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EAN : 978B00BE1XFMY
Cercle du Bibliophile (30/11/-1)
5/5   1 notes
Résumé :
Edition du "Cercle du bibliophile"(Anatole France, Oeuvres complètes) établie par Jacques Suffel et illustrée par Christian Broutin.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
ALLONS ENFANTS DE PINGOUINIIII-IE !

«Or, ce qu'il avait pris pour des hommes de petite taille, mais d'une allure grave, c'était des pingouins que réunissait le printemps, et qui se tenaient rangés par couples, sur les degrés naturels de la roche, debout dans la majesté de leurs gros ventres blancs»

Voilà en quelques mots bien frappés comment le dénommé Maël, un saint homme un peu trop vieux, un peu mal-voyant et facilement abusé par le diable qui l'avait fait s'embarquer sur une auge de pierre - dans la pure fidélité hagiographique et traditionnelle de l'arrivée des "saints" évangélistes gallois ou irlandais sur les côtes de la sauvage petite Bretagne de ces temps sombres et éloignés - juste avant une tempête. Ainsi furent accidentellement baptisés, durant trois jours et trois nuits, ces adorables oiseaux qui n'en avaient pas demandé mais, par un moine déjà en odeur de sainteté bien qu'assez naïf (sans doute à cause de cela), et à l'appétit de christianisation indépassable ! S'ensuit, dans cette manière de Légende Dorée, la naissance supposée de la Pingouinie et de ses premiers habitants, à l'instar des gaulois de la légende nationale, lesquels obtiennent une âme après une âpre et vive discussion dans les très hautes sphères éthérés du Seigneur, certains des saints et autres bienheureux des Cieux se trouvant révolté par l'idée que de simples pingouins soient portés aux nues à l'égal des autres hommes, tandis que d'autres esprits saints estiment, au contraire, qu'il ne peut désormais en être autrement maintenant qu'ils ont tous été baptisés. Heureusement, Catherine d'Alexandrie - faut-il rappeler que son existence véridique est tellement douteuse que l'Eglise elle-même la fit enlever des saints et saintes reconnus par elle... en 1970 - est fidèle au poste pour départager tout le monde, donner un avis enfin rigoureux et convaincre Dieu de faire ce qui doit être fait, à la fin de plusieurs pages aussi folles que bien plus savantes qu'il n'y parait : Anatole France sait porter la moindre supercherie jusqu'à des niveaux rarement atteints dans toute l'histoire de la littérature. Au passage, il tacle l'Eglise avec tous ses supposés Pères et Docteurs de la foi, les Souverains Pontifes et autres théologiens de Concile et de Conclave comme rarement on a pu le lire auparavant, l'ensemble sur un ton mêlant faux sérieux et vrai humour, sans la moindre faute de goût, sans éclat inutile, sans même avoir l'air d'y songer. Cela semble sans doute d'importance modeste voire parfaitement superflue et indigeste aujourd'hui, mais en des temps où l'immense majorité des français était catholique et pratiquante, possédait, pour nombre d'entre eux, des bases solides en matière de religion et d'histoire religieuse, mais que nous ne pouvons plus guère imaginer aujourd'hui autrement qu'en examinant les ouvrages sur le sujet. Et surtout, ceci est rédigé en pleine tempête entre cléricaux et anticléricaux, après la fameuse affaire Dreyfus (dont c'est un des thèmes et raisons majeurs), après une série de loi jugées très anticléricales en ces années-là, la fameuse loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat qui fit tant couler d'encre, etc. Anatole France s'en donne à coeur joie !

Les Pingouins (aka les français...) auront donc une âme. de même, ils prennent forme et visage humain... Mais gardent un petit quelque chose de leur ancienne condition (souvenons-nous en tout instant que ce sont les français de son temps dont il parle) : «ils étaient enclins à regarder de côté ; ils se balançaient sur leurs cuisses trop courtes ; leur corps restait couvert d'un fin duvet». En gros, ils sont incapables de regarder les autres en face, ils sont courtauds et poilus... Nous voici rhabillés pour l'hiver ! A propos d'habillement, ce sera l'étape suivante, laquelle n'est pas d'une importance cruciale dans la trame du texte mais où Anatole France donne toute la mesure de son génie d'écrivain philosophe et libre penseur. La première pingouine habillée se retrouve ainsi enlevée par un moine possédé par le démon au grand dam des autres pingouins qui en auraient bien fait de même : ces nouveaux humains découvrent ainsi la convoitise, la luxure, l'orgueil, la jalousie, le péché de chair...

