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EAN : 9782021427424
336 pages
Seuil (29/08/2019)
4.2/5   10 notes
Résumé :
Depuis près de trente ans, où sont passés les myriades d'insectes qui, sur la route des vacances, venaient s'écraser sur les pare-brise des voitures ? Au début des années 2000, les géants de l'agrochimie ont installé l'idée que la disparition des insectes serait une énigme, due à de multiples facteurs (destruction des habitats, maladies, espèces invasives, mauvaises pratiques apicoles, changement climatique...).
Mais des travaux toujours plus nombreux indique... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Il s'agit de dénoncer l'usage des nouveaux pesticides (de la famille de néonicotinoïdes, car dérivés de la nicotine, surpuissants, quelques parties par milliards dans les airs suffisent à dérouter des abeilles et les tuent en huit jours - or on produits des graines "enrobés", donc vendues toutes entourées de ces pesticides afin que la plante grandisse avec et soit "immunisée" préventivement toute sa vie) et des fraudes de leur fabriquant, Bayer, pour en imposer l'usage, jusqu'à leur interdiction, en France d'abord, puis ailleurs dans le monde.

C'est donc un recensement des méthodes criminelles employées par les chimistes qui s'achève cyniquement (les pesticides sont inutiles) et avec défaitisme (les néonicotinoïdes ont été ou sont sur le point d'être interdits, mais d'autres types de pesticides surpuissants sont sur le point d'être homologués, avec les mêmes méthodes frauduleuses, reprises aux fabriquant de cigarettes US précédemment).

Un essai qui donne envie de manger bio et local. Dans le journal la semaine dernière : une homologation française qui limite l'usage des pesticides mais autorise l'importation de produits qui ont poussé avec.

C'est une étude sur la disparition des abeilles, constatées dans les années 90 en France, concomitamment à l'usage d'une nouvelle famille de pesticides, les néonicotinoïdes, et, en l'occurrence, l'imidaclopride, un insecticide utilisé sur le tournesol. Pendant quatre ans, Bayer, le fabriquant nie. Toute cette famille sera interdite en 2008 en France, puis aux Philippines, et trois produits par l'Ue, certains aux EU aussi. Entre temps : pression, tentative de diversion des causes sur des tiques (auxquelles sont en réalité plus sensibles les abeilles exposées, mais qui meurent de l'exposition, pas de la tique), création d'organismes « Bee Care Center » pour redorer son image par Bayer et surtout dévier l'attention en finançant des recherches sur toutes les autres causes listées de la mort des abeilles considérées comme mystérieuses (et sans que le mot pesticide n'apparaisse jamais), des comptes-rendus falsifiés par Bayer, mais aussi… les ministères français (!) et… le CNRS sur des rapports de ses propres chercheurs (!), des « erreurs » de classifications des produits par les fabricants pour obtenir leur homologation, des méthodologies établies avec des précisions minimales supérieures à celles qui révéleraient la présence du produits, ou qui établissent des comparaisons entre champs « exposés » et champs « témoins » qui sont, eux-aussi, traités, mais avec d'autres pesticides, histoire de montrer qu'avec le produit incriminé il n'y a pas de différence, des licenciements et des rétrogradations – avec toujours ce même discours : pas vu pas pris, tant que la démonstration des effets de mon produits ne sont pas faites, j'attaque en diffamation tous ceux qui en refusent l'homologation et l'achat… et je traficote autant que je peux les méthodologies pour les trouver. Triste. Noir. Et désespérant.

Ces méthodes seraient reprises ou auraient été mises en oeuvre une première fois dans le secteur du tabac. Et aujourd'hui, 75% d'insectes volants en moins dans les campagnes, 10 à 40% d'abeilles en moins en Europe et 30% d'oiseaux en moins. Et même si ces produits sont interdits, les méthodes, elles ne changent pas : d'autres produits sont en cours d'homologation. En conclusion : corruption, corruption, corruption, permise par cupidité et laxisme, incompétence et suivisme, mais aussi l'urgence de l'action, la menace de l'échec ou de l'incrimination… La solution ? relâcher un peu la pression, consommer local, arrêter de suivre les cadences imposées par les grandes groupes, les grands organismes, les autorités lointaines – et vivre sa vie loin de tout cela.

