gestion du personnel, transmission des procédures et respect des délais lorsqu’il y en avait. Elle ne sortait pratiquement plus sur le terrain, sauf lorsqu’il fallait « filocher » quelqu’un. Fred était la reine de la « filoche », capable de suivre un suspect toute une journée sans qu’il s’en aperçoive, sans jamais gueuler ni fatiguer.
Vous avez des jambes, au bout de vos jambes, vous avez des pieds! Alors, action!
7 H 00
La chaleur était déjà étouffante dans les locaux de la brigade criminelle.
— Putain de merde ! Ils la réparent quand cette clim’ ? Dans n’importe quelle boîte privée, la CGT aurait déjà foutu la merde. Ils font quoi nos syndicats ?!
— Gueule pas Guillaume, dit Fred d’un ton las, ils annoncent des orages pour aujourd’hui. Bon, le rapport d’autopsie du chien vient d’arriver. Je l’amène à Boris.
— Bonjour, Commandant. Excusez-moi de vous réveiller si tôt, mais on a un problème sur le 13e. Un corps de femme découvert dans une friche, rue Brillat-Savarin. C’est pas joli, joli.
Boris, las de ce genre d’intervention trop matinale, soupira, avant de balancer :
— Il y a la permanence de nuit pour ça !
— Oui, je sais, mais…
— C’est un homicide ? coupa Boris, pressé d’en finir.
— Ça en a tout l’air, Commandant. Celui ou ceux qui ont fait ça se sont déchaînés. Le brigadier qui a découvert le corps a vomi.
— Il n’avait qu’à être postier ! maugréa-t-il.
— Pardon ?
— Non, rien.
Lui-même au début de sa carrière avait eu des réactions stomacales incontrôlées face à certains spectacles pas très ragoûtants.
Il regarda le réveil : 5 h 30.
« Merde », chuchota-t-il.
Couché à 3 h 00, après une soirée bien arrosée, il lui fallut un temps d’adaptation pour comprendre ce qui se passait.
Breton par son père, Polonais par sa mère, il avait hérité de ses deux parents, une stature imposante. Un mètre quatre-vingts pour cent deux kilos, sportif, il pratiquait le viet vo dao qu’il avait découvert chez les paras du 6e RPIMA de Mont-de-Marsan où il avait passé cinq ans.
Boris, commandant de police à la brigade criminelle, était le chef du groupe homicide au 36 quai des Orfèvres, depuis deux ans. Âgé de quarante-huit ans, marié à Soizic, la fille d’un marin-pêcheur du Guilvinec, depuis dix-sept ans, ils avaient deux enfants ; Marie seize ans et Yann treize ans. Ils habitaient une petite maison, rue des Bruyères à Sucy-en-Brie.
La sonnerie du téléphone vrilla les oreilles de Boris Le Guenn. Il se retourna brusquement et heurta sa femme avec son coude. Celle-ci maugréa dans son sommeil contre les flics, les téléphones qui sonnent la nuit et les maris brutaux.