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EAN : 9782370491046
432 pages
Volte (23/09/2021)
3.77/5   15 notes
Résumé :
Au croisement des genres, des nouvelles qui explorent avec subtilité les peurs infantiles et l’inconscient des parents. Une autrice à découvrir absolument.

Comme ce monde est joli rassemble des nouvelles souvent primées, issues de différents ouvrages de l’autrice. Il rend compte de la variété des registres littéraires de Karen Joy Fowler (weird, fantastique, intimiste, réaliste décalé, fantasy, science-fiction) et rassemble des textes à forte charge p... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Que dire de pertinent à propos de cet ouvrage qui réunit quelques une des nouvelles de Karen Joy Fowler écrites entre 1985 et 2013 ? Rien, c'est bien le dilemme même plusieurs jours après avoir fini la lecture de cette anthologie. Je suis bien incapable d'exprimer une opinion claire face à cette mystérieuse configuration déconcertante qui laisse la sensation de frôler la compréhension de l'écriture fowlérienne mais qui me restera obscure, jamais dévoilée.
Le palais peu forgé à la littérature de l'étrange en est certainement une des raisons, et ce recueil de dix-sept nouvelles ne va pas atténuer mon scepticisme quant à la démarche taxinomique derrière cette étiquette.

A défaut de détenir les clés de lecture, je pourrais simplement me contenter de prêter à cet ouvrage une architecture complexe dans laquelle Fowler ne propose pas une vision alternative de la réalité, mais un réel discrètement envahi par une autre dimension. le dérangeant, l'inhabituel, le surnaturel ne viennent pas heurter la réalité, ils en font partie comme de simples altérations qui perturbent à peine la vision. le centre de gravité de chacune de ces histoires résidant dans les comportements humains, les pensées, les ressentis, les interactions décrivant le plus souvent les impasses psychiques, émotionnelles et sociales auxquelles on est confronté. Elles acquièrent une telle importance qu'elles balaient la structure traditionnelle de la nouvelle.

Et c'est aussi cela qui a rendu la lecture fastidieuse. Chez Karen Joy Fowler, on ne retrouve pas la précision du rythme, la science du scalpel et la chute implacable marqueurs génétiques du récit court. L'auteure américaine opte pour une écriture élémentaire, sans contraste ni subtilité, rendant les personnages apathiques. Elle trace des lignes de fuite qui mènent nulle part tout comme elle impose des liens entre quelques-uns des personnages et les évènements selon des connecteurs logiques qui m'échappent. La réalité en devient une surface amorphe et interminable comme si elle était irriguée de manière continue par un sentiment de défaite.
On devine, et la postface vient le confirmer, que Karen Joy Fowler explore secrètement une autre histoire derrière chaque conte revisité, chaque récit de dimension historique, chaque fiction moderne. Mais l'écriture est à mon sens trop érosive, j'ai souvent pataugé.
Je n'ai pas peur du dépaysement intellectuel ni de me perdre dans quelque chose d'insaisissable mais il m'a réellement manqué des vibrations pour pénétrer les différents récits.
Si j'ai aimé l'audace et l'inventivité de certaines nouvelles à coloration féministe ou qui proposent un renversement des rapports de force conventionnels, j'ai eu le plus souvent la sensation de tourner des pages et des pages avec ennui. Et les nombreuses fautes constatées sont assez rédhibitoires.
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Les Editions La Volte ont regroupé 17 nouvelles de l'auteure américaine Karen Joy Fowler. Je les remercie ainsi que Babelio pour cet envoi dans le cadre de la dernière Masse Critique.
J'ai donc découvert une écrivaine prolifique, à l'imagination débordante. Souvent inspirée de faits réels, Fowler dépeint une Amérique sombre en y ajoutant de la science-fiction au travers d'extra-terrestres en tous genres, sans que la crédibilité ne soit atteinte.
Dans presque chaque nouvelle, la tension est fort présente ce qui rend la lecture addictive, tout en souhaitant un dénouement heureux pour les protagonistes. Métaphores et caricatures apportent parfois un répit humoristique, mais de courte durée. le conte onirique permet d'appréhender la place de la femme au sein du couple.

Quelques unes de ces nouvelles :

Avec les disparitions, peste pulmonaire et conduits souterrains chez les Viet-Cong, « Ténèbres » porte bien son nom. Angoissant.