[L'histoire : d'abord Bayer nie, le ministère organise un comité et Bonnatin se propose pour faire des tests, la demande est de ne pas descendre sous 10ppb, il se trouve que Bayer fait partie du comité et on démontre que ce chiffre relève de la méthodologie de Bayer : il descend exprès à 1 ppb : tout est contaminé. Dès l'annonce, Bayer débarque dans le laboratoire pour chercher des prétextes pour invalider les résultats. Fin 98, il présente officiellement ses résultats (à la Commission des toxiques ComTox) sur le tournesol, et déborde à la fin sur ses résultats sur le pollen de maïs : le rétroprojecteur est coupé et il est viré de la réunion. Question ? est-ce que ces concentrations tuent ? La ComTox répond que les abeilles ont des troubles du comportement à quelques ppb. On fait des tests dans les champs dont les champs témoins sont « non traités » (au néonocs, mais ils le sont avec du gaucho, plus toxique, ou au lindane), sans que cela ait été dit. C'est écrit dans les rapports, mais pas dit dans les communications au public. C'est relativement à ces champs que l'effet des néoatics sont testés : Bayer avait en fait accès aux champs durant toute la durée des tests. Bonnatin et Marc-Édouard Colin contactent libération. Quelque jours après, Bayer écrit au CNRS qu'il se désolidarise de Bonnatin et demande que le CNRS fasse un rappel à l'ordre l'accusant de prétendre que Bayer a délibérément menti. Et il reçoit une menace des avocats de Bayer pour des condamnations pénales pour diffamation. Bonnatin monte un dossier complet pour soutenir ses propos et le montre au CNRS. « Au cours de la seule année 2001, trois responsables de syndicats apicoles sont poursuivis pour dénigrement – c'est-à-dire pour avoir prétendu que l'insecticide de Bayer tuait leurs insectes. La firme sera déboutée. », p. 78
Puis en janvier 1999, le ministre Glavany applique le principe de précaution et suspend l'usage de l'imidacopride sur le tournesol (mais pas le maïs). Après publication des études, d'autres suivent : la toxicité chronique (exposition régulière) est plus toxique que des troubles du comportement : mort des abeilles en 8 jours. Fin 2001, nouvelles publications d'autres chercheurs. le ministère organise un groupe ad hoc. Fin 2002, les chercheurs envoient une première version au ministère, qui l'envoie aux apiculteurs qui l'envoient aux chercheurs qui sont estomaqués : ce n'est pas celle qu'ils ont envoyée ; le ministère aurait donc modifié le rapport. Publication fin 2003 : limitruc tue. 2004, suspension de l'autorisation de l'imi truc pour le maïs sur le marché.]


En fin d'ouvrage, il est dit que ça ne sert à rien : sans pesticide, les plantes poussent très bien – en Italie des régions ont refusé l'usage des pesticides et proposé en contrepartie, en cas de problème, des assurances : elles qui coûtent un dixième de ce que les agriculteurs (et donc les européens par la PAC paient pour acheter les pesticides) suffisent à les indemniser en cas d'attaques sur les récoltes.

À voir la conférene de Pierre-Henri Gouyon sur le même sujet, passionnante, qui s'est tenue le 27 février 2024 : https://www.youtube.com/watch?v=tWjCGKIBVXM

