C'est en commençant à regarder le film "Un ange à ma table" diffusé récemment (avril 2023) sur Arte Replay, que je me suis rapidement procurée les deux volumes écrits par
Janet Frame pour me lancer tout aussi rapidement dans leur lecture. Conséquence, plongée dans ma lecture, j'ai abandonné le visionnage du film.
Second point, j'ai été surprise par la présentation en quatrième de couverture, qui met l'accent, et pas que, sur l'internement en psychiatrie de Janet. Or je n'ai pas senti que c'était là l'élément central du livre, des deux livres. Il s'agit d'un épisode dans la vie de l'auteure, comme beaucoup d'autres tout aussi essentiels.
Revenons au sujet de ce premier volet de l'autobiographie de
Janet Frame. Pour ce premier tome, Janet restitue son enfance et son adolescence, dans un milieu rural pauvre, il serait modeste, mais l'existence des cinq enfants et d'une mère rêveuse, plus poètesse que rigoureuse femme au foyer, rend les conditions de vie extrêmement et précaires et misérables. La famille déménage souvent, l'hygiène et la vêture laissent à désirer, et Janet, à l'école en souffre impitoyablement. Janet raconte les humiliations, les vexations dues à ce milieu discriminé, et auxquelles s'ajoutent les moqueries cinglantes dues à son apparence physique : Janet est grosse, très grosse, rousse et frisée. Son frère aîné, atteint d'une maladie neurologique, est lui aussi l'objet de railleries et finira par laisser tomber l'école. Ainsi, Janet, très tôt, connaît un rejet social absolument terrible et cruel.
Néanmoins, elle est une très bonne élève, excellente même. Une année, elle remporte le prix qui lui ouvre les portes de la bibliothèque. Janet vit. Enfin ! Les livres s'offrent à elle, ils lui offrent la vie.
Ce premier tome consacré à cette vie difficile, âpre, toute faite de luttes et de discriminations, auprès de sa famille, sur une terre néo-zélandaise loin d'être idyllique.
Coincée entre son père travailleur certes, mais faux autoritaire, et une mère trop dans les nuages pour être une bonne ménagère (à cette époque), coincée au milieu d'une fratrie de cinq, deux ainés, le frère qui accapare toutes les attentions en raison de son épilepsie totalement incomprise (tu n'as qu'à prendre sur toi ne cesse de lu répéter le père), la soeur aînée extravertie, gaie, starlette, superficielle, pleine de joie de vivre, mais vite fauchée par une insuffisance cardiaque (tare familiale) et les deux petites soeurs, complices, Janet ne trouve pas sa place. Janet, me semble-t-il, présente un grand nombre de troubles spécifiques de l'autisme. Mais à l'époque...
Ce premier tome se lit, que dis-je s'avale, se dévore car Janet sait nous entrainer par son écriture extrêmement précise et imagée tout en restant légère et sensible, et simple. Elle nous donne une furieuse envie de la voir grandir en lui souhaitant que ses souffrances s'apaisent. Et pourtant jamais elle ne s'apitoie sur son sort.
Elle décrit admirablement les maisons qu'elle aura habitées avec sa famille, et les différentes régions traversées au gré des aléas paternels, et bien non, la Nouvelle-Zélande n'est pas le paradis pour tous.
Un roman autobiographique sublime, sans concession.