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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Surveiller et punir est incontournable pour déchiffrer les mécanismes moderne d'exercice du pouvoir disciplinaire. Prison, école, hôpital...toutes les institutions apparaissent progressivement comme des espaces de contrôle des corps, d'administration des âmes et de normalisation de la pensée. Plus qu'un ouvrage philosophique, Surveiller et punir se veut une généalogie, le produit d'un archéologue qui fouille dans les strates de l'histoire de la pensée, à la recherche des motifs qui ont conduit à la fabrication du pouvoir moderne. D'une plume profondément littéraire. Brillant?
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Les prisons forment un monde mystérieux, et objet de tous les fantasmes. Perdu entre ceux qui s'indignent de l'état de délabrement de nos prisons actuelles, et ceux qui s'indignent tout autant que les prisonniers aient assez d'espace dans leur cellule pour étendre leurs jambes, confort qu'ils ne méritent certainement pas, une question se pose rapidement : qu'est-ce qu'on attend réellement de nos prisons à notre époque ? Cet essai de Michel Foucault nous fournit de bonnes bases de réponses.

Réponse qui commence par un nécessaire historique du système pénal en France : d'abord expression de l'autorité et de la puissance du souverain, et donc « forcée » de répliquer à chaque infraction par un coup plus dur, on glisse progressivement vers une justice qui doit « réparer » le coupable et le réinsérer dans la société. On ne juge plus un acte, mais la personne dans son ensemble : quelle est sa part exacte de responsabilité dans l'acte qu'elle a commis, et surtout, quels sont les risques qu'elle recommence ?

Si les premiers penseurs imaginent des punitions directement liées au crime commis, le système carcéral vient balayer toutes ces idées et s'affirme capable de corriger n'importe quel coupable. Les mécanismes se mettent en place : surveillance continue, recensement de tous les bons et mauvais comportements, consignes à respecter scrupuleusement, … Ces mécanismes sont vite adoptés par toute une foule d'autres institutions : école, armée, hôpitaux, entreprises, qui y voient le moyen idéal de gérer des groupes importants en imposant une normalisation de chaque individu.

