Citations sur La saga d'Héloïse, l'apothicaire, tome 1 : Bayard et le c.. (49)
C'était une nuit sans lune. De grands nuages couraient dans le ciel, telles des cavales en furie. On eût dit une charge d'apocalypse, un choc de troupes affrontées. Le vent tourmentait les feuillages, jetant les arbres les uns contre les autres, arrachant les ardoises des toits. Et ses sifflements impérieux semblaient provenir de mille serpents assemblés, en cette nuit d'épouvante, pour gober le monde et détruire jusqu'au souvenir de l'humanité.
Les rumeurs ne valent que tant qu'il se trouve lèvres pour s'en faire l'écho.
Non, il n’aurait pu imaginer qu’il venait de croiser celle que tout homme, sans toujours oser se l’avouer, attend de rencontrer et qu’il cherche en vain en chacune des femmes qu’il lui est donné de croiser… ni que cette personne délicate serait étroitement mêlée à quelques-unes des plus sombres histoires criminelles de ce temps !
- Ma parole ! Mais tu es le diable ! rugit-il, une méchante grimace achevant d’enlaidir son visage boursouflé de pustules.
Le Défeurreur joignit les pieds et exécuta un salut impeccable avec son épée.
- Pire que cela, l’ami ! dit-il avec un brin d’ironie. Je suis ta mort en marche.
À une vitesse qui échappe à l’œil du commun, dans un geste d’une belle élégance, le « Défeurreur » déploya son bras qui tenait le poignard. L’arme, projetée avec une précision démoniaque, fendit l’air et vint se planter dans l’orbite droite du jeune homme. La lame creva le cristallin et pénétra directement dans le cerveau. Dans un mouvement au ralenti, Adelphe pirouetta sur lui-même et s’écroula sur les genoux avant de basculer en arrière. Il était déjà raide mort avant d’atteindre le sol.
L'entretien n'avait pas été à la hauteur de ce qu'il avait espéré. Le Milanais lui avait fait l'impression d'une anguille qu'il aurait cherché à attraper à mains nues. À aucun moment il n'avait réussi à le déstabiliser, et c'est lui au contraire, Bayard, qui avait dévoilé ses positions plus qu'il ne l'aurait souhaité. Il se le reprochait mentalement, et la colère qu'il nourrissait envers Nutti se doublait désormais de la certitude d'avoir trouvé en lui un adversaire potentiel diablement habile, pour qui, en toutes occasions, la fin devait justifier les moyens.
Après tout, les cachettes les plus évidentes ne sont pas toujours les moins bonnes.
- [...] Pour eux (en parlant des humanistes), l'homme est placé au centre de toutes choses. Ils s'appuient non pas sur les écritures saintes comme les auteurs de naguère, mais sur les textes des anciens Grecs. Platon, notamment, compte parmi leurs maîtres à penser. Ils s'appuient sur sa sagesse afin de bâtir une société différente, fondée non sur l'exploitation de l'homme par l'homme mais sur la perfection de la connaissance. Leur but est d'éduquer leur semblable pour le grandir.
Sa voix était redevenue hautaine et caverneuse.
— À l’avenir, mon bon ami, souvenez-vous que je suis seul à choisir les gens qui me servent. Quand j’aurais décidé du comparse qui vous secondera en notre affaire, c’est bien assez tôt que je vous le ferai savoir.
Un gloussement étouffé vint ponctuer les paroles de l’homme masqué, tandis qu’il essuyait négligemment sa lame ensanglantée sur le pourpoint de son vis-à-vis.
Au fardeau du temps qui file et jamais ne s’en revient, s’ajoutaient les soucis de sa charge.