C'est une plaisante idée de la part des civilisés et barbares que d'avoir attaché le grade de sainteté à des pratiques inutiles au genre humain, à des prières et austérités qui ne font le bien de personne, pas même de celui qui s'y voue. Il semble que les civilisés qui se vantent de perfection auraient dû, ce sur point, se distinguer des barbares ; ils ont au contraire enchéri d'absurdités et l'on peut défier à l'esprit humain d'inventer rien de plus inutile que la conduite des saints de l'âge moderne. Si l'antiquité civilisée eut ses ridicules, elle fut du moins exempte de celui-là.
En général l'homme civilisé, le père de famille est religieux par spéculation pour contenir des enfants et des valets, mais la femme est religieuse par illusion, pour chercher en Dieu et en l'avenir quelque espoir de renaître au bonheur d'aimer et d'être aimée. Ce que les Religions civilisées promettent pour l'autre vie, le culte de l'harmonie devra le donner dès cette vie.
Si l'on donnait aux femmes à décider quelle est la passion la plus digne de faire le bonheur de Dieu et de l'humanité, quelle passion semble nous associer à la félicité de Dieu, toute femme répondrait : C'est l'amour, seule passion qui porte un caractère tout divin et qui nous identifie à la divinité.
Pendant 3.000 ans vos aïeux, tout en se targuant de sagesse restèrent sous la tutelle de cette science infâme [la philosophie] qui dégradait la liberté et voulait asservir un sexe à l'autre, qui plaçait la sagesse de la persécution du sexe faible et la gloire dans le carnage et les pillages fiscaux et mercantiles.
(...) tous ces champions de morale qui sont d'ordinaire plus dépravés en secret que les francs libertins et se livrent cafardement aux adultères et fornications, stupres et autres goûts inconstitutionnels, tout en déclamant contre ceux qui avouent quelque papillonnage bien moins blâmable que le cynisme secret des moralistes.
Simone Debout, née en 1919, reçoit Mediapart chez elle, à Paris (XIVe), pour évoquer Charles Fourier (1772-1837), comparé à Sade, à l'occasion de la publication (chez Claire Paulhan) d'un ouvrage remarquable : « Simone Debout & André Breton – Correspondance 1958-1966 ».
Entretien réalisé par Antoine Perraud (décembre 2019)