Sitôt reçu, sitôt lu. J'ai eu pourtant beaucoup de mal à synthétiser une critique de cet ouvrage. Cela est en grande partie dû à son architecture.
Mais commençons par le commencement.
Dans le cadre de l'opération Masse Critique, j'ai eu le plaisir de recevoir ce livre en ayant coché au hasard plusieurs cases ; l'objectif étant d'être totalement surpris !!
A première vue, Il s'agit d'un ouvrage esthétiquement beau et très agréable au toucher. L'illustration de la couverture me plaît. La couverture est intrigante à plusieurs titres. Tout d'abord, je ne connais pas
Antoinette Fouque. Les termes « génésique » ainsi que « féminologie » ne me disent rien de prime abord. le « III » me déçoit un peu (dois-je connaître le « I » puis le « II » pour comprendre le « III » ?). Enfin, la maison d'édition "des femmes" m'est totalement inconnue…
Décidément, pour une surprise, c'en est une !!
Le quatrième de couverture me renseigne sur l'auteure, cofondatrice du Mouvement de Libération des Femmes. C'est un mouvement qui a souvent été décrié, critiqué, jugé, … je vais enfin pouvoir me faire une idée plus précise du M.
L.F.
Génésique a deux sens. le premier : qui a rapport aux faits physiologiques de la génération. le second sens : qui a rapport à la genèse d'un corps, d'une substance, d'un être.
Féminologie : « science pour rendre compte des faits, de la vie, de l'existence de femmes. » P152
Revenons à l'architecture de cet ouvrage.
Cet essai est composé par une succession d'extraits d'entretiens ou d'articles qu'
Antoinette Fouque a réalisé de 1974 à nos jours. Cette technique a pour avantage de rendre la lecture plus facile, d'aérer le texte, de permettre à partir de mots simples d'exprimer des notions et des idées très importantes. En résumé, de vulgariser la
psychanalyse créée par l'auteure. Mais, ce procédé d'édition a aussi, à mes yeux, le gros inconvénient de faire apparaître beaucoup de redites, de rabâcher les mêmes notions, certes très intéressantes, mais qui finissent par lasser le lecteur que je suis.
Cet essai est donc divisé en trois parties que je trouve assez inégales en tout point.
La première partie « la gestation comme paradigme de l'éthique » constitue la notion essentielle de cet essai. Tout au long des 74 pages, les notions de gestation, de femmes porteuses (à différencier de mères porteuses), d'anthropocultrices sont très bien expliquées. Les travaux de
Lacan et
Freud sont aussi abordés de belle façon.
La deuxième partie narre les conditions de l'époque qui ont fait éclore le MLF. Plusieurs entretiens ont vivement attiré mon attention.
Tout d'abord, la « confrontation » entre
Antoinette Fouque et
Benoîte Groult (journaliste, écrivaine et militante féministe) qui permet de faire la différence entre les termes et notions de féminologie et de féminisme (très différents, figurez-vous !!).
L'entretien mené par l'auteure auprès de
Aung San Suu Kyi est celui qui m'a le plus plu.
Il met en exergue leurs différences de point de vue de femmes entre l'Occident / l'Orient, pays riche / pays pauvre, démocratie occidentale / orientale. le message porté par cette femme politique birmane, prix Nobel de la paix, me semble être la meilleure des voies pour que le statut de la femme progresse dans le monde ; sa « stratégie » me semble plus intelligente, plus réfléchie.
La troisième et dernière partie s'intitule « libido creandi ». Tout un programme …
Et, à ce moment, je me tourne vers ma bibliothèque, je sors ma calculatrice :15%. Quinze malheureux petits pour cents de mes ouvrages sont
écrits par des femmes. Mon côté féminin en prend un coup, je sens la révolte qui monte en moi. Et là je dis, oui, bravo Antoinettte, il fallait la créer cette maison d'édition « des femmes » pour que retentisse la voix des femmes dans le monde (voir P118). Bouquet final, un entretien avec
Benjamin Moser, biographe de Claire
Lispector. Un régal !!
En conclusion, pour « l'être humain du genre masculin » que je suis, cet ouvrage m'a permis de prendre conscience de ce qu'est une femme du point de vue psychanalytique, de la difficulté qu'elle peut avoir de faire sa place dans la société, de son rôle essentiel dans l'avenir de notre société. Pour utiliser le même type de vocabulaire utilisé par l'auteure qui, à bout de champ dit que notre société est phallocentrée depuis la nuit des temps (ce qui, après réflexion, m'apparaît comme certain), je dirais, que cet ouvrage est un peu trop « utérocentré ». C'est évidemment de bonne guerre, mais le fait d'occulter totalement le genre masculin (à quelques passages près) rend cet ouvrage « -iste » (extrémiste, féministe, …).
Antoinette Fouque excelle quand elle parle des autres femmes (
Aung San Suu Kyi,
Lispector, ..). Je la trouve moins convaincante quand elle théorise sur la féminologie.
Babéliots, babéliotes, à vous de vous faire une idée. Je tiens à votre disposition cet ouvrage afin que son message puisse être transmis au plus grand nombre d'entre nous.
Encore merci aux éditions « des femmes ».