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3,4

sur 97 notes
Certains intellectuels parisiens croiraient encore à l'équation "Bretonne arrivée à la capitale = Bécassine" ? Allons, allons... Parce qu'elle s'est sentie humiliée publiquement lorsqu'un journaliste l'a présentée comme 'sortie de rien', Irène Frain est partie à la recherche de ses origines paternelles. de cette quête est né ce témoignage sur le parcours de son père breton.

Cet ouvrage m'a beaucoup appris. Qu'il est bon de renoncer à ses a priori, notamment. J'avais relégué Irène Frain dans mes indésirables - une auteur de romans démagos et faciles, une femme exubérante et prétentieuse. A tort. Sa plume est élégante et simple et bien que le récit soit autobiographique, l'auteur n'englue pas le lecteur dans les méandres de l'introspection. On y découvre la vie d'un homme d'origine modeste né dans les années 1910, on apprend sur la culture et la société bretonnes (les Rouges et les Blancs, et moins connus, les Noirs - les descendants de protestants). J'ai retrouvé des points communs avec mes aïeuls de cette génération, notamment sur les années de guerre : les hommes prisonniers en Allemagne, les femmes seules avec des enfants en bas âge, les retrouvailles difficiles pour ces couples. --> « Les premiers moments d'euphorie passés, ma mère n'eut qu'un commentaire à son propos : 'Il est devenu dur'. A plusieurs reprises, dans ses courriers de la fin 1944, il l'avait prévenue : 'Tu risques de ne pas me reconnaître. Toi aussi, tu auras changé. Je ne parle pas de nos corps, mais de nos esprits. Ils ne seront plus jamais les mêmes. Il faudra nous adapter, nous comprendre.' »

A lire pour en savoir plus sur la Bretagne, sur les conditions de vie dans les milieux modestes dans les premières décennies du XXe siècle. Et parce que cet ouvrage est une belle déclaration d'amour d'une femme à son père.
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Suite à une phrase d'un journaliste « Vous qui n'êtes sortie de rien », le sang d'Irène Frain ne fait qu'un tour.
Colère, humiliation, indignation…..
Et elle se lance dans la réhabilitation de ce « rien » outrageant en racontant l'histoire de son père, « dernier de dix », fils de paysan breton, prisonnier de guerre, maçon consciencieux……
Un magnifique hommage !
Se rendant à Lorient et dans les lieux où il vécut, elle trouve des témoins de l'existence de sa famille, se plonge dans les lettres et les cahiers de son père.
Pari réussi, ce n'était vraiment pas « rien » son père.
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Une soirée avec remise de prix pour récompenser un chemin de vie particulier, exceptionnel. L'animateur, dont l'attitude et le discours lui ont instinctivement déplu, perd toute crédibilité aux yeux d'Irène Frain au moment où il déclare « Oui, vraiment, je tiens à le répéter, vous qui êtes venue de nulle part et sortie de rien… »
Elle ressort irritée, mortifiée, sa fureur contenue par son impuissance à réagir face à ces paroles choquantes.
Ce « Rien », quel est-il ? Est-ce finalement une vérité ? Cette maladresse de l'animateur lui revient quelque temps après pour finalement, des années plus tard, chercher « l'histoire qui avait déterminé la mienne : celle de mon père. »

Les lieux ont forcément gardé des traces de son père, Jean le Pohon, au pays de Cléguérec dans le Morbihan. C'est donc là qu'elle est allée voir l'exploitation où, à l'âge de onze ans, il a été placé comme beutjul, gardien des vaches. Elle y rencontre « deux trésors vivants de la mémoire du pays » et le passé de ce petit bout de terre bretonne se réveille. Une rivière y coule paisiblement aujourd'hui mais à l'époque elle marquait une frontière entre les terres riches et le pays de la forêt et des pierres. Baignée dans l'intolérance religieuse, la Bretagne scindait son peuple en Blancs, le côté des curés, ou en Rouges du côté laïc, mais ici, du côté de la forêt, il y avait aussi les Noirs, des protestants dont ses aïeux.
Riche de cette information, l'autrice se replonge dans tous les écrits laissés par son père. D'une petite valise de carton noir, elle exhume des carnets remplis à différentes époques, des lettres postées à sa femme pendant la guerre, quelques photos, des agendas annotés. En mémoire, quelques échanges avec son père lui reviennent, des paroles de sa mère, et le « Rien » se définit, se comble.
Au fur et à mesure de sa quête, ce zoom sur le parcours de son père dévoile un pan historique de la Bretagne rurale de l'entre-deux-guerres. Alors que tout le monde se parle en breton, cette langue ne doit pas franchir les portes de l'école, c'est « la langue des arriérés ». Jean s'y pliera mais, brillant élève, ne pourra aller au-delà du certificat d'étude. Il doit rapporter les quelques sous nécessaires à la survie de la mère. À la ferme, il loge dans le grenier, au-dessus de la soue aux cochons dont on imagine l'odeur. Il grandit, déterminé et droit, des traits de caractère qui en feront un homme taciturne, sévère mais toujours respectueux des règles. Pour échapper à la misère, ses soeurs font face à la colère maternelle et prennent le large, direction Paris où de nombreux bretons et bretonnes tentent leur chance.