« En visage » est un huit-clos conjugal après un voyage interstellaire.

Mary Annings, l'héroïne de "La science d'elle-même" était une paléontologue autodidacte au début du 19ème siècle. Malgré sa condition très modeste, elle a été reconnue de son vivant grâce à la richesse de ses découvertes. Un très bel hommage.

"Verre noir" plaira aux fans de romans noirs où alcool, infiltration, drogues, cartel mexicain ont eu raison de mes hallucinations.

Deux mondes s'affrontent dans "La guerre des roses", l'une de mes préférées. Révolution et sagesse peuvent-ils oeuvrer de concert ?

Edward aux mains d'argent, vous vous rappelez ? Si vous rêvez de vivre dans ces blocs de maisons individuelles avec petit jardinet et routes perpendiculaires, "Poplar Street" vous y emmène.

Vous rêvez d'immortalité ? Suivez le frère Porter.

Les ados récalcitrants n'ont qu'à bien se tenir dans "Pélican Bar". Très dur...

Les petits enfants n'ont pas que des amis imaginaires. Parfois, ils ont aussi un monde imaginaire qui leur ouvre "La porte aux fantômes".

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce livre aux multiples facettes. L'auteure aborde également les sujets de gémellité, de liens fraternels, de l'enfance et lève le lourd rideau sur une Amérique bien différente de celle que l'on veut nous montrer.

J'ai beaucoup aimé cette lecture même si quelques nouvelles ne sont pas très gaies. La plume est riche en étant simple, l'écriture en demi-teinte et la force de la suggestion permet le breuvage.

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Dix-sept nouvelles , avec leur carnet de traduction et de lecture par luvan et Léo Henry, pour plonger dans l'univers merveilleux et acéré de la grande – et trop peu connue en France – Karen Joy Fowler.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/12/28/note-de-lecture-comme-ce-monde-est-joli-karen-joy-fowler/

Autrice largement consacrée dans le monde anglo-saxon, dans les genres de l'imaginaire comme en dehors, récompensée notamment et bien à raison par des prix aussi prestigieux que le PEN/Faulkner Award, le World Fantasy Award (par deux fois) ou le Nebula Award, et des nominations pour plusieurs autres tels que le Man Booker Prize ou le Hugo Award, Karen Joy Fowler n'a été jusqu'ici que relativement peu traduite en français (seuls trois de ses sept romans l'ont été, chez divers éditeurs généralement classés en « littérature générale »), tout particulièrement en ce qui concerne ses nouvelles, dont près d'une cinquantaine pourtant ont été publiées, en revue ou en recueil, entre 1985 et 2020. Jusqu'ici connue par chez nous principalement pour son roman « le club Jane Austen » de 2004, et, pour les amatrices et amateurs les plus acharnés, par quelques traductions en revue (dans Fiction principalement, mais aussi dans les « Territoires de l'inquiétude » conçus alors par Alain Dorémieux), voici, grâce au travail de Léo Henry et de luvan (tous deux aux manettes de la composition et de la traduction de ce recueil publié en septembre 2021) pour les éditions La Volte, une belle occasion de se plonger d'un coup dans les univers parallèles déroutants et malicieux d'une rare chasseuse de situations spéculatives.

