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431 pages
Imprimerie nationale (31/12/1938)
3.75/5   2 notes
Résumé :
Le présent Livre Jaune constitue un recueil des principaux documents qui marquent et éclairent l'action diplomatique française, du 28 septembre 1939, date des accords de Munich, au 3 septembre 1939, jour où, en exécution de leurs engagements d'assistance, la France et la Grande-Bretagne se déclarèrent en état de guerre avec l'Allemagne.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce volume passionnant contient le texte des échanges secrets entre le ministre des affaires étrangères et ses ambassades et consulats pendant toute la période tendue avec l'Allemagne, entre l'annexion de l'Autriche (12.3.38) et la déclaration de guerre (3.9.39): environ 400 documents. Les diplomates transmettent jour après jour, voire heure par heure ce qu'ils recueillent de leurs informateurs et des résultats de leurs rencontres avec Hitler et ses ministres, et reçoivent des instructions de leur propre ministre. Souvent, «l'opinion ne devra pas être informée». Dans tous ces messages, pas un seul mot sur le sort des juifs. L'importance historique de ces documents secrets est unique et mérite une critique un peu plus longue que d'habitude.

La volonté menaçante d'expansion d'Hitler à l'Est était connue mais il cherche à endormir la France («il ne réclamera jamais l'Alsace-Lorraine»). Daladier et Chamberlain croient sauver la paix avec les accords de Munich (29.9.38), Hitler recevant d'eux la région des Sudètes au nom de la défense des Allemands de Tchécoslovaquie et de l'homogénéité ethnique, mais très vite, il s'empare du reste de la Tchéquie (à population slave) en violation des accords de Munich, rafle l'or de la banque tchèque, et songe à sa proie suivante. Les usines tchèques (Skoda, etc.) sont désormais au service de l'armée nazie. Paris est chaque fois informé par ses ambassades de ses intentions bien avant que cela ne survienne. Quand Memel est prise en 1939, les démocraties laissent faire à nouveau. Hitler se croit tout puissant. Un officiel déclare à l'ambassadeur de France «Nous avons devant nous tant de portes ouvertes que nous ne savons plus où donner de la tête, ni quelle orientation adopter» (19.3.39).

«La politique allemande a d'abord fixé ses buts... Elle n'a plus ensuite qu'à trouver les prétextes... le cynisme allemand... s'efforce de donner à la violence exercée contre la Tchécoslovaquie une apparence de légitimité» en inventant des agressions contre des Allemands, écrit l'ambassadeur de France à Berlin (14-16.3.39).

La revendication «pacifique» suivante d'Hitler est la Ville Libre de Danzig, l'actuelle Gdansk. Bientôt, il exige en outre une partie de la Pologne. L'opération est plus délicate car en vertu d'un traité d'assistance, toute attaque allemande contre la Pologne entraînerait l'entrée en guerre de la France et de l'Angleterre. S'ensuivent de nombreux échanges. Hitler doute que les Anglais soient prêts à mourir pour Danzig, tandis que les alliés de la Pologne lui martèlent que le traité sera respecté. L'ambassadeur de France apprend que plusieurs généraux dont Keitel, chef de l'Etat-Major, ont déclaré à Hitler que sans alliance avec les soviets, il «aurait peu de chances de gagner la guerre» contre la Pologne. Hitler tergiverse.

En février 1939, il avait déclaré – avant de changer 6 mois plus tard - qu'il ne s'entendra jamais avec les soviets, mais l'ambassadeur de France à Berlin, lucide, presse le gouvernement Daladier de s'allier avec l'URSS pour devancer Hitler, et cela, dans un courrier prémonitoire: Pour avoir les mains libres, «le Fuhrer s'entendra... avec la Russie [et] atteindra ses objectifs... Peut-être verra-t-on un quatrième partage de la Pologne». Un familier du Fuhrer lui a déclaré avec 4 mois d'avance : «Les deux régimes sont-ils réellement différents ?... Il y a déjà eu trois partages de la Pologne; eh bien, vous en verrez un quatrième» (7.5.1939). Cet ambassadeur, Robert Coulondre, comme son collègue britannique, demande donc que «la conclusion de l'accord anglo-franco-russe soit hâtée le plus possible» (1.6.39). Il sait de quoi il parle: avant d'être ambassadeur à Berlin (1938-39), il l'était à Moscou (1936-38). En 1940, il rempile en Suisse.

Hitler temporise mais multiplie les incidents, et le sénat pro-nazi de Danzig, l'actuelle Gdansk, grignote les droits des Polonais dans la Ville Libre. Un moment, pour tenter d'amadouer la France et l'Angleterre, Hitler déclare que Danzig sera sa «dernière revendication», mais combien de fois n'a-t-il pas déjà dit ça ?

