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Histoire contemporaine tome 3 sur 4
EAN : 9782266045582
Pocket (01/06/1991)
4.16/5   34 notes
Résumé :
L?Histoire contemporaine est une tétralogie d'Anatole France. Autour d'un universitaire, c'est une tétralogie satirique de la société française sous la Troisième république, du boulangisme au début du XXe siècle. Extrait : Mais l'armée étant une administration comme l'agriculture, les finances ou l'instruction publique, on ne conçoit pas qu'il existe une justice militaire quand il n'existe ni justice agricole, ni justice financière, ni justice universitaire. Toute j... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
AVOIR UN BON COPAIN !

A force de petite goujaterie au quotidien, d'absence du moindre effort et, pire que tout, de ne plus même sembler voir son épouse, M. Bergeret est parvenu à ses fins : Mme Bergeret est décidée à quitter cet homme indélicat, sans avenir, impossible ! Il faut dire que la mise à la porte de l'ancienne servante - pas mauvaise en soi, mais tellement terrifiée par sa maîtresse qu'elle se rangeait systématiquement à son opinion et à ses ordres - pour la remplacer par une bon à rien, alcoolique invétérée à la cuisse un peu légère, et qui s'endort régulièrement, complètement saoule, sur son ouvrage. Mais cela, c'était le lot de notre Xanthippe tout au long du précédent volume des aventures, certes très statiques mais Ô! combien philosophiques et savoureuses de notre petite ville de province, le Mannequin d'osier.

Cette fois, donc, Mme Bergeret s'en va, non sans être à deux doigts d'avoir les bonnes âmes de son côté (c'est qu'elle a passé beaucoup de temps à se plaindre, ici et là, du caractère épouvantable de son conjoint. Lequel n'étant déjà guère en grâce, ce ne fut une tâche guère difficile à accomplir). Mais c'était sans compter sur l'époux d'une de ses meilleures amies, M. Lacarelle, un des glorieux représentants de cette coterie, affublée d'une magnifique paire de moustache lui donnant un air de chef gaulois d'où il tire le surnom dont on l'affuble : Eporédorix. Bien que parfaitement fidèle à son épouse, il ne peut s'empêcher de surjouer ce personnage égrillard et imposant qu'on l'imagine être - nos "ancêtres" gaulois étaient à la mode en ces temps-là. n'oublions pas que c'est sous Napoléon III que Vercingétorix sorti de son oubli poli, que le site d'Alésia fut activement recherché, et selon toutes hypothèses, retrouvé, etc -. C'est ainsi que ce bon bougre un peu idiot de M Lacarelle se retrouva dans une position fort inconvenante, bouche contre bouche, avec cette pimbêche de Mme Bergeret. Hélas, il avait fallu que Mme Lacarelle arriva sur ces entrefaites... Toute honte bue, L'épouse éplorée du professeur libertaire dû quitter cette petite ville de province suivie de la pire réputation, tandis qu'il s'en était fallu d'un poil (de bacchante) qu'elle s'en aille auréolée de toutes les vertus. Pauvre, pauvre Mme Bergeret (dont nous n'entendrons plus jamais parler de toute la suite de cette fameuse tétralogie).

M. Bergeret est, bien évidemment, totalement étranger à ces histoires-là, dont on se demande s'il en soupçonne seulement l'existence. En revanche, la drôlesse une fois décanillée, M. Bergeret s'empresse de changer et de bonne et de logis. le voici donc nanti de la gracile Angélique qui, ennuyée de son chagrin et surtout de sa solitude, lui fera cadeau d'un chiot, dont il ne veut d'abord pas, mais auquel il fini par s'attacher, lui attribuant le nom de Riquet. Et le solitaire d'échanger plus souvent qu'à son tour des réflexions avec ce partenaire jamais contrariant et tout attachement et tendresse à ce maître pas toujours des plus amènes. Nous le voyons ainsi évoquer, défendre même, pour des raisons souvent des plus justes ( même si l'on imagine fort bien qu'en cette année 1899, année de publication de ce troisième opus)

Mais alors, quelle est donc cette histoire d'anneau d'améthyste ? On va le découvrir assez rapidement, à l'occasion d'une discussion entre Mme de Bonmont, une richissime héritière d'origine israélite convertie au catholicisme et qui se pique d'aider le toujours vaillant et roué abbé Guitrel (mais plus que jamais faussement humble) à devenir ce futur évêque de Tourcoing :

