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Critique de Chri


Chri
02 février 2021
Ennuyeuse, irritante ou stimulante,
l'analyse du néolibéralisme selon Michel Foucault,
ne peut pas laisser indifférente...

Le sujet nous mène tout droit à l'actualité gouvernementale,
car ce néolibéralisme est apparemment partout à l'oeuvre :
en Allemagne dès l'après-guerre, aux États-Unis,
et en France déjà sous la présidence de Giscard...

L'histoire du néolibéralisme, qui est donc le sujet de ce livre,
regorge de témoignages, à saisir,
pour réviser ses connaissances,
ou tenter à son tour, sa propre révision de l'histoire...

Parmi cette centaine de témoignages,
on remontera par exemple au libéralisme de Adam Smith,
avec sa formule de la « main invisible »,
Puis au néolibéralisme, en question dans le colloque Walter Lippmann, etc..

Mais il faut un témoignage pour conclure la série :
un certain Becker éclaire enfin ce qu'est l'utopie biopolitique :
l'application au niveau gouvernemental,
de l'étude systématique des comportements humains,
en réaction à des variables contrôlables du milieu...

Il semble, d'ailleurs, que Foucault prenne un malin plaisir,
à ne pas commenter les aspects les plus rebutants du néolibéralisme ;
Il passe ainsi rapidement sur l'eugénisme,
ou la programmation de la « sélection des plus aptes » ;
Il passe aussi sur l'expression « fabrique du consentement » du fameux Lippmann ;
Ces silences embarrassants,
laisseront à chacun le temps de la réflexion,
Pour certains, le temps de la tentation néolibérale...

Si ce témoignage de l'utopie biopolitique doit conclure la série,
c'est qu'il intervient apparemment à l'opposé du laisser-faire,
caractéristique de la doctrine libérale classique ;
C'est du moins ce que Foucault reconnaît à l'homo economicus,
ou sujet d'intérêts :
à savoir la liberté irréductible de définir ses intérêts...

Mais il reconnaît aussi plus tôt, dans le libéralisme,
un régime politique qui ne fabrique des libertés,
que pour les consommer ;
Des libertés à marchander,
donc réductibles à leur contrepartie,
voilà la vision ;
Et d'ailleurs, transactions ou contrat (social), quelle différence ?

Le néolibéralisme retrouve ainsi sa continuité avec le libéralisme,
dans l'économisme, ou l'analyse économique appliquée systématiquement,
à tous les comportements des humains, pris comme des entreprises...

La formule classique du « laisser-faire »,
c'est l' « open bar » pour des nations européennes
face à un marché mondial virtuellement illimité ;
Puis la loi du marché s'exprime par la formule,
« L'inégalité égale pour tous ! » ;
La rareté des ressources en toile de fond,
fait résonner la formule comme la fin de l'histoire ;
En 1978, on sait qu'il y des signaux écologiques qui alertent,
sur cette folle manière de penser,
mais Foucault y est totalement insensible...

Tout absorbé dans l'inertie d'un monde chosifié,
il finit ainsi de dresser son histoire, dans son laboratoire,
ajoutant une pincée de formules sensationnelles :
Ce qui ressort de la volonté d'un peuple serait dépassé ;
Les droits de l'homme seraient « rétro-actionnaires » ;
L'économie serait, quant à elle, une « discipline sans Dieu »...
Pour ma part, je dirai exactement le contraire,
en songeant à Dieu comme l'extension logique de l'Ego (Jim Morrison)...

En un mot, le gouvernement libéral aurait inventé le pragmatisme,
le jeu gagnant-gagnant versus le jeu à somme nulle, etc..
C'est à coups de marteau,
que l'auteur fait ainsi entrer les artefacts de ses fouilles,
dans les strates bien ordonnées de son histoire...

Mais sur le sol contemporain, c'est la panne d'imagination,
L'engluement dans son sujet, le néolibéralisme ;
Son analyse de la société civile tente, sans conviction,
de retrouver un sens social concret,
à partir d'une situation qu'il a d'abord rendu abstraite,
entre volonté collective suspecte,
et égotisme blanc comme neige ;
- soupir face à son public au collège de France -
Peut-on imaginer un autre art de gouverner ?...

Face à son public,
il rappelle aussi la méthode d'étude des réalités humaines ;
qu'il a déjà appliquée à divers aspects,
comme la folie, la criminalité ou la sexualité ;
Or, tous ces témoignages recueillis,
comportent leur part irréductible de liberté ;
de mauvaise foi en particulier ;
Est-ce que ce sont des choses qu'on peut classer,
dans des strates archéologiques ?...

Cette lecture aura-t-elle été assez stimulante ?
Permet-elle, par exemple,
de répondre aujourd'hui à ces slogans de supporters trumpistes :
« liberties not liberalism »,
ou dans le style “fun” d'une élue républicaine :
“I don't wear a mask for the same reason I don't wear underwear ;
Things gotta breathe.”...

Les enregistrements audio de ce cours au collège de France,
sont disponibles ici en douze parties ;
Voici le lien vers le 1er de la série :
https://youtu.be/U0c4bwrrwcw
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