Le consul de France à Hambourg, informé par les milieux d'affaire, insiste lui aussi (4.7.39): «Si un accord n'est pas prochainement conclu entre Londres, Paris et Moscou, le Gouvernement soviétique serait prêt à signer avec le Reich», ce qui précipitera «une agression contre la Pologne... et une conflagration générale». On ne pourra pas dire qu'on ne savait pas. le 15.8.39, Coulondre presse encore (en vain): «L'accord avec les soviets, je ne répèterai jamais assez...».

L'alliance entre nazis et communistes prônée par von Ribbentropp est scellée (p. 173) à l'initiative de Staline, la Russie ayant les mêmes visées expansionnistes. Staline aidera l'effort de guerre des nazis en leur fournissant du pétrole et du matériel militaire. Pendant les négociations, Hitler avait déjà trahi son futur allié en promettant à la Pologne le partage de l'Ukraine russe en compensation de l'annexion de Danzig (9.5.39). le futur partage de la Pologne est confirmé à l'ambassadeur de France par le ministre von Ribbentropp dès le 22.5.39 (plus de trois mois d'avance). le 10.7.39, l'ambassadeur de France communique que «tous les tailleurs et même toutes les couturières de la Ville Libre sont réquisitionnés pour confectionner des uniformes», et le 25, qu'un million de réservistes allemands sont mobilisés, que les militaires libérables sont maintenus sous les drapeaux, que des dispositions sont prises pour que de la main d'oeuvre féminine remplace en temps de guerre les ouvriers des usines, que les bateaux de pêche et les stocks de carburant sont réquisitionnés, que des troupes sont massées aux frontières, que les usines aéronautiques tournent à pleins rendements, etc. La presse allemande persuade la population qu'elle est menacée par la Pologne. Un discours de Goebbels confirme que Danzig n'est qu'un prétexte pour une opération bien plus large (12.8.39).

La presse allemande multiplie les faux bruits relatifs à des Allemands attaqués par des Polonais (pp. 175-177 notamment). Agresseur, Hitler se dit agressé, donc légitimé à riposter. Les ambassadeurs communiquent les moindres changements de ton dans les intimidations des journaux allemands. «Le Fuhrer ne veut pas la guerre. Il ne s'y résoudra qu'à contre-coeur, mais ce n'est pas de lui que ça dépend». von Ribbentropp, ministre des Affaires étrangères pousse à la guerre, mais pas Goering ni Mussolini. Hitler est longtemps indécis. Les chancelleries occidentales sont de plus en plus pessimistes devant les informations qui leur parviennent. Des militaires allemands arrivent à Danzig déguisés en touristes, et les armes y entrent clandestinement.

Dès le 20.8.39, l'ambassadeur de France à Berlin communique à Paris que la volonté d'annexer la Pologne est devenue évidente. le 22, le consul de France à Hambourg informe que des cheminots allemands gagnent la Pologne pour y contrôler les chemins de fer et que les voitures civiles sont réquisitionnées et pourvues de plaques militaires. le 24, le partage des territoires baltes et polonais entre Staline et Hitler est connu et transmis à Paris. Les dernières tentatives diplomatiques échouent. le roi des Belges, Léopold III, au nom du groupe d'Oslo (pays neutres), propose une conférence à Bruxelles le 23, et offre ses bons offices, acceptés par la France. La Pologne le remercie. Après le Saint Siège, Chamberlain appelle à la paix le 23. Daladier aussi, le 26, suggérant des échanges de territoire comme contrefeu. le 26, Hitler hausse la barre. Tout en se prétendant «pacifique et raisonnable», il exige maintenant des colonies en plus du reste. En même temps, sa presse prépare l'opinion à la guerre en l'excitant avec des fausses nouvelles d'Allemands attaqués par des Polonais. Il ne peut plus reculer. La Pologne accepte d'aller négocier. Il fait semblant d'accepter puis refuse sous prétexte qu'on lui envoie un ambassadeur et pas un plénipotentiaire.

La guerre est imminente. Les ambassadeurs à Berlin et à Varsovie, et le consul à Danzig, communiquent heure par heure, jour et nuit, et cette fois par téléphone, plus par télégramme. le 31, l'Italie, visiblement tenue à l'écart par Hitler, propose encore une conférence, mais dès la nuit, Hitler entre en Pologne, le 1er septembre sans déclaration de guerre «pour y défendre les sujets allemands». Il prononce un discours au Reichstag, et l'ambassadeur de France note que l'enthousiasme des députés «est resté modéré... La moitié seule des députés applaudissait le Fuhrer».