«Monsieur l'abbé, est-ce que l'anneau des évêques doit avoir une forme particulière ?
- Pas précisément, madame, répondit Guitrel. L'évêque porte l'anneau comme symbole de son mariage spirituel avec l'Eglise : il convient donc que cet anneau exprime, en quelque sorte par son aspect même, des idées de pureté et d'austérité.
- Ah !... dit Mme de Bonmont. Et la pierre ?...
- Au Moyen Age, madame la baronne, le chaton était parfois d'or comme l'anneau ou bien de pierre précieuse. L'améthyste est une pierre très convenable, ce me semble, à orner l'anneau pastoral. Aussi la nomme-t-on pierre d'évêque. Elle brille d'un éclat modéré. C'était une des douze pierres qui composait le pectoral du grand prêtre des juifs. Elle exprime, dans la symbolique chrétienne, la modestie et l'humilité. Narbode, évêque de Rennes au XIème siècle, en fait l'emblème des coeurs qui se crucifient sur la croix de Jésus-Christ.
- Vraiment ?» dit Mme de Bonmont.
Et elle résolu d'offrir à M. Guitrel, quand il serait nommé évêque, un anneau pastoral, avec une grande améthyste.

Dès lors, ce sont bien des bons parrains et marraines qui vont se pencher sur la candidature de cet abbé aussi impossible à saisir qu'il est coulant comme l'anguille et matois comme un vieux minou affamé. Sans trop en révéler, il y faudra beaucoup de machiavélisme, pas mal d'entregent, des rappels à bons souvenirs, un peu de flagornerie, et même un soupçon de marivaudage (dans un moment d'une drôlerie inépuisable, référence directe à la scène du fiacre que l'on peut lire dans Mme Bovary). Mais que ne ferait-on pas pour mettre ce bon abbé, tellement à l'écoute, tellement moins emporté ou sectaire que son principal concurrent local, tellement plus aisément convertible aux intérêts de la République que l'abbé Lantaigne... Que l'on se méfie cependant de l'eau qui dort !

Ce troisième épisode - appelons-le ainsi - est sans aucun doute beaucoup plus actif que le précédent. On y croise une sorte de jeune Rastignac, près à tout pour être introduit dans le sein des seins de la vieille noblesse locale, lui, le fils de cette Baronne de Bonmont, née juive mais convertie. Il sait que cette noblesse-là méprise ces nouveaux baptisés, qu'il s'y professe même un antisémitisme virulent, mais qu'importe, le jeune homme y tient, et son intelligence désenchantée d'enfant né trop riche et certainement trop intelligent en cette fin de siècle qui l'ennuie - on y reconnaîtrait parfois un genre de Des Esseintes actif -. Il sera d'ailleurs pour beaucoup, lui aussi, dans l'accession à la tiare de l'abbé Guitrel. On rencontre un pesonnage haut en couleur - qui n'est pas sans évoquer, par une série de rapprochements, l'équivoque Commandant Esterhazy, celui qui aurait dû être condamné en lieu et place du Capitaine Dreyfus, et, dans notre histoire, amant insaisissable de notre riche héritière (riche, mais pas folle : elle ne cède ses avoirs qu'au compte-goutte et seulement si elle sent que cela peut servir ses intérêts). On y découvre une espèce de caricature de Bernadette Soubirous répondant au prénom d'Honorine, douée de visions, et passant son temps en contritions dans une petite chapelle du secteur, mais dont les parties de jambe en l'air finiront par se savoir et détourner l'église d'une sanctification bien délicate.

Quant à notre cher M. Bergeret, sa position de dreyfusard inflexible changera indubitablement sa destinée car s'ils sont bien peu, dans cette France repliée sur elle-même, sur ses certitudes et ses idéologies passéistes, l'un des quatre plus ardents défenseurs du malheureux Capitaine n'est autre que le recteur de l'université dans laquelle professe notre avatar d'un certain Monsieur France. Bien que jusque-là les deux hommes ne se sentaient rien de commun et qu'ils avaient même tendance à s'éviter le plus qu'il leur était possible, cette lutte à un contre mille va les rapprocher bien plus qu'imaginé. le recteur obtenant même la place qu'il n'attendait plus de professeur titulaire. On se prend même à entendre que notre intraitable mais juste professeur pourrait se voir élevé à un poste en Sorbonne...

