David est manager marketing dans une grande société internationale. Il est le spécialiste de l'hygiène féminine. Tampons, serviettes hygiéniques, incontinence, toilette intime. Les femmes semblent, au plus profond de leur intimité, n'avoir aucun secret pour lui. Mais sur le plan sentimental, c'est plutôt le fiasco. Sa femme lui annonce qu'elle a un amant et qu'elle va le quitter pour l'autre. David est ravagé, dévasté, désappointé, lui qui croyait en l'amour éternel, avec un grand A. Il doit se reconstruire. Apprendre à retrouver sa libido, tout en s'accrochant à sa vie professionnelle dont le chalenge est de conquérir ce marché si particulier qu'est l'intime féminin.
Est-ce un journal ou plutôt un livre thérapie ? Sans doute les deux. L'auteur se raconte, raconte cette période de sa vie si douloureuse. Il le fait sans mièvrerie, avec talent. Jamais, il ne nous plonge dans sa dépression. Il fait même preuve d'un humour étonnant. Il ne nous cache rien. Ses sentiments, ceux de celles qu'il rencontre sont profondément dépeints. Sa vie professionnelle aussi. Elle est en toile de fond. Nous sommes confrontés au monde du marketing, à celui des entreprises qui doivent coûte que coûte conquérir des parts de marché tout en générant pour les dirigeants du profit. Tactiques, études de marché, analyse des cibles, ce que nous sommes pour ces grandes sociétés qui n'ont qu'un but, faire du profit, au mépris de tout humanisme. La publicité est là pour nous faire croire que ces produits sont créés pour notre bien-être, notre confort mais le but ultime reste l'argent. Un peu comme un agent infiltré, David partage avec nous ce quotidien qui est le sien, nous apprend comment ce monde fonctionne. Derrière ce système reste l'homme, ses déconvenues, ses malheurs et sa reconstruction. Femme après femme, de panne de libido à la résurrection de celle-ci, à la recherche d'un nouvel amour qui passe par la séduction. C'est avec une plume sublime que l'auteur nous décrit ce passage si douloureux de son existence. Des portraits incisifs, toujours empreints, même pour celles qui l'ont fait souffrir, de respect. Des métaphores au scalpel, un style brillant sans jamais être pédant, épicé d'humour, d'amour, d'érotisme. Le contraste entre ses connaissances des femmes pour son métier et la découverte de ces dernières et l'incompréhension qu'elles génèrent dans son quotidien, l'ignorance qu'il en a dans la vraie vie, celle après le travail. Tout au long du livre, il joue habilement avec les contraires. Il nous entraîne dans une portion de sa vie, dans son intimité profonde sans jamais toucher l'ennui, que du contraire, sa verve arrive à nous passionner, nous toucher, nous émouvoir. Après ce livre, j'ai envie de devenir son ami. Je n'ai qu'un mot, je viens de découvrir une perle littéraire, j'ai littéralement et littérairement adoré cette autobiographie. Une belle découverte.
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Les Femmes. Mélange instable de symbole et de réalité. Alchimie de l’émulsion. Lilith, Marie, Maman, Carabosse… L’une ou l’autre, et toutes à la fois. Femmes tampons et femmes serviettes. Les représentations se superposent sans s’annuler. Celles qui libèrent et celles qui emprisonnent. Celles qui goûtent et celles qui dévorent. Celles qu’on pénètre et celles qui nous pénètrent. Celles qu’on aime et celles qu’on tue. Les miroirs formants ou déformants de ce que nous sommes.
Le marché du menstruel représentait 16 milliards de dollars de revenus par an dans le monde. Avec d’abord la serviette (11 milliards), puis le tampon (3 milliards) et, considéré comme un produit de complément ou paramenstruel, le protège-slip (2 milliards). On déterminait trois grands types de géographies d’usage : les pays proserviettes (pays méditerranéens, catholiques et musulmans, et l’Asie), où l’usage du tampon était inférieur à 20 % ; les pays protampons (Europe du Nord, Allemagne incluse), où l’usage du tampon dépassait les 60 % ; et les pays à parité entre tampons et serviettes, comme les États-Unis ou la France.
Avant tout la Femme saigne. Au total, entre ses jambes et sur toute la surface du globe, près de 150 millions de litres de sang par an. La Femme saigne dans ses attributs les plus spécifiques et les plus déterminants. 7 femmes sur 10 interrogées aimeraient espacer ou supprimer leurs règles, mais quand on le leur propose concrètement grâce à un nouveau contraceptif, 3 sur 10 seulement acceptent d’essayer… Pendant longtemps, je n’ai rien compris. Pendant longtemps, j’ai pris un seul vagin pour tous les autres. Jusqu’à ce qu’on me demande de m’occuper vraiment de tous les autres, sans limite d’âge, de condition et d’origine. Des vagins par millions, pour leur donner le meilleur de moi-même.
S’il existait un record des occasions manquées, voire des occasions faciles, je serais le champion absolu. Un regard suffisait pour enflammer mon cœur et tétaniser le reste, une paire de jolies jambes pour faire exploser mes fantasmes et m’empêcher d’entreprendre quoi que ce soit. J’étais un affamé qui ne pouvait rien avaler. Un anorexique de l’amour.
Quelques mois plus tard, nous étions en bonne voie pour atteindre les résultats escomptés, alors que mon plan n’avait pas encore porté ses fruits, grâce à une réduction des « frais de structure ». Quand on pensait, comme tous ceux qui travaillaient pour Ralph Chock, notre propriétaire zélé, que l’on « créait de la valeur pour toute la société civile », on n’était pas à quelques licenciements près.