Les pas d'Irène Frain ont effleuré avec une grande délicatesse ces traces laissées par son père. Discrète et attentionnée, elle rend un bel hommage à la détermination et la force de cet homme, à son « énergie du pays de la forêt et des pierres » dont elle a héritée. Non, elle n'est pas fille de Rien !
Il est grand temps d'arrêter de considérer que celui qui n'est pas né à Paris mais dans une famille modeste de la province bretonne, que l'on appelle prudemment aujourd'hui un « territoire », n'est pas forcément sorti de rien.
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Prise à parti par un journaliste qui l'a présentée comme "sortie de rien" lors d'une remise de prix, Irène Frain, célèbre auteure du "Nabab", "Secrets de Famille", piquée au vif, a décidé de partir à la recherche de ses origines. Une quête qui va l'amener à traverser la Bretagne et évoquer longuement la vie de son père, Jean le Pohon, le dixième et dernier enfant d'une famille modeste. La mère se retrouvant sans soutien, le jeune Jean a dû travailler très jeune et s'est retrouvé gardien de vaches (beutjul dans la famille Le Bourhis), avant de changer de métier et devenir maçon.
Au moment de revenir en ville, sur Lorient, il devra réapprendre le français, l'ayant oublié au profit du breton pendant plusieurs années.
Un grand hommage rendu à ce père volontaire, courageux, qui noircissait de notes ses carnets pendant sa captivité en Allemagne. Il apprend l'allemand pendant cette période, n'hésitant pas à choquer ses camarades prisonniers, voyant surtout ainsi la facilité de la communication avec ses geôliers.
Au travers de ce portrait haut en couleurs d'un père marqué par une enfance difficile, c'est aussi le portrait de la Bretagne de la première moitié du 20ème siècle, une Bretagne divisée entre les Rouges (les socialistes), les Blancs (les religieux) et les Noirs (ceux vivant dans les zones de forêt (les errants, les bardes, ceux qui cherchent à s'instruire). Un tableau étonnant d'une Bretagne moins connue, celle des esprits, des rochers du diable, de la poésie.
Un beau roman qui est aussi un vibrant hommage familial.
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"Vous qui venez de nulle part, qui êtes sortie de rien..."

Voici les mots prononcés, avec une certaine condescendance, par un journaliste célèbre lors d'une remise de trophée, à l'écrivaine Irène Frain. Il souhaitait par là souligner son mérite et la féliciter pour son parcours hors norme. Quelle maladresse ! Quelle humiliation !

Comment peut-on sortir de rien ?
Hérissée, piquée au vif Irène Frain a souhaité dans ce livre très personnel revenir sur ses origines et sur celles de sa famille paternelle. Tout de suite après l'altercation, elle a décidé de retourner en Bretagne, dans le Morbihan, sur la terre de ses ancêtres pour investiguer et découvrir le passé de ses grands-parents et de son père, "ce rien dont elle est la fille".

Rencontres avec des "anciens" qui se souviennent, histoires, souvenirs, légendes, témoignages ... tout un monde rude, austère mais profondément humain s'est offert à elle.

Des traces matérielles laissées par son père subsistent encore : des livres, carnets, récits, lettres écrites alors qu'il était en captivité en Allemagne, également des énigmes familiales et des secrets dévoilés tels des pièces d'un puzzle à reconstituer.