Qu'elle exhume véritablement le mystère silencieux de la fille d'Albert Einstein dans « Lieserl » (Lieserl, 1990), transforme un bloc pavillonnaire à la fois redoutable et banal – on songera peut-être à la fameuse « Guerre des pommes reinettes » de George MacBeth – en tube à essais de moins en moins métaphorique dans « Poplar Street » (The Poplar Street Study, 1985), découpe au scalpel presque tendre la folie d'une secte religieuse officielle des années 1930 dans « Always » (Always, 2007), qu'elle transperce d'une flèche unique mais bien barbelée le nature writing, la peur pandémique latente et le semi-mythe de l'enfant sauvage dans « Ténèbres » (The Dark, 1991), qu'elle visite avec une cruelle résignation et un sens du merveilleux totalement paradoxal l'enfer des internats « rééducatifs » américains – on songera sans doute, dans un registre bien différent, au tout récent et si tragique « Nickel Boys » de Colson Whitehead – dans « Pelican Bar » (The Pelican Bar, 2009), qu'elle réécrive avec un sens aigu de la mystification historique une célèbre révolte chrétienne au Japon post-médiéval dans « Shimabara » (Shimabara, 1995), Karen Joy Fowler excelle à installer en quelques paragraphes un décor apparemment solide, simple et univoque pour y dissimuler plusieurs possibilités de coulisses trompeuses, que des successions de zooms proprement cinématographiques éclaireront souvent juste ce qu'il faut pour susciter notre inquiétude diffuse. Cette inquiétude est d'ailleurs rarement fantastique ou horrible, mais bien plus nettement d'une nature presque métaphysique : le jeu du male gaze à rebours de « Soirée match » (Game Night at the Fox and Goose, 1989), le fabuleux one night stand si inattendu, si pervers et si romantique de « Rouge Lily » (Lily Red, 1988), l'interminable escalier infernal, potentiellement contre-révolutionnaire et sauvagement onirique de « Leurs derniers mots » (The Last Worders, 2007), l'enfance ordinaire et pourtant si peu ordinaire dans l'Indiana profond de « du Recul » (Go Back, 1998), le mélange subtil de pastiche et d'hommage à l'anthropologie et au voyage d'exploration, passé à un mystérieux filtre étranger de « Duplicité » (Duplicity, 1989), le fabuleux interstice interculturel (comme en résonance avec le « Il y a des portes » de Gene Wolfe, qui paraîtra peu après – de « La porte aux Fantômes » (The Gate of Ghosts, 1986), ou même la passion des records – qui aura comme son superbe écho en 2015 avec le « Wonder Lover » de Malcolm Knox, dont témoigne « Compétition » (Contention, 1986), en sont notamment d'éblouissants témoignages.

Le beau cadeau supplémentaire que font ici à la lectrice et au lecteur Léo Henry et luvan, tous deux par ailleurs nouvellistes hors pair, nous rappelant ainsi chaleureusement le travail de Mélanie Fazi composant et commentant son anthologie personnelle de Lisa Tuttle, « Ainsi naissent les fantômes », c'est bien de nous proposer en fin d'ouvrage un extrait, pour chaque nouvelle, de leur carnet de lecture et de traduction à chacun, ce qui accroît encore a posteriori le plaisir profond ressenti à la lecture de mes quatre nouvelles préférées dans ce recueil : « En visage » (Face Value, 1986), qui réévalue de manière si proprement magique toutes les perspectives de premier contact, « La science d'elle-même » (The Science of Herself, 2013), qui, à partir de la vie bien réelle de la paélontologue Mary Anning (1799-1847) et comme en anticipation subtile du formidable « L'Arche de Darwin » de James Morrow, opère un singulier et poignant travail de rétro-féminisme (la Catherine Dufour de « Ada ou la beauté des nombres » n'est peut-être pas si loin), « Verre noir » (Black Glass, 1991), qui mêle avec un véritable génie guerrier et comique la DEA, le vaudou et la tempérance, et enfin « La Guerre des roses » (The War of the Roses, 1985, quatre ans avant la comédie éponyme de Danny DeVito – qui n'a rien à voir), qui condense ici en quelques pages (même si elle a été ensuite développée au format novella) une somptueuse oscillation entre la réflexion politique sur les utopies, digne à échelle réduite des « Dépossédés » d'Ursula K. Le Guin, et la poésie de la reconstruction post-apocalyptique que l'on trouve par exemple chez le John Crowley de « L'été-machine », dans une exceptionnelle atmosphère de mélancolie où se heurtent encore productivisme et écologie.

Karen Joy Fowler est une grande magicienne des mots, des idées, des sensations et des vertiges, et ces dix-sept nouvelles nous le prouvent avec éclat.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Critique parue dans le Bifrost n°105

Avec ce dense recueil, luvan et Léo Henry proposent au lectorat francophone de décou­vrir le travail sur la forme courte de Karen Joy Fowler, dont jusqu'alors n'étaient disponibles que trois romans en français, dont le Club Jane Austen. Les deux acolytes suivent le travail mené par Mélanie Fazi sur l'oeuvre de Lisa Tuttle avec Ainsi naissent les fantômes (cf. Bifrost n° 64) et Anne-Sylvie Homassel avec les nouvelles de Livia Llewellyn dans Fournaise. En fin d'ouvrage, le duo fournit des commentaires, généralement couplés à des extraits d'interviews, des précisions sur le contexte, sur les nouvelles traduites par leurs soins – dix pour luvan, sept pour Léo Henry.