En 1898; l'Affaire Dreyfus est à son plein. Les luttes entre les deux partis (les pro- et les anti-) divisent à un point qu'il nous est aujourd'hui difficile d'imaginer la France en deux. Et si Anatole France se camoufle ici derrière ce personnage qui est une sorte dee symbole de la force et de la vérité du raisonnement dans un monde entraîné par la passion, ce n'est nullement par soucis de retrait, bien au contraire. Seulement, il est parfois plus convaincant, plus fort et de portée plus grande de prendre ainsi tel paravent car cela permet d'éviter les sentences et autre jugement à l'emporte-pièce et qui ne ferait que répondre par la virulence d'un parti à la virulence, pour ne pas écrire la violence, du parti opposé sans jamais véritablement atteindre son but avoué : convaincre du bien fondé de sa propre réflexion.

Aujourd'hui que nous connaissons les ressorts de cette célèbre et tristement honteuse affaire, ces tribulations peuvent paraître un rien vaines ou alambiquées, mais nul doute qu'elles devaient porter en son temps. Qu'il en reste aujourd'hui une réflexion des plus significatives sur ce que peut-être une pensée humaniste, se méfiant des excès et des outrances, préférant contrarier jusqu'à ses amis du moment parce que c'est la vérité et la justice qui sont, à la fin gagnantes. Et lorsque c'est Anatole France qui nous écrit cela du haut de son siècle passé, c'est tout autant un ravissement pour l'amateur de belles-lettres qu'un régal pour l'intellect. Un compagnon de cette trempe et de ce niveau de pensée, on en redemande !
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Enfin Me Bergeret quitte la ville de *** non sans avoir déclenché un scandale qui fera dire quelle y est "restée un jour de trop". Resté seul M.Bergeret déménage, prend ses aises, change de servante et se découvre un nouvel ami à quatre pattes dénommé Riquet ...Dreyfusard parce que la cause lui semble juste et que l'erreur judiciaire est possible il est mis au banc de la société bien-pensante. Ils ne sont pas bien nombreux à penser comme lui à l'exception du recteur de l'université dont il se rapproche. Il se voit enfin titularisé et il est question qu'il soit nommé à Paris.
Et l'Abbé Guitrel me direz-vous. Va t-'-il avoir l'évêché de Tourcoing? Tout se décide à Paris , c'est le ministre des cultes M.Loyer qui doit prendre la décision ,Concordat oblige. Comment M.Loyer va t-'-il pouvoir résister à toutes ces charmantes dames qui sont montées à Paris pour soutenir sa candidature. Mme de Gromance, la Baronne de Bonmont et Mme Worms-Clavelin sont décidées et bien décidées.
Anatole France publie l'Anneau d'améthyste en 1895. L'affaire Dreyfus est omniprésente dans les conversations et les esprits. L'Église souffre financièrement des lois fiscales et rechigne devant les exigences ruineuses de l' État. M.Bergeret reste fidèle à ses convictions, nous les fait partager. Malgré tout cela, j'ai trouvé ce troisième volet plus léger, un peu de gaité arrive même à transpercer , l'arrivée de Riquet dans la vie de M.Bergeret apporte un souffle de tendresse, ces dames se révèlent amoureuses, impertinentes et décidées . Il ne me reste plus qu'à suivre M.Bergeret à Paris et à surveiller le sort de Mr l'évêque ....
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Pour ce troisième tome, avec l'anneau d'Amethyste, Anatole France ne nous laisse plus planer dans le suspens. Enfin le rideau tombe. Le masque tombe. Un cycle évolutif s'ouvre enfin devant nous. Des sujets, ayant connu beaucoup de tergiversations dans les deux premiers tomes vont enfin trouver d'issue. Notamment avec le clergé de Tourcoing, resté longtemps vacant, pendant ce temps les avis s'enfiévraient, se partageaient entre l'intransigeant abbé Lantaigne et le diplomate abbé Guitrel. L'auteur nous sort ici les dernières artilleries des dessous de l'administration. L'ami d'un tel connait la maïtresse d'un tel, qui connait le frère d'un tel et le fils d'un tel, la mère d'un tel connait le mari d'un tel et le feu ami d'un tel, c'est sous toute la ramification de tel copinage que le clergé de Tourcoing aura à sa tête l'abbé Guitrel. De l'autre coté, monsieur Bergeret voit atterrir chez lui un chat, qui, dans un premier temps va le déconcerter dans ses méditations philosophiques, mais, par la suite, il deviendra le meilleur compagnon de sa solitude philosophique. Enfin monsieur Bergeret reçoit une promotion, il se verra obliger d'aller à Paris...
J'ai plus aimé ce troisième tome que j'ai trouvé plus dynamique, surtout les débats ont été beaucoup plus définis que dans les deux premiers tomes... Enfin, je suis impatiente de retrouver monsieur Bregeret à Paris!!!
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Je ne peux pas croire que la voix de cet auteur comme d'autres Claudel, Martin du Gard, Mirbeau, Suarès .. soit couverte par celles de Zola, Hugo.. au point qu'on parle tout le temps de celles-là et aucunement des premiers cités qui sont aussi intéressantes. Est-ce l'arbre qui cache la forêt ou a-t-on à ce point besoin de rappeler sans cesse les meilleurs d'entre eux au détriment des autres pour nous taper sur le nombril et nous montrer que nous sommes forts comme si notre culture était menacée. Ben oui, elle est menacée si on ne cite plus le Journal d'une femme de chambre, les Thibault, Les Souliers de satin, Thaïs, le Lys rouge, Les Dieux ont soif, j'en passe et des meilleurs. Ben oui, Hugo, Zola ne renvoient pas à Anatole France par exemple qui était enseigné dans les petites classes comme étant la référence du savoir écrire français. Ben oui, ne serait-il plus possible en France de déterrer un illustre méconnu dans son temps pour en faire un littérateur de premier plan à sa place au même titre que Gide, je veux parler de Suarès ?