Le titre est une référence à "Silent Spring" de Rachel Carson qui envisageait qu'un jour, peut-être, on n'entendrait plus les oiseaux chanter parce qu'ils auraient disparu.
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Je l'ai trouvé vraiment intéressant et instructif. Avec des apports scientifiques, ce livre nous fait prendre conscience d'une urgence concernant la biodiversité. Les insectes sont de moins en moins présents, et n'importe qui peut le remarquer ! L'auteur parle des pesticides, des gouvernements, des lois, des lobbys, des entreprises que des recherches faites sur le sujet. C'est à la fois passionnant et affolant. Malheureusement, je ne pense pas que quelque chose sera fait, car il est déjà question de créer des abeilles mécaniques pour combler le manque... plutôt que de réparer ses erreurs, l'humain préfère s'enfoncer. La technologie, c'est bien. Mais un jour, elle nous lâchera, et on sombrera bien bas !
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Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
ces résultats valident ses trente années [ à Lorenzo Furlan] d’observation de la pression des ravageurs en Vénétie : dans environ 95% des cas, les traitements systémiques sont inutiles. C’est-à-dire que dans environ 95% des cas leur seul et unique impact est de contaminer l’environnement, de détruire les pollinisateurs et de produire tous les effets en cascade décrits dans les pages qui précèdent [plus d’insectes, d’oiseaux]
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Tous [les apiculteurs] pointent la coïncidence frappante entre l’arrivée en 1993 d’un nouvel insecticide utilisé sur le tournesol, l’imidaclopride, commercialisé par Bayer sous le nom de Gaucho, et la survenue de leurs problèmes, qui deviennent plus aigus avec la floraison des cultures traitées. […] Pendant trois ans, jusqu’en 1997, nombre d’apiculteurs français voient ainsi la mortalité augmenter de manière alarmante dans leurs ruchers, la vitalité de leurs colonies s’éroder et leurs récoltes de miel s’effondrer. Pour Bayer, producteur de l’imidaclopride, le lien entre son produit et les troubles des abeilles est hautement improbable […] Cette position sera réaffirmée publiquement par Bayer jusqu’en novembre 2000 au moins. Mais sous la pression des apiculteurs, le ministère de l’Agriculture organise en septembre 1997 une réunion entre parties prenantes et experts, et lance un appel à projets, pour que la recherche s’empare des questions posées par la situation et mette toute le monde d’accord. […] dans la lettre de mission officielle qu’il reçoit du ministère de l’Agriculture pour conduire ses travaux [Jean-Marc Bonnatin] remarque [qu’] il lui est demandé de veiller « à travailler avec la limite de détermination la plus basse possible, sans toutefois descendre à une valeur ingénieurs à 0,01 milligramme par kg3 » […] Dans une magistrale analyse de ce cas, deux chercheurs, Laura Maxim (CNRS) et Jeroes van der Sluijs (Université de Bergen), observent malicieusement que ces fameux 10ppb de limite de détection à ne pas enfreindre étaient alors précisément la limite fixée par Bayer dans sa propre méthodologie. […] Jean-Marc Bonnatin ne suit pas exactement les consignes à la lettre : il abaisse la sensibilité de son test à 1 ppb. « Quand on travaillait avec une sensibilité de 10 ppb, on voyait parmi tous les échantillons que très peu étaient contaminés, raconte-t-il. Mais en abaissant la sensibilité à 1 ppb, tout apparaissait. En réalité, presque tout était contaminé. » La plupart des échantillons de nectar et de pollen de tournesols traités comportaient des concentrations d’imidaclopride supérieures à 1 ppb. « Dès que j’ai obtenu ces résultats, j’ai prévenu oralement les responsables du ministère, raconte le professeur. Presque aussitôt, j’ai reçu un coup de téléphone de Bayer me prévenant qu’ils viendraient visiter le laboratoire, pour s’informer sur les résultats. » L’arrivée des envoyés de la firme agrochimique choque le chimiste français qui parle même d’une « descente ». « Au début, je pensais que nous parlions entre scientifiques : j’ai tout dévoilé de notre méthodologie, je leur ai tout montré, dit-il. […]
