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Critique de gabb


Le mois dernier, je furetais comme souvent dans les rayons de ma médiathèque préférée, l'oeil aux aguets et la truffe au vent, quand soudain v'là-t'y pas que je tombe en arrêt devant un nouveau Franzen ! Un nouveau Franzen ? Et personne ne m'aurait prévenu ?
Ni une ni deux, je fonds sur ma proie. Section "nouveautés", une belle brique épaisse et accrocheuse : évidemment "j'A-chète !" (comme hurlerait l'autre excité de TF1), ou plutôt j'emprunte (c'est bien, vous suivez).
Je regagne mes pénates tout content, j'examine du plus près mon butin du jour et là surprise : si la traduction française date bien de 2018, la publication originale remonte elle à ... 1992 ! Tu parles d'une nouveauté ! Pourquoi diable les éditions de l'Olivier ont-elles attendu si longtemps avant de nous proposer ce titre ? Souffrirait-il de la comparaison avec "Les Corrections", "Freedom" et "Purity" ultérieurs (miam miam) ? Serait-il trop mauvais, indigne de celui qu'on présente aujourd'hui partout comme "l'un des plus grands romanciers de l'Amérique moderne" ?
Pour en avoir le coeur net une seule solution : éplucher le machin.

700 pages plus tard, mon verdict est sans appel : "Phénomènes naturels" est un vrai Franzen (plouf, pavé dans la mare !).
La même vision mi-caustique mi-blasée de la société occidentale, ses dérives et ses excès, son consumérisme maladif, la même écriture riche et "urticante" façon poil à gratter, la même immersion dans l'intimité d'une famille américaine moyenne, la même ironie et le même cynisme dans la description de leurs relations conflictuelles, la même ampleur dans l'intrigue et dans le propos, tous deux teintés de politique et d'écologie (et même des références à Donald Trump, déjà !)
La même en un peu plus "brouillon", peut-être... Une histoire qui tarde un peu à décoller et des personnages légèrement moins fouillés que dans les romans précités, mais heureusement rien de rédhibitoire !
Qu'on se le dire : en 1992, Franzen était déjà Franzen ! Malgré quelques longueurs en début de roman, j'ai pris beaucoup de plaisir à suivre les tribulations de la famille Holland, et notamment de Louis (le fils cadet un peu rebelle, aussi instable sur le plan professionnel que sur le plan sentimental) et de sa dulcinée Renée, une jeune sismologue ambitieuse qui a oublié d'être bête.

Quand la mère de Louis hérite d'une petite fortune, l'unité déjà précaire de la famille vole en éclat, et comme si ces secousses domestiques ne suffisaient pas, c'est bientôt toute la région de Boston qui se trouve ébranlée par des tremblements de terre répétés et d'intensités variables. Déchirements familiaux et mouvements tectoniques entrent en résonance, au point qu'on ne sait plus si les "phénomènes naturels" évoqués par sur la couverture se rapportent aux uns ou aux autres. Probablement les deux, mon capitaine.
Les répliques sismiques se multiplient, et il s'avère bien vite que les tremblements de terre pourraient être induits par les pratiques d'enfouissement illégales d'une grande usine pétro-chimique de la région. Scandale industriel et catastrophe écologique (toute ressemblance avec des évènements récents survenus du côté de Rouen serait purement fortuite...) viennent donc étoffer une intrigue déjà dense, qui fait en outre la part belle aux grands tournants sociétaux des années 90 (féminisme et droit à l'avortement, course au profit et dérégulation économique, libertés individuelles...)

Vous l'aurez compris, Franzen s'est éclaté, en parsemant comme toujours son récit de formulations un peu nébuleuses (d'aucuns diront artificielles ou prétentieuses ?) du type "une brise humide imprégnée d'infrastructure déplaçait des faucilles de cheveux sur son front" ou "le silence qui les enveloppait, flatté par leur déférence, se fit saturé et despotique". Comprenne qui pourra ;-)
Il n'empêche qu'à l'épicentre de ce grand bazar, j'ai une nouvelle fois dévoré le "dernier" Franzen avec un appétit gargantuesque. Même si ce roman de jeunesse n'égale pas en qualité les grands succès qui suivront, faites moi confiance il reste d'excellente facture !
Espérons qu'il ne nous faille pas attendre encore 27 ans avant de pouvoir remettre ça !
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