Ben oui, n'aurions-nous que ça en magasin ? Ceux qu'on nous rabâche à cor et a cri pour nous montrer que la culture existe ?

En tout cas mon Anneau d'améthyste me plaît, et il ne me barbe pas comme certains Victor Hugo à vrai dire, il s'inscrit, pour le situer un peu dans le cycle de l'Histoire contemporaine, après l'Orme du mail et le Mannequin d'acier :

"Madame Bergeret quitta la maison conjugale, ainsi qu'elle l'avait annoncé, et se retira chez madame veuve Pouilly, sa mère.

Au dernier moment, elle avait pensé ne point partir. Pour peu qu'on l'en eût pressée, elle aurait consenti à oublier le passé et à reprendre la vie commune, ne gardant à Mr Bergeret qu'un peu de mépris d'avoir été un mari trompé.

Elle était prête à pardonner. Mais l'inflexible estime dont la société l'entourait ne le lui permit pas. Madame Dellion lui fit savoir qu'on jugerait défavorablement une telle faiblesse. Les salons du chef-lieu furent unanimes. Il n'y eut chez les boutiquiers qu'une opinion : madame Bergeret devait se retirer dans sa famille. Ainsi on tenait fermement pour la vertu et du même coup l'on se débarrassait d'une personne indiscrète, grossière, compromettante, dont la vulgarité apparaissait même au vulgaire, et qui pesait à tous. On lui fit entendre que c'était un beau départ.

- Ma petite, je vous admire, lui disait du fond de sa bergère, la vieille madame Dutilleul, veuve impérissable de quatre maris, femme terrible, soupçonnée de tout, hors d'avoir aimé, partant honorée.

Madame Bergeret était satisfaite d'inspirer de la sympathie à madame Dellion et de l'admiration à madame Dutilleul. Pourtant elle hésitait à partir, étant de complexion domestique et coutumière et contente de vivre dans la paresse et le mensonge. M. Bergeret redoubla d'étude et de soins pour assurer sa délivrance. Il soutint d'une main ferme la servante Marie qui entretenait la misère, la terreur et le désespoir dans la maison, accueillait, disait-on, des voleurs et des assassins dans sa cuisine et ne se manifestaient que par des catastrophes.

Qatre-vingt-seize heures avant le jour fixé pour le départ de madame Bergeret, cette fille, ivre à son habitude, répandit le pétrole de la lampe dans la chambre de sa maîtresse et mit le feu aux rideaux de crétonne bleue du lit. Cependant madame Bergeret passait la soirée chez son amie madame Lacarelle. En rentrant dans sa chambre, elle vit les traces du sinistre dans le silence terrible de la maison. En vain elle appela la servante ivre-morte et le mari de pierre.."