Dix-sept nouvelles, donc, de tailles variables – de moins de dix pages à plus de cinquante –, parues entre 1985 et 2013, qui offrent un panorama copieux de styles, d'influences et de références. L'ensemble peut évoquer Carmen Maria Machado et son recueil Son corps et autres célébrations (cf. Bifrost&nbp;n° 104), tant dans les thématiques que le mélange des genres et la créativité narrative (« du recul », particulièrement, mais « Always » également), mais avec une densité et une ampleur plus importantes. Situées parfois dans des pays imaginaires ou plus souvent implantées aux USA, présentant des histoires de familles ou de couples con­frontés à d'étranges situations, les nouvelles invoquent personnalités historiques (Einstein, Austen, mais aussi Carry Nation ou Mary Anning) comme extra­terrestres. L'autrice maîtrise une large palette, et concernant nos genres, c'est un bingo de tous les grands domaines, avec une préférence néanmoins notable pour la science-fiction – telle cette approche de l'exploration extraterrestre (« En visage ») que ne renierait sûrement pas Becky Chambers, n'était la conclusion.

Au rayon des thématiques, difficile de ne pas mettre en avant un regard féminin, qu'Iris Brey a bien décrit concernant le cinéma, dans ces histoires peuplées de femmes, de mères, de filles, de jumelles face à l'étrangeté, la monotonie ou la violence du monde. Les éléments biographiques disséminés dans le paratexte des nouvelles éclairent les histoires à la lumière de celle de l'autrice, et une fois le livre achevé, l'ironie du titre n'en est que plus flagrante, certaines nouvelles étant des plus cruelles, notamment la dernière, « Pelican Bar ». Mais ce n'est rien comparé au commentaire qu'en fait Karen Joy Fowler, à la toute fin de l'ouvrage, et qui vous achève telle la flèche du Parthe.

On l'aura compris, il y a beaucoup à dire sur ce riche assortiment de thématiques et de créativité. On insistera ici sur la plus cardinale : lisez ce recueil.
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Difficile de résumer "Comme ce monde est joli", de Karen Joy Fowler, puisqu'il s'agit d'un recueil de 17 nouvelles littéraires très particulières.
Je découvre cette autrice pour la première fois avec ces courts récits, et je suis maintenant curieuse de lire d'autres titres de sa bibliographie.

Je retiens de cette lecture une intense fascination, une expérience percutante, qui continue de tisser des liens et de laisser des marques dans mon esprit longtemps après avoir refermé ses pages. Je n'ai pas apprécié la totalité des nouvelles, certaines m'ont moins plu que d'autres, mais j'ai été intriguée et épatée par la majorité d'entre elles.

Quelques récits appartiennent à la science-fiction, ces nouvelles m'ont davantage laissé indifférente car bien que j'apprécie la SF, c'est un genre que je lis très peu, que je connais surtout cinématographiquement. le reste des nouvelles relèvent d'une sorte de réalisme magique, de fantastique. On y trouve un fort sentiment d'étrangeté, de dissociation, d'absurde. Et c'est ce que j'ai le plus apprécié.
Je retiens aussi l'atmosphère oppressante des histoires, et les thèmes, telle que la mort, la violence, la relation à l'autre, sur fond d'événements historiques et ponctuée de questions existentielles.

On a l'impression d'être plongé dans un rêve permanent, l'écriture de l'autrice est d'ailleurs assez onirique, elle joue avec les codes des rêves et des cauchemars, de la fiction et de la légende. A noter également que j'ai lu ce livre pendant une période d'insomnie assez longue, il m'arrivait de lire quelques pages quand je me réveillais plusieurs fois la nuit et ne parvenais pas à me rendormir, et cet état de veille somnolente a certainement contribué à cette impression d'étrangeté, d'histoires farfelues.

