Citations sur Ma mère du Nord (75)
J’oublie que le temps ne fait que passer, il ne s’arrête pas, on le reconnaît seulement après, aux traces qu’il laisse.
Notre mère jouait très correctement, elle avait pris des leçons. Soixante ans plus tard, j’ai dans la tête son morceau favori, une valse de Brahms, la valse numéro 15 en la majeur. Je l’ai retrouvée, elle dure une minute trente-six. Une minute trente-six de bonheur. Le bonheur, ça ne dure jamais longtemps.
"Ce qu'on peut faire de mieux pour ceux qui nous aiment, c'est encore d'être heureux."
[Alain]
Toute sa vie, elle a gardé le goût du bonheur. Elle a su se faire consoler par les bienfaiteurs de l'humanité, les musiciens, les peintres, les écrivains, les philosophes.
Dans mes livres, j'ai donné des nouvelles de ma famille. De mon père, il n'a jamais tué personne. De la mère de mes enfants pour qui le poète est devenu paysan. De mes deux garçons, maintenant ils savent où on va papa. De ma femme qui m'a laissé veuf inconsolable et de ma fille devenue la servante du seigneur. Pas de nouvelles de ma mère. Elle est la seule que je n'ai pas encore eue dans mon collimateur. Pourquoi maintenant? Parce que je suis vieux. C'est toujours chez leur mère que se réfugient les gangsters après leur dernier coup. Surtout, je voulais garder le meilleur pour la fin.
"Je dois porter la poisse" dira-t-elle en arrivant… Elle ignorait qu’elle avait été la plus grande chance de ma vie. Je n’ai pas osé le lui dire, elle m’avait appris à taire mes sentiments.
Elle va trouver que j'exagère. Et se dire que, finalement, pour une mère, ce n'est pas un cadeau d'avoir un fils écrivain.
Ne va t-elle pas me reprocher de l'avoir canonisée ? Va-t-elle savoir lire entre les lignes, comprendre que ce livre est une déclaration d'amour, que j'essaie de me rattraper, moi qui ne lui ai jamais dit que je l'aimais, sauf dans les compliments de la fête des Mères dictés par la maîtresse ?
Comprendre que je l'ai écrit pour la faire revivre.
Parce qu'elle me manque. (p; 180)
J’ai toujours eu un problème avec l’âge des gens. J’oublie que le temps ne fait que passer, il ne s’arrête pas, on le reconnaît seulement après, aux traces qu’il laisse.
Récemment, mon frère Yves-Marie a fait une découverte étonnante. En 1869, dans la maison du 21, rue de la paix, aurait habité le poète Paul Verlaine. Il y aurait mené une vie crapuleuse.
Mon père s'appelait Paul, comme Verlaine.
Mon père buvait, comme Verlaine. Le Byrrh avait remplacé l'absinthe.
Ma mère adorait Verlaine et le faisait étudier à ses élèves. J'ai retrouvé son cahier où elle avait recopié ses poèmes.
Dans cette maison, elle a dû entendre l'écho des sanglots longs des violons de l'automne, et elle a attrapé la mélancolie. (p. 41)
Un jour, mon père a voulu accompagner ma mère au violon. (...)
Leur duo fut pathétique. Le violon grinçait et n'arrivait pas à suivre le piano. On avait l'impression qu'ils jouaient un morceau différent. Ma mère était morte de rire. Notre père, content de faire rire, en rajoutait dans les fausses notes.
Nous, on aimait mieux quand maman jouait toute seule, c'était bien plus beau.
Ils n'étaient pas faits pour s'accompagner , ni pour jouer ensemble. (p. 58-59)