Nous sommes en 1899, en pleine affaire Dreyfus, et Mr Bergeret est dreyfusard ..

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Cet anneau est le symbole de l'évêque, celui par lequel il est consacré. C'est à travers cette quête d'une accession à l'évêché de l'abbé Guitrel que se construit le roman. Cette ambition a pour fond l'affaire Dreyfus qu'on ne désigne que par « l'affaire ». Tous les bourgeois, généraux aristocrates déchus et bien sûr hommes d'église, dans le petit cercle du duc de Brécé (qui n'est pas sans rappeler celui des Verdurin chez Proust qui inventa son Bergotte en partie d'Anatole France) sont profondément anti-dreyfusards par tradition antisémite chrétienne et parce que, comme, il disent, quatorze officiers de la justice militaire ne peuvent pas tous se tromper. Une autre ambition se dessine, celui du soldat Bonmont qui rêve d'accéder aux chasses du duc. Il doit pour cela obtenir un « bouton » l'autorisant à chasser en compagnie sur le domaine. C'est donc lui qui va intriguer, espérant le soutien de l'abbé Guitrel, pour le conduire à l'évêché et les moyens passent par les femmes qui trompent leurs maris et celles qui connaissent un ministre. Nous sommes dans la France de 1900 et, à une époque où l'on se bat encore pour la laïcité, on nous rappelle qu'il existait alors un Ministère de l'Enseignement et des Cultes. C'est cette vieille France dont se moque leur contemporain Anatole France, mais la nôtre doit avoir encore son lot de compromis. En tout cas le sabre et le goupillon en prennent pour leur grade !
De plus, les de Brécé sont d'autant plus gênés que la famille Bonmont sont des juifs récemment convertis au catholicisme et font parfois du zèle, par exemple en envoyant un précieux ciboire pour la soi-disant miraculeuse « Notre-Dame-des Belles-Feuilles », miraculeuse par une jeune fille, Honorine, qu'on croit pure et qui a des apparitions de la Vierge. En vérité, Honorine a trouvé un filon et sait se laisser séduire par un garçon du village puisqu'on les trouve un jour « couchés dans les feuilles. » Toute l'ironie de France est là, dénonçant les hypocrisies, les conservatismes de tout poil.
Pour incarner tout cela nous avons le personnage de Bergeret, érudit, professeur d'Humanités qui vit comme un philosophe et vit enfin libre puisque sa femme le quitte au début du roman. Rappelons aussi qu'Anatole France était un libre penseur proche de Zola et de Renan, cités dans la roman. C'est dans ses discussions péripatéticiennes avec son ami Mazure que Bergeret laisse voir son aspect méfiant vis-à-vis de la foule et de la majorité bien-pensante de l'époque, se défiant de tout apriori. En ce sens, il régale le lecteur de citations tirés des Anciens, de traductions du grec qu'il est en train de faire, intéressantes mais peut-être un peu longues parfois.
C'est ma première incursion dans Anatole France et je n'ai pas été déçu : de l'esprit de l'érudition, de la réflexion intelligence pendante à la sottise des autres, forts de leurs certitudes apprises et somme toute contrecarrés dans leurs ambitions de boutiquiers et ayant l'idée d'une France qui n'a jamais existé.
J'ai lu Anatole France parce que je savais que Proust l'admirait. Cette vieille France avait pour elle les stylistes, la phrase est bien tournée, le mot est rare. On pressent Proust à bien des égards. Bref, nous sommes en bonne compagnie.
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Au moment où M. Bergeret prononçait ces paroles, un grand tumulte éclata sur la place. C’était une bande de petits garçons qui passaient en criant : « À bas Zola ! mort aux juifs ! » Ils allaient casser des carreaux chez le bottier Meyer qu’on croyait israélite, et les bourgeois de la ville les regardaient avec bienveillance.
– Ces braves petits gosses ! s’écria M. de Terremondre, quand les manifestants furent passés.
M. Bergeret, le nez dans un gros livre, prononça lentement ces mots :
« La liberté n’avait pour elle qu’une infime minorité de gens instruits. Le clergé presque tout entier, les généraux, la plèbe ignare et fanatique voulaient un maître. »
– Qu’est-ce que vous dites ? demanda M. Mazure, agité.
– Rien, répondit M. Bergeret. Je lis un chapitre de l’histoire d’Espagne. Le tableau des mœurs publiques lors de la restauration de Ferdinand VII.

