Publié en 1616, cet Objet Littéraire Non Identifié fait penser à la fois, incroyablement, à Platon (en raison de la forme du Banquet) et à Rabelais (pour l'humour, la parodie, le carnavalesque et la crudité de la langue) bien sûr, mais aussi de façon anachronique à Sade, et à bien d'autres, et je ne comprends pas comment la critique universitaire ne s'en est pas beaucoup plus saisie qu'elle ne l'a fait (deux éditions universitaires dans les années 80, un colloque en 1995, quelques articles et thèses). Tout est réuni pour l'enchanter : des références intertextuelles par milliers, une complexité si grande qu'elle n'est peut-être en définitive qu'un canular, la langue du XVIe siècle même si le livre fut publié au début du XVIIe, l'hermétisme, le foisonnement des anecdotes, des discours, des formes, la visée totalisante d'un livre qui se prétend « le centre de tous les livres », l'obscénité, la critique des religions, et même l'alchimie. Or il est aujourd'hui bien oublié même si on en trouve des traces chez certains auteurs du XIXe siècle comme Baudelaire, Théophile Gautier ou les frères Goncourt, ou du début du XXe comme Alfred Jarry, et si depuis 1616 il a quand même connu une quarantaine d'éditions. Pour le lecteur contemporain, il faut bien dire que l'accès au sens est très difficile, voire, pour certains passages, impossible (du moins si on le lit dans une édition sans appareil critique comme ce fut mon cas). Je n'irais pas jusqu'à conseiller ce livre, mais ça vaut le coup d'en lire des extraits, d'autant qu'on le trouve en e-book gratuit.
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Le personnage qui vous produit en tout honneur ces saincts memoires de perfection a pensé que le texte ne valloit pas mieux que le commentaire ; par quoy il les a fait aller ensemble. Doncques, soit que vous les lisiez ou non, ou que vous commenciez icy ou là, n'importe, ce livre est, par-tout, plein de fidelles instructions et sens parfaict, tellement que c'est tout un par où vous le lisiez. Il est un globe d'infinie doctrine ; il y a autant à apprendre dans un lieu qu'en l'autre, en ceste sorte-cy qu'en celle-là : il n'y a ligne, verset, endroict, ou passage (afin de parler niaisement aussi bien que les doctes) qui ne soit tout farcy de science mistigorique et concluante.
Le rire pour l'âme et le vin pour le corps.