Fidèles au pacte d'assistance à la Pologne, l'Angleterre et la France déclarent la guerre le 3.9.39 après d'ultimes tentatives de faire reculer Hitler.

La date du 1er septembre était prévue comme idéale et quasi inéluctable depuis longtemps par les ambassadeurs car venant après les moissons et avant les pluies qui rendent les terrains boueux. L'ambassadeur de France à Berlin avait souligné dès le 22 août que l'alliance avec l'URSS renforçait la confiance des Allemands, et rendait possible le déclenchement des hostilités. Sans l'appui massif de Staline à Hitler, la guerre n'aurait donc peut-être pas eu lieu.

Plutôt qu'un traité avec la France et l'Angleterre, Staline a préféré un pacte avec Hitler (29.8.39, complété le mois suivant par un pacte d'amitié), plus avantageux car il lui offre la moitié de la Pologne, les trois États baltes et la Bessarabie. L'Allemagne prend l'autre moitié de la Pologne. Trois jours après le pacte germano-soviétique, le 1.9.39, l'invasion de la Pologne a donc pu débuter sans souci pour Hitler.

Le livre s'arrête là. Je reproduis par ailleurs quelques citations. La suite est connue, mais on peut en rappeler quelques éléments.

Une petite partie du parti communiste français - 22 députés sur 74 – démissionnent du parti pour protester contre l'alliance de Staline avec Hitler.

L'ambassadeur Robert Coulondre (1885-1959) a publié un livre de mémoires.

Pétain, nommé premier ministre par le président Lebrun est acculé à l'armistice. Molotov exprime à l'Allemagne «les plus chaleureuses félicitations du Gouvernement soviétique pour le magnifique succès des forces armées allemandes» (Télégramme n° 1167 du 17 juin 1940 consultable sur Internet), en même temps qu'il confirme la conquête des États baltes. le 18 juin 1940, à Londres, le Général de Gaulle condamne l'initiative de Pétain. le Parti communiste, aligné sur Moscou, soutient Pétain dans l'Humanité clandestine du 19.6.40, et attaque De Gaulle avec virulence. Pour dissuader les Français de rejoindre la Résistance, sa propagande le décrit comme un traître et un fasciste à la solde des banquiers londoniens.

Le 22.6.41, Hitler, insatiable, et ce sera son erreur, envahit l'URSS, violant son alliance, que Staline respectait pour sa part. le 25.6.41, le Parti Communiste Français reçoit de Moscou l'instruction de «rechercher et organiser contacts directs avec mouvement gaulliste» pour combattre l'Allemagne, et après un virage à 180°, le parti s'aligne à nouveau sur Moscou.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
(Relation par l'ambassadeur de France de sa visite du 20.10.38 à Hitler dans son nid d'aigle de Berchtesgaden à 1900 mètres d'altitude): Le chancelier Hitler avait mis à ma disposition l'un de ses avions personnels... (le trajet continue en voiture par) une route en lacets... taillée dans la pierre... La route aboutit à l'entrée d'un long souterrain qui s'enfonce dans le sol et que ferme une lourde et double porte de bronze. À l'extrémité de ce souterrain, un large ascenseur... Par un puits vertical de 110 mètres creusé dans le roc, il monte jusqu'au niveau de la demeure du chancelier... une galerie à piliers romains, une immense salle vitrée en rotonde... garnie d'une table entourée d'une trentaine de chaises... et plusieurs salons latéraux meublés avec élégance de confortables fauteuils... Le visiteur se demande s'il est éveillé ou s'il rêve... Est-ce une fantaisie de milliardaire, l'oeuvre d'un esprit normal, ou celle d'un homme tourmenté par la folie des grandeurs, par une hantise de domination et de solitude, ou simplement ,en proie à la peur?... (Chaque endroit est) protégé par des nids de mitrailleuses. Le chancelier m'accueille avec amabilité et courtoisie... Il n'est pas dans un jour d'excitation... il me montre le paysage...
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(Lettre de l'ambassadeur de France à Berlin, au ministre des affaires étrangères, le 4.10.1938, après les accords de Munich): [La conférence à quatre] a immédiatement provoqué une immense satisfaction. Pas un instant, on ,'a douté qu'elle ne conjurât la guerre imminente. Le miracle que l'on avait cessé d'espérer se produisait... Le Führer a dû composer... La presse allemande n'a cessé d'affirmer ces jours-ci que l'accord de Munich pouvait être le point de départ de l'édification d'une Europe nouvelle... dominée par le respect des droits vitaux de chaque peuple, et orientée vers une collaboration harmonieuse entre les nations. Les journaux du Reich ont multiplié les paroles aimables à l'adresse de la France.
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