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Critique de Ode


Ode
30 septembre 2012
"Je t'aime tellement, Margaux, tu ne comprends pas. Margaux, Margaux. Tu es unique au monde. Personne ne te ressemble, personne au monde. Tu as été créée pour moi. Tu es mon ange gardien. Tu es mon amour. Ce n'est pas mal de t'aimer, pas quand l'amour est si beau. Ce n'est pas mal d'aimer quelqu'un de si beau. Nous sommes faits l'un pour l'autre ; oublie ce que racontent les autres. Oublie tout : nous sommes les deux seules personnes qui comptent dans ce monde : toi et moi."
Emouvante supplique amoureuse, n'est-ce pas ? Sauf que Margaux n'a que 8 ans quand Peter, de 44 ans son aîné, lui sert ce beau discours.

La passion malsaine de cet homme mûr qui s'attire les bonnes grâces de la mère pour s'accaparer la fille ne peut que rappeler le chef d'oeuvre ô combien dérangeant de Nabokov. Mais avec deux différences majeures : ici, c'est Lolita et non Humbert qui raconte, et il s'agit malheureusement d'une histoire vraie.

Union City, New Jersey, dans les années 80. Tout commence par une rencontre à la piscine : Margaux et sa mère sympathisent avec Peter et sa famille. La fillette est subjuguée par la gentillesse de Peter et par sa grande maison pleine de bric-à-brac et d'animaux (lapins, chats, cochons d'Inde, chien, oiseaux, alligator...). Un "Neverland" du pauvre qu'elles vont fréquenter assidûment, pour échapper à la tyrannie domestique du père de Margaux. Peter profite de cette addiction pour nouer une relation exclusive avec Margaux et la soumettre à ses caprices. Cela quasiment sous les yeux de sa compagne Inès et des deux fils de celle-ci. Quant aux parents de Margaux (père violent, mère atteinte de troubles mentaux), ils ont des doutes mais ne cherchent pas plus loin : "Je ne fais pas confiance à cet homme. Non. Surveille ta fille quand vous allez là-bas. Lui et sa famille ont une mauvaise influence. Si ça ne tenait qu'à moi, je t'interdirais d'y retourner avec elle. Aussi simple que ça. Mais tu fais ce que tu veux. Je me lave les mains de cette histoire", dit le père à la mère.
Et ces fillettes en difficulté que l'assistance publique place chez Peter : ont-elles aussi été abusées ?

"Tigre ! Tigre !" montre l'emprise du pédophile sur la personnalité de l'enfant et comment, petit à petit, ce conditionnement lui permet de passer aux actes sexuels. La plume de Margaux Fragoso - traduite par Marie Darrieussecq - est précise et racée. Son but n'est pas de se plaindre, juste de livrer les faits, d'écrire ses souvenirs aussi exactement que possible. Elle arrive ainsi à refléter les sensations et le phrasé de l'enfant qu'elle était, tout comme les manières des adultes. Les diatribes de son père sont une performance littéraire. L'analyse vient seulement dans la postface, remarquable de discernement.

En rendant publique cette relation complexe qui dura quinze ans, le courageux témoignage de Margaux Fragoso rompt un silence dévastateur et dévoile les techniques de manipulation des pédophiles. du courage, je ne vous cache pas qu'il m'en a fallu pour supporter certaines scènes du livre ; mais c'est un bien petit effort face à l'ampleur de ce danger. Alors passons-nous le mot et ouvrons l'oeil pour protéger nos enfants.
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