Mais cette nouvelle âme qui leur est tombée dessus n'a pas que ce genre de conséquence secondaire. Elle va leur faire prendre conscience qu'il faut se battre pour survivre, y compris en défonçant le crâne du voisin sans autre motif que celui de revendiquer sa terre, devenir puissant et riche, de faire travailler les autres pour son propre compte, le tout avec la bénédiction de l'église bien entendu. Voici ce qu'un jeune moine dégourdit répond au pieux et simple Maël qui s'offusque de voir ses nouveaux convertis se battre et s'assassiner sans répit : «Prenez garde, mon père, que ce que vous appelez le meurtre et le vol est en effet la guerre et la conquête, fondements sacrés des empires et sources de toutes les vertus et de toutes les grandeurs humaines. Considérez surtout qu'en blâmant le grand Pingouin, vous attaquez la propriété dans son origine et son principe.» Après l'église, voilà comment France, en véritable penseur de l'anarchisme, s'en prend directement mais avec grande finesse, à tous les grands principes permettant la conservation, la continuation de la propriété, justifie les guerres, les lois (le moinillon les évoque un peu avant), les forces préposées au maintien de celles-ci, et surtout d'un ordre des choses irréfragable. Pour résumer en trois ou quatre mots la pensée de l'auteur, clairement, la propriété, c'est le vol légalisé.

L'île des Pingouins est ainsi l'histoire de toutes les impostures de l'Histoire. Première imposture : Celle de Dieu qui doit corriger le tir, a posteriori, des actes inconsidérés de son vieux clerc sur la terre. Les autres suivront : l'acte de naissance de la Pingouinie en est une, et quelle ! Un savoureux mélange de frivolité, de mensonge, de fourberie, d'inventivité frauduleuse, de tartuferie bien appliquée, de mystification. Notre jeune vierge nouvellement habillée - encore elle - répondant au doux nom d'Orberose va s'accoquiner à une espèce de sauvageon malin, sans foi ni loi, nommé Kraken, ayant un goût certain pour le luxe et le pouvoir. Ensemble, ils vont inventer une vaste supercherie à base de faux dragon dévastateur auquel, pour en obtenir la fuite, Orberose assure qu'il faudra offrir une vierge (Orberose elle-même, on n'est jamais aussi bien servi que par soi...et même si elle ne l'est plus depuis bien longtemps, vierge, ne serait-ce que par les bons offices de Kraken). Ainsi ces deux gougnafiers, par une série de faux-semblants digne des plus fameux vaudevilles de la belle-époque, vont devenir rien moins que les fondateurs de la première dynastie du pays. Ces deux fondateurs de l'histoire de la Pingouinie ravalent ainsi la naissance de la féodalité à une vulgaire histoire de prédation et de séduction. le faux dragon surnommé Alca (pingouin, en espagnol) donnera son nom à la future capitale. Quant à Orberose, elle sera plus tard sanctifiée et son hagiographie, écrite bien après comme il se doit, ne fera bien évidemment jamais état de ses innombrables méfaits ni péchés mortels ou véniels.