Cependant le bottier Meyer fut à demi assommé. Il ne s’en plaignit point, de peur de l’être tout à fait, et parce que la justice du peuple, associée à celle de l’armée, lui inspirait une muette admiration
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[...] Pardonnez-moi la peine que vous prendrez pour moi à la bibliothèque de la ville, je souhaite que vous en soyez récompensé par la rencontre de la nymphe portière, aux cheveux d'or, qui écoute, avec des oreilles purpurines, les propos amoureux, en balançant au bout de ses doigts les grosses clefs de vos antiques trésors. Cette nymphe me rappelle que j'ai passé les jours d'aimer et qu'il est temps de cultiver des vices choisis. La vie serait vraiment trop triste si le rose essaim des pensées polissonnes ne venait parfois consoler la vieillesse des honnêtes gens. Je puis faire part de cette sagesse à un esprit rare comme le votre et capable de la comprendre.
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Le nombre des esprits émancipés augmente de jour en jour. La liberté de conscience est à jamais acquise. L'empire de la science est fondé. Mais je crains un retour offensif des cléricaux. Les circonstances [NB : l'affaire Dreyfus] favorisent la réaction. J'en suis soucieux. Je ne suis pas comme vous un dilettante. J'aime la République d'un amour inquiet et farouche.
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Et il songea :
Soyons humbles. Ne nous croyons pas excellents, car nous ne le sommes pas. En nous regardant nous-mêmes, découvrons notre véritable figure qui est rude et violente comme celle de nos pères, et puisque nous avons sur eux l'avantage d'une plus longue tradition, connaissons du moins la suite et la continuité de notre ignorance.
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Il n'était point en sympathie avec ses collègues et avec ses élèves. Il n'était point en sympathie avec les habitants de la ville. Faute de pouvoir sentir et comprendre comme eux, il était retranché de la communion humaine ; et sa singularité le privait de de cette douceur sociale qui agit même à travers les murs d'une maison et les portes closes. Par cela seul qu'il pensait, il était un être étrange, inquiétant, suspect à tous.
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CHAPITRES : 0:00 - Titre
F : 0:06 - FLATTERIE - Madame de Sévigné 0:15 - FOU - Delphine Gay 0:25 - FOULE - George Sand
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L : 4:33 - LARME - Georges Courteline 4:46 - LIBERTÉ - Henri Jeanson 4:57 - LIT - Paul Éluard
M : 5:05 - MALADIE - Boris Vian 5:18 - MARIAGE - Édouard Pailleron
5:31 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Jean Delacour, Tout l'esprit français, Paris, Albin Michel, 1974.
IMAGES D'ILLUSTRATION : Madame de Sévigné : https://www.linternaute.fr/biographie/litterature/1775498-madame-de-sevigne-biographie-courte-dates-citations/ Delphine Gay : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/5e/Delphine_de_Girardin_1853_side.jpg George Sand : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/09/George_Sand_%281804-1876%29_M.jpg Robert Poulet : https://www.belgiumwwii.be/belgique-en-guerre/personnalites/poulet-robert.html Jean-François Marmontel : https://www.posterazzi.com/jean-francois-marmontel-n-1723-1799-french-writer-stipple-engraving-french-c1800-poster-print-by-granger-collection-item-vargrc0085347/ Pierre-Adrien Decourcelle : https://www.mediastorehouse.co.uk/fine-art-finder/artists/henri-la-blanchere/adrien-decourcelle-1821-1892-39-boulevard-des-25144380.html Victor Hugo : https://www.maxicours.com/se/cours/les-funerailles-nationales-de-victor-hugo/ Alphonse Karr : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/9c/Personnalités_des_arts_et_des_lettres_-_Alphonse_Karr_%28Nadar%29.jpg Anatole France : https://rickrozoff.files.wordpress.com/2013/01/anatolefrance.jp Alphonse Allais : https://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/alphonse-allais-faits-divers.html Louis Scutenaire : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Scutenaire#/media/Fichier:Louis_Scutenaire,_rue_de_la_Luzerze.jpg Marcel Pagnol : https://www.aubagne.fr/actualites-109/marcel-pagnol-celebre-dans-sa-ville-natale-2243.html?cHash=50a5923217d5e6fe7d35d35f1ce29d72#gallery-id-4994 Anne Barratin : https://www.babelio.com/auteur/Anne-Barratin/302855 Charles Pinot Duclos
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