Teinté de féminisme engagé et d'une créativité et intelligence accrues, cet ouvrage est indéniablement une intéressante découverte.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
On m'a raconté que les techniques sexuelles se transmettaient de père en fils. [...] Et vous savez ce que je me suis dit ? Je me suis dit que c'était la meilleure façon de transmettre des erreurs. Une culture où les techniques sexuelles se transmettraient de mère en fils, ça, ça m'impressionnerait.
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Quand je suis arrivée à Always, il y avait six romans policiers de Erle Stanley Gardner dans le dortoir des femmes. Au début, ils appartenaient à Maddie. A l'époque, je les avais tous lus plusieurs fois, mais désormais je ne lisais plus. Encore moins des polars. J'avais même cessé d'aimer la musique. Auparavant, j'étais convaincue que la base de l'art, c'était la beauté. Et que la beauté était éternelle. Désormais, je savais que la base de la musique, c'était le temps. Quand on prend une photo, on fige un instant, et la photographie repose sur le fait que cet instant ne reviendra plus jamais. Voyez une bibliothèque. Tous les livres, sur toutes les étagères, ne traitent que de la mort, même ceux qui prétendent parler de naissance, de renaissance, de résurrection ou de réincarnation. (Always, page 310)
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Un jour, Lily décida d’être une autre personne. Une personne avec un passé. C’était une maladie, chez elle, de vouloir être quelqu’un d’autre. Ce désir naissait rarement d’un véritable incident, ou d’un quelconque regret, mais semblait plutôt lié au mouvement ou à la perspective d’un pas de côté. Il s’éveillait en elle chaque fois qu’un train passait. Elle aurait alors volontiers échangé sa vie avec n’importe quel voyageur, dans n’importe quel train. Il s’éveillait souvent en voiture. Tout en roulant sur l’autoroute, entre son travail et son domicile, elle s’imaginait dépasser sa sortie, continuer tout droit et s’arrêter dans une bourgade quelconque parce qu’elle tombait en panne d’essence et, de fil en aiguille, c’était précisément ce qui lui était arrivé.
À cette différence que ce fut la police qui l’arrêta. Elle se trouvait bien au-delà de la ville, elle en avait d’ailleurs traversé plusieurs autres entretemps, et le ciel s’était obscurci. Le paysage devenait moins vallonné et elle s’enlisait dans un rythme somnolent qui la transportait dans le petit monde itinérant formé par la lumière de ses phares, dont Lily et sa voiture étaient les seuls passagers. Être forcée de s’arrêter lui avait causé un certain choc. Elle resta assise dans sa voiture. Le gyrophare tournait derrière elle : à intervalles réguliers, elle voyait ses mains, posées sur le volant, se teinter de rouge. C’était la première fois qu’elle se faisait interpeller. Dans le rétroviseur, elle vit le policier parler dans son émetteur radio. Sa porte était entrebâillée : la lumière de l’habitacle était allumée. Il sortit pour venir lui parler. Elle éteignit son moteur.
« Ma petite dame », dit-il.
Elle se demanda si les policiers des séries télé appelaient les femmes ma petite dame pour imiter les vrais policiers, ou si, au contraire, celui-ci avait appris la formule devant son écran, tout comme elle.
« Ma petite dame, vous étiez en roue libre. Je vous ai flashée à cent trente. »
Cent trente. Malgré elle, Lily était impressionnée. Elle avait roulé, sans même s’en apercevoir, à plus de quarante kilomètres-heure au-dessus de la vitesse limite. Ça voulait dire qu’elle était capable d’aller encore plus vite.
« Cent trente, dit-elle d’un air contrit. Vous savez ce que je devrais faire ? A mon avis, je suis restée beaucoup trop longtemps au volant. A mon avis, je devrais trouver un endroit où passer la nuit. Ce serait la meilleure chose à faire. Je veux dire : cent trente. C’est beaucoup trop. Vous ne croyez pas ?
– Tout à fait. »
Le policier sortit un stylo de la poche intérieure de sa veste.
« Ça ne m’arrivera plus, déclara Lily. S’il vous plaît, ne me verbalisez pas. » (« Rouge Lily »)
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"Quand à savoir pourquoi j'écris, je le sais très bien. Aucun mystère là-dessous. J'écris parce que quand je parle, personne ne m'écoute."
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Après sa mort, Mary sillonnait les plages vêtue de son étrange tenue : des sabots crasseux, une multitude de jupes en lambeaux passées les unes sur les autres pour lui tenir chaud, un manteau rapiécé par-dessus. Elle portait un haut-de-forme d'homme, laqué et rembourré, avec du papier afin de la protéger des chutes de pierres. Elle était assez mince, mais on la voyait de loin. Equipée pour la chasse aux fossiles, elle ressemblait à une petite hutte ronde surplombée d'un chapeau en guise de cheminée. (La science d'elle-même - page 150)
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