De cette période rappelant étonnement l'époque mérovingienne - sur laquelle il fut aisé de tramer dans les siècles qui suivirent, les sources fiables, autographes, l'archéologie, etc ne disant malheureusement pas grand chose de solide et de sérieux. Les "dark ages" comme le disent encore les britanniques. Comme s'il y avait eu un "trou gris" de quelques siècles entre la fin de l'empire romain et l'avènement des premières grandes royautés, Carolus Magnus en tête - les premiers historiens modernes en firent les bases de l'histoire de notre pays, de notre "civilisation" et de notre "race" comme on n'hésitait pas à l'écrire encore à l'époque de France. Et l'auteur s'empresse de la faire tenir non seulement sur pas grand'chose mais il n'hésite pas à aller un cran plus loin : il la fait reposer sur du pur mensonge, sur des bonimenteries, des fables pour amuser les gosses : certains critiques de l'époque ne s'y trompèrent d'ailleurs pas - et même parmi ceux qui, d'habitude, tenaient Anatole France et ses oeuvres en très haute estime -, lui reprochant, non sans véhémence pour certains, d'oser toucher à cette espèce de sacralité de l'Histoire de notre pays. Or, France s'en explique très longuement, avec un sens de la raillerie et de l'ironie qui emporte tout, dans la vraie fausse préface de son livre, qui explique sa vision de ce qu'est l'histoire dans un pays donné, du métier d'historien. L'un d'entre eux lui conseille d'ailleurs ceci, afin de bien prendre le pouls de ce qu'il va rédiger, s'il veut obtenir la reconnaissance de ses pairs et le succès public : « Les historiens se copient les uns les autres. Ils s'épargnent ainsi de la fatigue et évitent de paraître outrecuidants. Imitez-les et ne soyez pas original. Un historien original est l'objet de la défiance, du mépris et du dégoût universel. Croyez-vous, Monsieur, ajouta-t-il, que je serais considéré, honoré comme je suis, si j'avais mis dans mes livres d'histoire des nouveautés ? Et qu'est-ce que les nouveautés ? Des impertinences.». Ce n'est sans doute plus aussi vrai aujourd'hui, mais est-on bien certain que cela ne le soit plus du tout ? le thème récemment relancé du fameux "Roman National" n'est rien moins que ce dont France se méfiait déjà avec une telle acuité.

L'histoire allant son cours, l'historien pingouiniste passe en revue certaines fortes personnalités, essentiellement de sang royal, du moyen-âge. On y croise une reine indomptable, une certaine Crucha ; On rencontre un clerc rédacteur de la première histoire (en fait, une vaste hagiographie de Saints et de Rois) de son pays, la "Gesta Pinguinorum", aussi pleine d'erreurs et de mensonges que ce que ses minces savoirs purent lui faire découvrir, mais qui demeura une référence absolue pour plusieurs siècles. La Renaissance est traitée d'un ton presque badin et loufoque par le biais de l'histoire d'un certain Marbode, un clerc souhaitant rencontrer aux enfers son poète vénéré, le grand Ovide. Toute ressemblance avec Dante Alighieri n'est absolument pas fortuite puisque l'auteur de l'Eneide lui-même (qui avoue ne pas croire un instant aux fables qu'il y conta) se souvient de cette rencontre fameuse qui donna le texte que l'on sait, bien qu'en quelques mots, Ovide en désacralise totalement l'auteur, le genre et le contenu : «Une âme audacieuse l'agitait sans cesse et son esprit nourrissait de vastes pensées, mais il témoignait, hélas ! par sa rudesse et son ignorance, du triomphe de la barbarie.» Voilà pour celui qui est souvent considéré comme le premier grand génie de toute la littérature européenne : un barbare... Au passage, Anatole France moque cette propension qu'a longtemps eut l'église de récupérer à son compte exclusif des célébrités antiques nonobstant l'impossibilité pour ces génies d'avoir jamais pu être chrétiens, étant d'un autre temps, d'une autre civilisation...

Anatole France passe assez vite sur l'évocation des guerres de religion puis sur la fin de l'ancien régime - explique que l'église, par esprit de rapprochement intéressé d'avec les sciences en pleine r-évolution, élaguait assez généreusement parmi les légendes et autres belles fables sans fondement ni source sérieuse afin de se rapprocher de l'esprit des temps. L'intention était louable mais à la fois tardive et dangereuse (pour elle) : c'est de ce genre de réflexion que naquit l'esprit des lumières, remettant tout en doute, à commencer par l'existence même d'un Dieu...
Les Lumières sont aussi très brièvement survolées, de même que la révolution - Anatole France pensait-il déjà à son futur grand texte "Les dieux ont soif" ? - le résumé de la biographie de l'avatar pingouinesque de notre fameux Napoléon-Bonaparte est un véritable jeu de massacre d'une férocité sans équivalent ni équivoque : l'homme apporta la gloire... et rien que des malheurs !
L'évocation des turpitudes politiques du XIXème siècle tout juste mort n'est qu'un bref survol jusqu'à la présentation très détaillée du boulangisme et de son général, affaire que nous avons copieusement oubliée aujourd'hui, mais qui occupa grandement les premières années de la IIIème République et l'ébranla un moment, tandis qu'il s'en est fallu d'un rien qu'elle ne causât sa fin anticipée.