Même si l'on en apprend beaucoup sur les conditions de vie dures et précaires des habitants de Bretagne au début du XIXème siècle, sur les traditions et les clivages sociaux, j'ai trouvé que le début de l'enquête piétinait un peu et comportait quelques longueurs. Mais dès que l'autrice a commencé à raconter l'enfance puis la jeunesse de son père, j'ai été littéralement happée par son récit. Jean était le dixième et dernier enfant de la famille, "le dixième de dix". Un garçon sérieux, intelligent, discipliné, à fort potentiel. Un destin brillant semblait lui être promis, hélas l'extrême pauvreté de ses parents en décida autrement. Sa vie fut courageuse, jalonnée d'embûches mais jamais il ne baissa les bras. Compétent, rigoureux, avide d'instruction il se mobilisa toujours pour résister et optimiser.

J'ai beaucoup aimé le portrait qu'Irène Frain dresse de son père dans un style fluide et sec. Pas de grands sentiments, mais un récit factuel et un bel hommage d'une fille à son père.

#Challente illimité des Départements français en lectures (56 - Morbihan)





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Alors que je quittais ma chère Bretagne pour retourner outre-Atlantique, il m'est venu l'idée d'en emporter un bout avec moi. C'est ce que j'espérais justement en ouvrant le livre d'Irène Frain à l'aéroport et c'est précisément ce que j'y ai trouvé : la Bretagne et même plus le Kreiz Breizh auquel j'appartiens. Bourré d'anecdotes intéressantes pour ceux et celles qui s'intéressent à l'histoire de la Bretagne et notamment celle du Morbihan, ce livre est aussi une (ré)affirmation nécessaire de la fierté de venir de ces endroits que certains salons prétendus mondains considèrent comme le fin fond de la « province ». L'histoire qui y est narrée est celle de bon nombre de familles et j'ai eu plaisir à parcourir les sentiers de Quénécan et à me remémorer des histoires glanées ci-et-là qui font la fierté des habitants du coin (dont celle de ma propre famille). Un vrai bonheur !
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Un peu déçue par ce roman biographique. J'avais aimée les précédents romans d' Irène FRAIN, mais dans celui-ci, je ressens plus d'atermoiements qu'une véritable rage contre la société comme elle semblait l'annoncer après l'insulte qu'elle a reçue, insulte qu'elle prend pour titre de son livre. Dommage !
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L'auteure se penche sur ses racines après l'électrochoc subi, lors de la remise d'un prix, quand un présentateur célèbre lui a dit son mérite et sa réussite, à elle sortie de rien. Plus précisément, elle s'attache à démontrer qu'elle n'est pas sortie de rien – ce rien étant la modestie de son origine sociale – puisqu'elle a eu un père aimant, au caractère bien trempé et à la dignité chevillée à l'âme. Elle a fait son chemin dans le sillon paternel, portée par la confiance que cet homme exigeant lui accordait .
Voici donc Irène Frain qui part sur les traces de l'enfance de son père, qui interroge ses cousins et les derniers témoins d'un monde disparu, celui des valets de ferme. À Cléguérec, bourg du Morbihan blotti contre la forêt de Quénécan, elle fait lentement émerger le cadre de sa jeunesse, sa révolte contre la condition faite aux plus pauvres, sa soif d'apprendre et son désir d'échapper à un destin trop vite scellé. Elle retrouve aussi l'ombre dans laquelle s'était tapie une petite communauté de protestants, fidèles à leur foi dans un environnement catholique.
Peu à peu, elle redessine les contours de ce père, coquet, amoureux, travailleur et toujours présent pour elle. de façon émouvante, elle débusque ce qui se cachait derrière le choix de son prénom. Derrière la fierté éprouvée, Irène Frain nous touche par son chagrin qui n'est pas celui de l'humiliation, mais celui de la perte d'un être aimé.
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un peu déçue ;des longueurs puis ensuite des fulgurances ...
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Sorti(e) de rien... pas vraiment pour Irène Frain car si sa famille est modeste, les gènes sont cependant de qualité et prometteurs, contrairement aux apparences et aux à-priori sociaux.
Pour reconstituer l'histoire de sa famille, l'auteure se livre à un travail de fourmi pour rassembler des bribes de souvenirs épars, témoignages, objets oubliés, recoupements aléatoires entre les êtres et les choses.
Le roman est un bel hommage à son père et au-delà, aux paysans bretons et à tous les petites gens, laborieux et courageux qui, partis sans aucun des privilèges de la naissance ont pu s'élever socialement et surtout intellectuellement.
Ce récit est à la fois un document sociologique et une chronique familiale pleine de tendresse.
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