L'essai est assez dense, et bouscule beaucoup d'idées préconçues : quand on ne connait pas un sujet, on a tendance à le voir de manière linéaire (tout était très mauvais il y a des siècles, et chaque décennie fait un pas vers le mieux). le constat sur la prison est sévère, et est présenté comme un échec. Difficile pourtant d'imaginer une solution alternative, tellement elle s'est imposée comme une évidence de nos jours. On peut aussi se demander s'il est possible d'instruire et de faire travailler des milliers de personne sans les formater quelque peu auparavant. Si le coeur crie « oui ! », trouver des alternatives qui tiennent la route est loin d'être simple. En bref, « Surveiller et punir » nous force à nous interroger sur le bien-fondé de mécanismes qu'on a acceptés depuis longtemps sans trop se poser de questions.
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Comment est-on passé du supplice à la discipline? La question que pose Foucault est complexe. Il montre pour commencer la justice telle qu'elle se jouait durant l'Ancien Régime. Il s'agit de punir les crimes en fonction du préjudice subi par la société et, à travers celle-ci, par le roi. le supplice avait valeur d'exemple. Il était un spectacle, la vengeance d'une société bafouée. Plus le crime était odieux, plus la souffrance du criminel, celle de son corps, augmentait. Rapidement pourtant, vers la fin du dix-huitième siècle, un système tout autre se met en place, celui de la prison. Foucault tente de comprendre le succès de cette institution pourtant décriée dès ses débuts avec les mêmes arguments qu'on entend aujourd'hui encore : inefficacité, production de criminalité, création de récidive, etc. Il montre que c'est à travers la discipline, c'est-à-dire la volonté et la capacité d'une surveillance constante des individus en vue de les ramener sur le droit chemin, que la prison devient un modèle. Il montre que le pouvoir s'y cache tout en s'y renforçant et que la dimension disciplinaire du pouvoir n'est pas l'apanage de la seule prison, qu'elle se manifeste à l'armée, à l'école, dans les usines, bref, qu'elle quadrille la société pour mieux contrôler que chacun est à sa place. Nous vivons encore sous le joug de la discipline. Comment s'en libérer?
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Hormis l'histoire intellectuelle au sens strict et l'histoire des théories philosophiques, il m'a toujours paru très avantageux, dans tous les cas, d'associer l'étude de la philosophie à celle de l'Histoire. Il en est ainsi dans ce grand classique que j'ai beaucoup tardé à prendre en main. Deux évolutions survenues à l'âge classique (XVIIe – XVIIIe s.) : les réformes judiciaires qui, partout en Europe suite à Beccaria, visent à transformer la sanction pénale du supplice du corps du criminel à la réhabilitation de son âme, et une invention architecturale due à Bentham, le Panopticon, qui permet de surveiller un grand nombre de détenus simultanément et sans être aperçu, donnent naissance à la prison moderne, et par là même elles révolutionnent dorénavant l'esprit et la pratique de l'exercice du pouvoir et de la domination, par la généralisation de la notion de « discipline », héritée des ordres monastiques, appliquée et diffusée dans tous les domaines de la société : en particulier à l'école, à l'armée, à l'atelier, à l'hôpital et naturellement dans le judiciaire.
Les philosophes du droit des Lumières préconisaient l'abolition de l'aspect spectaculaire des punitions, de leur côté inhumain, cruel et arbitraire, ils aspiraient à justifier les peines à l'aune de leur utilité pour la resocialisation du criminel par le travail, la morale et l'hygiène de vie. Mais leur démarche s'inscrit dans une autre tendance historique lourde : celle de la surveillance des masses, de la normalisation des comportements par la sanction, de leur adaptation par la domination (« dressement ») à une rationalisation de la production, de l'apprentissage, de la guerre au moindre coût et moindre risque de rébellion, et enfin de la production d'un savoir sur l'humain conforme au pouvoir et de la standardisation de telles connaissances avec la diffusion de l'examen. Si les peines deviennent plus douces, la punition se généralise, et c'est l'omniprésence de la détention dans les prisons modernes, fondées sur la « cellule », bien que des études très précoces – pratiquement contemporaines de la réalisation du judiciaire « tout-prison » dès la première moitié du XIXe s. – montrent ce que l'on dénonce aujourd'hui aussi : la prison crée la récidive, elle transforme le délinquant occasionnel en professionnel du crime, le régime carcéral hors du tribunal tend à moduler la peine selon la personne du criminel et son statut social plutôt que selon la gravité du crime et sa nuisance pour la société. Mais Foucault va plus loin : le carcéral, exercice de la discipline par excellence et pour l'exemple, tout en rendant les corps « dociles et utiles », crée la délinquance voire une figure spécifique du délinquant, en sélectionnant parmi les illégalismes ceux qui sont le plus conformes au dessein général du pouvoir : le contrôle maximum et la manipulation des forces sociales par la discipline. S'il vivait aujourd'hui, il trouverait une confirmation de sa thèse dans les nouvelles formes de surveillance ainsi que dans le nouveau discours sur la sécurité...
Tout cela est démontré, par une profusion de textes divers qui parfois versent dans le sordide, uniquement comme une archéologie de cette métamorphose caractérisant la modernité, c'est-à-dire par des textes du XVIIe, XVIIIe et de la première moitié du XIXe s. : l'ouvrage se clôt assez brutalement, sans un point, comme saisi par l'immensité de l'évocation de ses derniers mots : « il faut entendre le grondement de la bataille », par la note suivante : « J'interromps ici ce livre qui doit servir d'arrière-plan historique à diverses études sur le pouvoir de normalisation et la formation du savoir dans la société moderne. »
Et en effet la frustration est constante, durant la lecture, de rechercher des clés d'interprétation des réalités contemporaines, a minima par analogie, alors que le texte apporte toujours un grand soin à cadrer sa démonstration dans le strict respect du contexte thématique et historique. Les innombrables commentateurs et tous ceux qui citent cet ouvrage ne se sont pas privés de faire le saut (et mes cit. ci-dessous ne font pas exception) au point que je n'avais pas du tout imaginé que cet essai était un livre d'Histoire...
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Un livre essentiel et un livre très dur à lire.
Michel Foucault a l'art de raconter et de mettre en lumière faits historiques et mouvements de pensées. Néanmoins certaines parties décortiquant et retranscrivant des scènes de supplices m'ont marqué au point que j'ai sauté des pages.
La réflexion sur le système historique de mise en scène collectif par le spectaculaire jusqu'à l'invisibilité des peines actuelles par le maintien, la maîtrise et l'ordre est passionnant. le raccordement à la place de la religion et / ou des Lumières est vraiment intéressant et donne à voir la gestion du judiciaire et son histoire comme miroir d'une société et de sa santé.
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Après la théorie de la justice de John Rawls, je suis de nouveau confronté à une lecture qui a pour thèmes la justice et les idées utilitaristes de Bentham. Mais cette fois, l'ouvrage est bien plus abordable et agréable à lire, malgré la complexité du sujet traité. Peut-être parce que Foucault écrivait en français tandis que l'ouvrage de Rawls a été traduit de l'anglais. Dans cet ouvrage, considéré comme l'un des plus important de Michel Foucault, l'auteur explique comme est apparu la prison moderne dont le type panoptique est le modèle par excellence. de "l'exécution spectacle " dont le régicide Damiens a été l'une des victimes les plus célèbre à l'enfermement (couvents, maisons de fous, atelier-manufactures, etc.) puis à la prison moderne dont Mettray est la forme la plus aboutie en 1840, plusieurs siècles se sont écoulés accompagnés de réflexions diverses dont Bentham a été l'un des plus important contributeur. Outre l'apparition de la prison moderne, Foucault explique le rôle de la prison comme expression du pouvoir de l'Etat. La prison comme forme de privation de liberté est t-elle une punition ? Vise t-elle à remettre dans le droit chemin les "mauvais citoyens" ? Ou au contraire comme le prétend ses détracteurs dès son apparition, la prison est t-elle une fabrique à délinquant ?
Surveiller et punir a été une agréable surprise d'autant que le sujet ne me paraissait pas si accessible de premier abord.
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Un livre à lire absolument.
Une brique nécessaire à la compréhension de notre société, sous l'angle de son mode de fonctionnement central : le "carcéral continu", le tout dans le cadre de la recherche de disciplination du citoyen, et conséquemment de sa normalisation.
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Un texte dense, précis, hyper documenté, d'où Michel Foucault, grand penseur du XXe siècle, tire le portrait d'une société qui a fait du contrôle un modèle de construction sociale.
Parfois difficile à appréhender, souvent passionnant, Surveiller et Punir, en plus de nous faire comprendre l'histoire de la "prison", dresse un constat qui n'a pas perdu de son actualité.
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Un essai sur la prison, l'éducation, la surveillance, sur la liberté au sens large, sur l'illusion de la liberté. Cet ouvrage m'a beaucoup apporté sur toutes ces notions.
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