Dreyfusard convaincu - souvenons-nous de son "Histoire contemporaine" en quatre moments délicieux. L'Affaire y occupe un rang central - Anatole France fut de ces quelques dreyfusard opiniâtrement déçu : à l'instar du jeune et bouillonnant Charles Péguy, le créateur de M. Bergeret espérait lui aussi que de cette bataille éprouvante mais vivifiante pour les idées de démocratie, de justice, d'honnêteté sortirait enfin un parti laissant derrière lui les vicissitudes, les mauvaises habitudes, les impostures - oui, encore - des vieux partis en place. Hélas, une fois le gros de l'affaire terminée, la plupart de ceux qui avaient combattus pour la vérité avaient aussi vite retrouvé le vieil opportunisme politique, les factions vides de contenu, les anciennes amitiés ou inimitiés de façade. L'auteur le plus lu et le plus célèbre de la France d'alors en conçu un immense regret et même, très certainement, un certain dépit. L'impression plus que désagréable d'un grand rendez-vous manqué de l'histoire en route d'avec les plus dignes et nobles des idéaux humains. Ici, l'affaire Dreyfus prend pour nom "l'Affaire Pyrot" et si le roman devient alors un véritable roman à clefs (dont seuls les plus fins connaisseurs de cette tragédie pourront goûter tout le sel), il n'en demeure pas moins une charge impressionnante encore parfaitement compréhensible contre les forces de réaction, l'église, l'armée, les mous en politiques, les imbéciles, la petite et moyenne bourgeoisie, les va t'en guerre, les ligues monarchistes, les voyous en col blancs (à l'époque on parlait de ronds de cuir), les encapuchonnés et les étoilés, etc.

Ce texte, qui s'apparente plus à une fable philosophique, par certains autres aspect à un pamphlet, s'achève par un véritable ovni littéraire - qui aurait, parait-il, influencé Aldous Huxley dans sa genèse de "Le meilleur des Mondes". Cette ultime partie, il l'intitule brièvement : «Histoire des temps futurs. L'histoire sans fin». Procédant plus du texte dystopique que d'un simple moment d'anticipation, le fin analyste de son temps mais aussi des hommes qu'était France, sa connaissance relativement juste et moderne des progrès scientifiques de son temps, permirent tout ensemble d'obtenir quelques pages d'une étonnante perspicacité quant à un avenir possible de cette fameuse Pingouinie. Cette fin se déroule donc grosso modo dans les années 2000 et décrit un monde pas si éloigné que cela du nôtre. Avec un siècle d'avance et une incroyable acuité, il décrit assez précisément certains maux que nous vivons aujourd'hui. Libéralisme débridé, monde urbain déshumanisant, terrorisme, sciences sans conscience, pauvreté sociale et grands écarts économiques, dans un moment d'écriture une fois encore saisissant d'intelligence et de clairvoyance qui ne laisse pas de questionner notre quotidien et qui révèle, parallèlement une facette pour le moins éloignée du France de la rôtisserie de la reine Pédauque, celle d'un homme profondément pessimiste quant à l'aptitude de l'homme à se changer profondément et à modifier, en mieux, et sa relation à autrui et le monde qu'il crée. Voilà d'ailleurs ce qu'il raconte de cette Pinguinie futurement présente : «Cependant la Pingouinie se glorifiait de sa richesse. Ceux qui produisaient les choses nécessaires à la vie en manquaient ; chez ceux qui ne les produisaient pas, elles surabondaient. " Ce sont là, comme le disait un membre de l'Institut, d'inéluctables fatalités économiques." le grand peuple pingouin n'avait plus ni traditions, ni culture intellectuelle, ni arts. Les progrès de la civilisation s'y manifestaient par l'industrie meurtrière, la spéculation infâme, le luxe hideux. Sa capitale revêtait comme toutes les grandes villes d'alors, un caractère cosmopolite et financier : il y régnait une laideur immense et régulière. le pays jouissait d'une tranquillité parfaite. C'était l'apogée.» N'est-ce pas assez saisissant ? «Inéluctables fatalités économiques»... On croirait entendre Mme Margaret Tatcher marteler son : "There is No alternative", devenu le sacro-saint credo de toute une certaine élite économico-politique...