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En 2008, la suspension par le gouvernement italien de certaines utilisations de néonics donne à l’agronome l’opportunité de mettre en application l’idée qui le taraude depuis près de trois décennies. Avec la complicité d’un autre scientifique, Filippo Codato, il met sur pied un Fonds mutuel d’assurance récolte. Le fonds est créé en 2014 et entre en fonctionnement l’année suivante, et fédère trois ans plus tard des exploitations représentant environ 50 000 hectares. Le principe est d’une simplicité déroutante : chaque maïsiculteur souhaitant adhérer verse au Fonds une somme de l’ordre de 3 à 5 euros par an et par hectare. En cas de perte de récolte ou de rendement dû à une attaque de ravageur, il est indemnisé. Entre 3 et 5 euros par hectare, c’est entre sept et dix fois moins cher que barder ses semences d’une armure de néonic. Il faut se le répéter pour y croire : sept à dix fois moins cher que la chimie ! De fait, le résultat des deux premières années de fonctionnement du fonds est à peine croyable. Selon les chiffres de M. Furlan, le fonds a en moyenne récolté quelques 160 000 euros par an et en a reversé 83 000 euros, en raison de dommages constatés sur des récoltes. Même avec une contribution financière presque 10 fois inférieure aux sommes dépensées en assurance néonic, les dommages infligés aux cultures en l’absence de toute traitement préventif sont si faibles que seule la moitié des sommes collectées par le fonds ont été in fine reversées !
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« Epilobee » est une enquête épidémiologique inédite, d’une ampleur considérable, financée sur les deniers de Bruxelles. La Commission a consacré plus de 3 millions d’euros à ce projet. Conduite dans dix-sept pays de l’Union, elle est la première à ausculter, avec un protocole unifié, les données de mortalité des abeilles domestiques, de la Finlande à la Grèce en passant par la Belgique, le Royaume-Uni et la France… Plus de 1 300 inspecteurs ont visité, à trois reprises, entre l’automne 2012 et l’été 2013 près de 3 300 ruchers représentant plus de 30 000 colonies d’abeilles – l’expérience se poursuivra en 2014 […] La Belgique apparaît comme le territoire le plus touché avec un taux de mortalité moyen de 38,5%. La Suède (31,1%), la Finlande (29,8%) et la France (27,7%) sont également parmi les pays les plus touchés. Les apidologues considèrent généralement que le taux de mortalité « normal », celui qui était généralement observé avec les années 1990, tourne autour de 5%. Les pays du Sud semblent moins touchés, avec des taux de l(ore de 10% en Grèce et en Italie et un peu plus de 15% en Espagne. […] à chaque visite sur les ruchers entôlés dans l’étude, les inspecteurs notent les mortalités constatées et relèvent la présence de pathogènes comme les parasites varroa ou nosema… mais aucune mesure de résidus de pesticides dans les ruches n’est conduite. On cherche les pathogènes, on ferme les yeux sur les pesticides.
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Dans une analyse d’impact publiée dans les actes d’un colloque tenu en 2017 à Valence (Espagne), des écotoxicologues de Bayer CropScience, BASF, et DOW AgroScience, Syngenta et autres estiment que le seul fait de tester les risques liés à une exposition chronique des abeilles – comme prévu par le nouveau « document-guide » de l’EFSA – se traduirait par un accident industriel majeur. « Pour cette évaluation, 79% de tous les usages d’herbicides, de même que 75% des usagers de fongicides ne passent pas le test, de même que 92% des usages des insecticides », écrivent-ils. Au total, poursuivent-ils, cela signifierait que, dans 82% des cas, les molécules seraient considérées comme à haut risque pour l’abeille et des données supplémentaires, très coûteuses à obtenir (études en plein champ, analyse des quantités résiduelles retrouvées, etc.). Conclusion : « Le document-guide de 2013 de l’EFSA est « intravaillable » dans sa forme actuelle et conduira à un échec systématique pour presque toutes les substances.
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Vidéo de Stéphane Foucart
Réchauffement climatique, extinction de centaines de milliers d'espèces, pollutions globales, guerres de l'eau et d'autres ressources, migrations massives... tous ces dangers convergent et se démultiplient en un péril unique que des certains ont commencé à envisager : celui d'un effondrement global de la civilisation, voire de la biosphère elle-même, engagée dans une tragique « sixième extinction ». Première grande synthèse sur cette question d'urgence, quarante spécialistes de toutes disciplines nous livrent ici le fruit de leurs travaux – les philosophes Dominique Bourg et Christian Godin, l'agronome Pablo Servigne, les historiens Jean-Baptiste Fressoz et Valérie Chansigaud, le militante écologiste Lamya Essemlali et la femme politique Delphine Batho, l'ingénieur Philippe Bihouix, la juriste Valérie Cabanes, le biologiste Pierre-Henri Gouyon, le journaliste Stéphane Foucart, l'économiste Gaël Giraud et tant d'autres. Sous la direction du journaliste Laurent Testot et de l'expert en risques Laurent Aillet, Collapsus dresse un état des lieux et nous aide à comprendre les dynamiques en cours afin d'engager nos choix citoyens.
https://www.albin-michel.fr/ouvrages/collapsus-9782226448972
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