Ce n'est pas pour rien que ce texte - malheureusement régulièrement épuisé - est l'un des plus grands de cet auteur génial, par trop oublié, et qui dut subir, dès son décès, autant d'accusations pénibles et fausses qu'il pu s'en prendre à la plupart des corps constitués, confréries, intérêts intellectuels, financiers, politiques de son temps et même par-delà ses années de vie sur terre. Car la plume d'Anatole France est brillante, elle est purement jouissive, jubilatoire à qui sait prendre le temps - elle n'est jamais simple sans être toutefois inévitablement ardue -. Surtout, elle est subversive comme peu ont pu l'être. Car si France fut à ce point conspué post-mortem c'est parce que jusqu'à aujourd'hui encore, avec son irrévérence élégante, son anarchisme sincère, profond mais jamais violent, son sens aiguë de la satyre, de la farce, du détournement, avec ce style et cette manière tellement inhabituelle de composer ses romans, qui n'en sont jamais tout à fait (surtout un comme celui-ci), qui ressemblent à des allégories, mais qui sont aussi des bouffonneries, des peintures réalistes et fantasques tout en même temps, avec tout ceci et bien d'autres choses encore, il s'en est pris à tous les tabous possibles. Qu'on en juge : la croyance profonde en la propriété et ce que nous appellerions aujourd'hui "ses valeurs", ses critiques aussi sévères qu'elles sont véridiques et légitimes des défauts de notre système républicain, sa libre pensée - qui s'appliquait alors à contraindre la pensée réactionnaire catholique mais nul doute que son regard serait tout aussi dubitatif et férocement critique quant au retour en puissance du fait religieux de ces dernières années -, sa remise en cause totale du fait historique, et plus encore, de la moindre possibilité d'écrire une Histoire sans, ou bien l'inventer, ou bien l'utiliser à des fins serviles et déshonnê
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
C'est une chose d'une grande conséquence que d'habiller les Pingouins. A présent, quand un Pingouin désire une Pingouine, il sait précisément ce qu'il désire, et ses convoitises sont bornées par une connaissance exacte de l'objet convoité. En ce moment, sur la plage, deux ou trois couples de pingouins font l'amour au soleil. Voyez avec quelle simplicité ! Personne n'y prend garde et ceux qui le font n'en semblent pas eux-mêmes excessivement occupés. Mais, quand les Pingouines seront voilées, le Pingouin ne se rendra pas un compte aussi juste de ce qui l'attire vers elles. Ses désirs indéterminés se rependront en toutes sortes de rêves et d'illusions ; enfin, mon père, il connaîtra l'amour et ses folles douleurs. Et, pendant ce temps, les Pingouines, baissant les yeux et pinçant les lèvres, vous prendront des airs de garder sous leurs voiles un trésor!... Quelle pitié !
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Cependant la Pinguinie se glorifiait de sa richesse. Ceux qui produisaient des choses nécessaires à la vie en manquaient ; chez ceux qui ne les produisaient pas, elle surabondaient. «Ce sont-là, comme le disait un membres de l'institut, d'inéluctables fatalités économiques.» Le grand peuple pingouin n'avait plus ni tradition, ni culture intellectuelle, ni arts. Les progrès de la civilisation s'y manifestaient par l'industrie meurtrière, la spéculation infâme, le luxe hideux. Sa capitale revêtait, comme toutes les grandes villes d'alors, un caractère cosmopolite et financier : il y régnait une laideur immense et régulière. Le pays jouissait d'une tranquillité parfaite. C'était l'apogée.
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- Aussi grand dans ses défaites que dans ses victoires, il [Trinco, un avatar de Napoléon-Bonaparte] a rendu tout ce qu'il avait conquis. Il s'est même fait prendre ses deux îles que nous possédions avant lui, Ampélophore et la Mâchoire-du-chien. Il a laissé la Pingouinie appauvrie et dépeuplée? La fleur de l'insule a péri dans ses guerres. Lors de sa chute, il ne restait dans notre patrie que les bossus et les boiteux dont nous descendons. Mais il nous a donné la gloire.

- Il vous l'a fait payer cher !

- La gloire ne se paye jamais trop chère, répliqua mon guide.
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On ne douta point, parce que l'ignorance où l'on était de cette affaire ne permettait pas le doute, qui a besoin de motifs, car on ne doute pas sans raisons, comme on croit sans raisons. On ne douta point, parce que la chose était partout répétée et qu'à l'endroit du public, répéter c'est prouver. On ne douta point, parce qu'on désirait que Pyrot fût coupable et qu'on croit ce qu'on désire, et parce qu'enfin la faculté de douter est rare parmi les hommes ; un très petit nombre d'esprit en portent en eux les germes, qui ne se développent pas sans culture. Elle est singulière, exquise, philosophique, immorale, transcendante, monstrueuse, pleine de malignité, dommageable aux personnes et aux biens, contraire à la police des Etats et à la prospérité des empires, funeste à l'humanité, destructive des dieux, en horreur au ciel et à la terre. La foule des Pingouins ignorait le doute : elle eut foi dans la culpabilité de Pyrot [...].
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Dans tout état policé, la richesse est chose sacrée ; dans les démocraties, elle est la seule chose sacrée.
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H : 0:58 - HABITUDE - Pierre-Adrien Decourcelle 1:09 - HOMME - Victor Hugo 1:19 - HOMME ET FEMME - Alphonse Karr 1:32 - HONNÊTES GENS - Anatole France 1:46 - HORLOGE - Alphonse Allais 1:56 - HUMOUR - Louis Scutenaire
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J : 3:46 - JEUNES ET VIEUX - Decoly 3:56 - JEUNESSE - Jean-Bernard 4:09 - JOIE - Martin Lemesle 4:22 - JOUISSANCE - John Petit-Senn
L : 4:33 - LARME - Georges Courteline 4:46 - LIBERTÉ - Henri Jeanson 4:57 - LIT - Paul Éluard
M : 5:05 - MALADIE - Boris Vian 5:18 - MARIAGE - Édouard Pailleron
5:31 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Jean Delacour, Tout l'esprit français, Paris, Albin Michel, 1974.
IMAGES D'ILLUSTRATION : Madame de Sévigné : https://www.linternaute.fr/biographie/litterature/1775498-madame-de-sevigne-biographie-courte-dates-citations/ Delphine Gay : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/5e/Delphine_de_Girardin_1853_side.jpg George Sand : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/09/George_Sand_%281804-1876%29_M.jpg Robert Poulet : https://www.belgiumwwii.be/belgique-en-guerre/personnalites/poulet-robert.html Jean-François Marmontel : https://www.posterazzi.com/jean-francois-marmontel-n-1723-1799-french-writer-stipple-engraving-french-c1800-poster-print-by-granger-collection-item-vargrc0085347/ Pierre-Adrien Decourcelle : https://www.mediastorehouse.co.uk/fine-art-finder/artists/henri-la-blanchere/adrien-decourcelle-1821-1892-39-boulevard-des-25144380.html Victor Hugo : https://www.maxicours.com/se/cours/les-funerailles-nationales-de-victor-hugo/ Alphonse Karr : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/9c/Personnalités_des_arts_et_des_lettres_-_Alphonse_Karr_%28Nadar%29.jpg Anatole France : https://rickrozoff.files.wordpress.com/2013/01/anatolefrance.jp Alphonse Allais : https://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/alphonse-allais-faits-divers.html Louis Scutenaire : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Scutenaire#/media/Fichier:Louis_Scutenaire,_rue_de_la_Luzerze.jpg Marcel Pagnol : https://www.aubagne.fr/actualites-109/marcel-pagnol-celebre-dans-sa-ville-natale-2243.html?cHash=50a5923217d5e6fe7d35d35f1ce29d72#gallery-id-4994 Anne Barratin : https://www.babelio.com/auteur/Anne-Barratin/302855 Charles Pinot Duclos
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